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NWA : Que vaut le film? Que vaut le produit?

Par Gangoueus @lareus

NWA : Que vaut le film? Que vaut le produit?
Malgré le buzz réalisé sur les réseaux sociaux et ses bons résultats au Box-office américain, on peut se demander si la sortie du nouveau film de F. Gary Gray sur le groupe NWA est comparable à l’effet de la sortie du fameux Boyz’N the hood, il y a 25 ans. Si mes souvenirs sont bons, il y avait eu des scènes de violence aux sorties des salles, pour un film où Ice Cube tenait déjà le haut de l'affiche. Peut être faut-il rappeler que NWA, c’est Ice Cube, Eazy-E, Dr Dre, MC Ren et DJ Yella. Deux rappeurs purs et trois MC. Boyz’n the hood était à l’époque sortie au cinéma Vog de Brazzaville, mais je n’avais pas eu l’occasion de le voir. Ce film de John Singleton avec un Laurence Fishburne dans ses premiers grands rôles, Morris Chesnut à la carrière trop discrète pour le talent qui fut le sien, un excellent Cuba Gooding Jr nous plongeait dans l’univers complexe et  violent de la rue des quartiers chauds de Los Angeles, pas si loin d’un Hollywood qui nous vend ses chimères d’une Amérique prospère et engageante. 
Avec NWA - Straight Outta Compton, on pouvait craindre que le propos de F. Gary Gray soit au service des égo des artistes qui entouraient le projet. Parmi les réalisations de ce cinéaste, on peut compter Set It Off un film remarquable construit autour d’une bande de jeunes femmes afro-américaines, un poil désespérées qui décident de monter un plan foireux de braquages de banque. D’une certaine manière, nous avons avec Straight Outta Compton la même structure de scénario. A savoir, comment une bande de jeunes issus de Compton vont, sous la férule artistique de Dr Dre et avec les pépettes de Eazy-E et les textes enflammés de Ice Cube, occuper un espace, créer un nouveau son. Le terreau est le même pour le réalisateur américain. Planté le décor, Compton, une de ces zones sinistrées où on peine à croire qu’on est en Amérique, où règne l'arbitraire, le deal de drogue, les bandes, la violence policière. Ici, et je pense que c’est un point sur lequel F. Gary Gray a souhaité se positionner très fortement voire lourdement, la question du rapport aux forces de l’ordre est prépondérante . Il est évident qu’on ne peut pas faire du manichéisme sur le sujet puisque l’entrée en matière du film pourrait nous laisser entrevoir un contexte où les rapports ne peuvent s’inscrire que dans la méfiance et dans la violence. Après tout est affaire d’interprétation. Dans un pays surarmé, quelles vont être les méthodes d’action de la police? En même temps, il y a l’histoire aussi qui parle en défaveur de la police. L’histoire et l’actualité. Récemment, l’ancien n°1 du tennis américain, James Blake, s’est fait violemment plaqué au sol dans un hôtel, à New York lors d’un contrôle de police. Délit de faciès? En tout cas, il n’était pas recherché. Plusieurs vidéos ont circulé sur un policier interpelant violemment une adolescente américaine en bikini du côté de Houston… Aussi, la scène où F. Gary Gray montre les 5 membres du groupe sortant de leur studio d’enregistrement et injustement humiliés, face contre terre, par les forces de l’ordre est lourde de sens. D’une certaine manière, ces affaires d’interpellation parfois injustifiées trouvent un écho ici, en France, quand les contrôles de police dans certains lieux publics ne touchent qu’une certaine catégorie de la population.
De rage, Ice Cube, écrit un texte au titre ravageur dont je ne m’autoriserais pas à répéter le titre. Les Nigga With Attitudes (NWA) ont décidé d’user de leur liberté d’expression pour chambrer les forces de l’ordre. A la violence physique des interpellations, la violence des mots mise en cadence. La question n’est pas de signifier si c’est bien ou mal, mais c’est surtout de comprendre le contexte de la création de leurs textes parmi les plus agressifs.
Après le film, et c’est à mon avis le point fort de ce projet cinématographique, met en avant une aventure humaine. L’aventure de n’importe quel groupe de musique. Avec la joie de la création, les conflits de leadership, la question des droits, les concerts, la folie de la réussite et les grandes causes. C’est la deuxième partie du film que j’ai trouvée très intéressante. La première étant quelque peu caricaturale et politique n’était, de mon avis, sauvé que par la bande son. Disons qu’écouter NWA dans une grande salle quasi remplie un lundi soir, il y a de quoi prendre son pied. Sur le groupe, je pense que l’hommage rendu à Eazy-E est intéressant. Pour le reste Ice Cube et Dr Dre sont bien mis en avant, ce qui d’une certaine manière peut se justifier. Mais on ne m’enlèvera pas de l’esprit que c’est leur version de l’histoire et que leurs personnages sont extrêmement lisses dans le film. Le fils d’Ice Cube est tout simplement étincelant. En sortant de la salle, le message me semblait assez clair venant de Dr Dre : J’ai vécu parmi des loups. Mon quartier. Mes managers. J’ai perdu mon frère. Mais mon talent et mon sens de l’esquive m’ont permis de devenir le milliardaire que je suis et de survivre. La disparition de Eazy-E apporte toutefois le grain d’émotion qui caractérise les films de F. Gary Gray.
Pour avoir suivi, il y a deux semaines le remarquable documentaire Mr Dynamite sur James Brown, force est de constater que les trajectoires de ces artistes afro-américains restent similaires et révèlent combien le chemin de l’intégration des américains issus des quartiers les plus durs de ce pays est complexe. Alors que des Noirs continuent d’être trop facilement abattus par les forces de l’ordre aux Etats Unis, NWA - Straight Outta Compton rappelle que les huit ans d’un couple présidentiel afro-américain n’ont pas réellement bousculé les schémas d’une société bâtie sur la violence et la peur. 
Un dernier mot. Certains se plaignent que les clashs musicaux entre Eazy-E d’une part, Dr Dre et son poulain Snoop Dogg d’autre part n’ont pas été mis en scène. Peut-être faudrait-il rappeler, que celui d’Ice Cube avec l’ensemble du groupe NWA est simplement monumental. Je trouve cette connexion commune avec les artistes d’Afrique centrale. Ice Cube règle ses comptes en usant l’art des mots, de la poésie et du rap. Le morceau No vaseline... d'Ice Cube résume le film. Cela fait penser à ces mbwakela de la musique congolaise dont Franco ou Koffi Olomidé pour ne citer que ceux-là étaient des maîtres. Dans les années 90, le hip-hop simulait même la violence d’un combat de rue avec ce qu’on appelait la danse combat. Peut-être faut-il dire que pour F Gary Gray, c’est une illustration de l’origine du Gangsta Rap.

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