« Wall Street got Drunk ». En prononçant cette phrase, George Bush était largement en-deçà de la réalité. C’est en tout cas l’affirmation de l’éminent Professeur de neuropharmacologie à l’Imperial College, David Nutt. Dans une publication controversée, il identifie les causes de la crise des subprimes dans la consommation excessive et débridée de cocaïne par les traders. Est-il bon de s’acharner sur une profession déjà tant décriée et caricaturée ? A plusieurs égards, cette nouvelle explication de la crise apparaît exagérée et délibérément provocante. D’autant plus que son auteur, David Nutt, s’est déjà fait remarquer en affirmant qu’un trip d’ecstasy n’est pas plus nocif qu’une balade à cheval… Pourtant, de nombreux spécialistes en économie et sociologie corroborent cette explication surprenante.
Un excès de confiance due à une surconsommation de psychotropes…
« L’exubérance irrationnelle des marchés » Cette célèbre formule d’Alan Greenspan, directeur de la Banque Centrale Américaine de 1987 à 2006 trouve un écho tout particulier avec la théorie loufoque de David Nutt. La consommation de cocaïne serait donc un effet déclencheur de ce que les analystes techniques nomment les bull market et bear market (respectivement tendance haussière et tendance baissière). Parmi les adeptes de cette théorie, on retrouve le docteur Chris Luke qui établit sans concession le rôle joué par la cocaïne dans la création des bulles spéculatives : « certaines personnalités en vue dans les cercles politique et financier ont pris des décisions irrationnelles inspirées par la mégalomanie que provoque la cocaïne. (…) Les gens prenaient des décisions insensées en pensant avoir raison à 110 %, ce qui nous a conduit au chaos actuel ».
Geraint Anderson, journaliste au quotidien britannique The Guardian n’hésite pas à parler de « bouffons ravagés par la cocaïne », seuls capables de s’échanger des titres adossés à des crédits hypothécaires aussi risqués. La consommation de cocaïne entraînerait un rétrécissement du cortex préfrontal, zone du cerveau associée à la prise de recul, aux décisions rationnelles. Certains spécialistes ont même cherché à établir un modèle mathématique corrélant la hausse de cortisol (liée à la consommation régulière de drogues dures) et la hausse du cours des indices boursiers. A travers ces allégations, c’est le surendettement des ménages américains, les politiques de « propriété pour tous » qui passent au second plan au profit de l’image d’Épinal des financiers fous…
Au royaume des cocaïnomanes…
Il faut dire que la révélation du mode de vie de Bernard Madoff a considérablement consolidé ces explications non-conventionnelles de la crise (même si le scandale Madoff est indirectement lié aux krach des subprimes). La cocaïne était si omniprésente dans les locaux de Madoff Securities que les initiés avaient surnommé ce lieu le « pole Nord ». A cela s’ajoute l’attrait de l’escroc pour « les escort-girls, masseuses et autres employées » : les documents du procès font état « d’employés qui laissaient libre cours à leurs envies dans des lieux « excitants » comme le sofa de leur patron avec la première personne venue». « Un montant considérable de l’argent volé aux investisseurs est allé à ces coûteuses gourmandises, ainsi qu’à d’autres dépenses pour les salariés, la famille et les favoris » de M. Madoff. Le texte du procureur au procès est accablant, si bien qu’après la crise de 2008, les traders et gérant sont devenus tributaires de l’image de la finance de marché dans nos sociétés.
C’était mieux avant…
Aujourd’hui, la consommation de cocaïne dans les milieux financiers s’apparente à une légende renvoyant une époque faste et révolue. Les grandes banques d’investissement planifient des dépistages pour repérer une possible consommation de drogue par les traders. Car il devient de plus en plus douteux que des investisseurs confient dorénavant la gestion de leurs portefeuilles à des cocaïnomanes avérés…