Indian Jewelry ne sont pas les premiers Texans à flirter avec le noise. Dans les sixties, Red Krayola a porté haut et hors frontières les couleurs d'un psychédélisme expérimental et bruitiste qui a patronné toute une flopée de groupes à la recherche d'un esprit d'avant-garde. La différence, c'est que le couple de Houston a pu compléter cette inspiration en s'inscrivant dans une démarche no wave, se permettant de fait de lorgner du côté de courants musicaux aussi variés qu'indélébiles, associant à leur approche bruitiste blues, shoegaze, folk, dub, surf... autant de genres séparant leurs débuts en 2003 de leurs aînés en la matière, et plus encore. Après une décennie d'existence et l'effet de surprise sacrifié par la mouvance psyché sur l'autel d'un revival aux contours moins poreux qu'on ne l'aurait espéré, le tandem Tex Kerschen / Erika Thrasher reste en retrait de groupes plus standardisés, indépendamment de leur fréquentation régulière de l'Austin Psych Fest et de leur passage cette année à Angers pour Levitation France. Faut-il vraiment en être surpris, tant leurs productions restent indéfinissables, leur accessibilité semblant s'appuyer avant tout sur la volonté arbitraire du groupe de codifier leurs sonorités autour d'un délire psychiatrique personnel et complètement versatile, hormis ce frottis noise qui ausculte jusqu'au tympan la moindre oreille compatissante?
Photo © Rosa Guerrero-BrennanC'est pourtant dans cette déconstruction qu'Indian Jewelry trouve son compte, et celui d'un public qui ne craint pas les mélanges, voire les ruptures de style. Arc-bouté sur sa constance identitaire de chants filtrés et réverbérés aux mélodies trainantes, le couple texan décompose les genres, détourne leurs instruments et conventions pour se réapproprier ici une dominante surfgaze ( Charmer), là une descente de blues ( Nightsweat), tirant sur des accords lâches comme pour asseoir plus longtemps leur empreinte musicale dans la mollesse de notre matière cérébrale, quitte à remplacer certains des instruments traditionnels de la folk, violon et vielle, par des ersatz numériques ( Do Survive) juste avant de profiler un batcave rapidement mouliné par des vrilles synthétiques et un refrain poppy ( Luxury of Regret). Loin du cadavre exquis, les compos d'Indian Jewels ne reposent pas sur l'accident heureux d'influences mises bout à bout, mais interrogent la légitimité des clivages musicaux, se jouant des frontières stylistiques, poussant le concept aux limites du patchwork mais sans jamais sombrer dans le ridicule, même lorsqu'il s'agit de s'attaquer au dub ( Riding Cars Talking Trash) ou de noyer quelques arpèges pianotés dans une ballade shoegaze ( Intra-Body). À l'exemple de leurs prods, il faudra peut-être décomposer l'écoute de cet album pour éviter la lassitude d'un noise surabondant, parfois apathique, et même pesant sur certains morceaux. Mais en cas de doute, ne pas hésiter à répondre à l'invitation du premier titre: Turn It On Again.
Audio
Tracklist
Indian Jewelry - Doing Easy (Studded Left, 01 septembre 2015)01. Turn It On Again
02. Charmer
03. Inside the Shadows
04. Nightsweat
05. Intra-Body
06. Do Survive
07. Luxury of Regret
08. Riding Cars Talking Trash
09. Vast Division
10. The Keys
11. Calling Calling
12. Lovely Rita