Concert des Frères Ferré aux Internationales de la Guitare
Samedi 3 octobre, 15h45, en remontant lentement le grand hall de la Canopé et le Salon de la Lutherie en direction de la salle Méditerranée, impression de pénétrer dans une gare un jour de grand départ. Pourtant à l'arrivée plus d'interdiction ferroviaire, ici il sera fortement recommandé " de traverser les voix Ferré ".
Ces voix Ferré, c'est la Bande des Trois, les frères Boulou et Elios Ferré, épaulés par Christophe Astolfi.Dès l'entrée Boulou donne le ton, ce concert se place sous le patronage d'une " rencontre entre le jazz et la chanson française ". On ne présente plus les Ferré, Boulou et Elios, et avant eux Matelo, leur père, on les écoute, presque religieusement. C'est peut-être pour cela que, entre deux flots de notes superbement contrôlées, se glisse un petit bout de " Il est né le divin enfant ". Amusant, non, mais peut-être pas si étonnant. Boulou, un spécialiste de Bach et un des fondateurs du nouveau jazz manouche. Qualifié de classico-jazz, il s'oppose et complète harmonieusement son frère Elios, le flamenco-rock.
Le résultat nous avons pu l'apprécier, nous les 250 auditeurs de la salle comble de l'auditorium du CRDP, durant un concert riche en émotions.Emotion distillée par Boulou, évoquant ses maîtres, le grand Django, mais aussi Brassens et Gainsbourg. Hommages aux uns et aux autres et présence de leur œuvre grâce aux interprétations, à la sensibilité du chanteur et de ses deux complices. Boulou " chante avec l'ingénuité et la douceur d'un Boris Vian les textes de Brassens (Je me suis fait tout petit, Les Amoureux des Bancs Publics), Gainsbourg (La Javanaise, L'Eau à la Bouche) sur des arrangements sophistiqués au swing enivrant, ponctués d'improvisations puissantes et véloces. " Parfois détournées, décalées, dans une autre tonalité, Juliette Greco s'y serait-elle retrouvée, ces chansons constituent le socle d'une musique globale.
Jazz, tradition manouche, flamenco, rock, variétés, tout cela , tour à tour, résonne à nos oreilles. Parfois c'est un peu trop, mais il s'agit des Ferré ! Pas une occasion ne leur manque pour rendre hommage aux amis, certes, mais surtout à leur famille. " Il y a deux grandes familles, les Ferré et les Reinhardt, on se retrouvait souvent à Paris " explique Elios en présentant sa composition " Rendez-vous à la Coupole ". Tout converge, tout concourt et si la technique est parfaite, les sons maîtrisés, à chaque instant un plus se rajoute : " Hommage à Kiki de Montparnasse " et aux années folles, compositions " Rue des trois frères " et " Bienvenue à bord ". Avec ses créations et ses arrangements Elios sert passionnément une famille de musiciens d'exception : leur père, Matelo Ferret, leurs oncles Sarane Ferret et Pierre Baro-Ferret.
Boulou, lui, est dans la nostalgie des amis disparus, Brassens, Serge Gainsbourg, le provocateur raisonnable, qui lui a affirmé " tu peux chanter, mais chante comme un jazzmen ! "
On applaudit, on apprécie, c'est fin, intelligent, policé aussi. Pas de grandes explosions, d'appréciations bruyantes chères aux soirées gitanes, le public suit le trio et reste dans une certaine réserve qui sied à la qualité confirmée.
Emotion, toujours, avec l'évocation de Michel Delpech, " un ami qui ne va pas très bien ". Occasion d'accueillir une superbe Singried et interprétation à deux de Lorette. C'est beau !
Un bis, bien réglé, nous offrira un arrangement d'Elios sur une œuvre de Django, " Artillerie lourde ", au titre prémonitoire.
Une belle fin d'après-midi mais un zeste de regret. L'émotion, que Boulou nous a proposée tout au long du concert, était-elle aussi dans la salle ? Une musique aboutie, intelligente, intellectuelle même, mais qui, s'éloignant de Django et des ses pairs, est parfois un peu froide. On ne parlera pas de la guitare et de leur virtuosité, rien à redire.
Mais la " mariée n'est jamais trop belle " , ne boudons pas notre plaisir.
Merci aux Ferré et aux IG, encore une réussite !
BIO
Boulou Ferré, né Jean-Jacques Ferret à Paris le 24 avril 1951 et Elios Ferré né le 18 décembre 1956, sont deux guitaristes de jazz manouche français. Ils sont les fils de Pierre-Jean Matelo Ferret plus connu sous le nom de Matelo Ferret, cadet d'une famille de musiciens gitans. Boulou et Elios ont pour oncles Baro et Sarane Ferret qui les initient très tôt à la guitare et aux chants tziganes. Ils forment un duo à partir de 1979, puis un trio avec Michel Graillier, et ensuite Alain Jean-Marie. C'est avec leur famille qu'ils ont fait leur apprentissage précoce.
Site Web : http://www.les-ig.com/