Les bactéries sont des créatures extrêmement rusées. On sait qu’elles évoluent pour mieux résister aux antimicrobiens. Cette recherche de l’Université de Californie – Santa Barbara décrypte leur drôle de stratégie. Une stratégie de cheval de Troie qui consiste à utiliser le milieu de l’hôte dans lesquels ces bactéries vivent pour développer leur résistance aux médicaments. Ces données, présentées dans la revue eBioMedicine contribuent à expliquer pourquoi certains antibiotiques efficaces en laboratoire sont inefficaces chez certains patients. Des implications importantes pour l’industrie pharma, qui appellent à reconstituer les environnements réels et variés de l’hôte, dans lesquels évoluent les bactéries pour survivre.
En synthèse, la recherche suggère que les bactéries basculent de la sensibilité à la résistance aux antibiotiques en utilisant une stratégie de cheval de Troie c’est-à-dire en s’inspirant et en tirant parti de leur milieu de vie naturel chez l’hôte. Ces travaux contribuent à expliquer deux aspects importants de la multirésistance : les bactéries deviennent résistantes à certains antibiotiques seulement, et ils déploient ce mécanisme de défense spécifiquement dans certaines zones du corps.
Un processus lié au milieu de vie commun à de nombreuses bactéries : Le Dr Mahan et ses collègues ont d’abord travaillé sur la Salmonella qui » vit » au milieu des globules blancs, ces cellules mêmes du système immunitaire impliquées dans la protection contre les maladies infectieuses. Lorsque les chercheurs parviennent à imiter cet environnement intracellulaire en laboratoire, les bactéries deviennent alors très résistantes à certains antibiotiques.
Dans le cas de Yersinia (Vignette), une bactérie qui peut entraîner un empoisonnement du sang, mais vit à l’extérieur des cellules hôtes dans l’intestin, lorsque les chercheurs imitent ce milieu extracellulaire de l’intestin, la bactérie devient également très résistante à certains antibiotiques.
Une première conclusion est donc que les méthodes actuelles pour tester la résistance aux antibiotiques ne reflètent pas les environnements réels et variés de l’hôte, où vivent les bactéries.
De nombreuses implications pour la lutte contre l’antibiorésistance et le développement de nouveaux antibiotiques. Parmi ces implications :
· la prise en compte en laboratoire des environnements biochimiques spécifiques qui déclenchent la résistance,
· la nécessité de modèles animaux tôt dans le processus de développement des antibiotiques (tests précoces in vivo),
· l’intérêt d’aller rebalayer les bases de composés chimiques ou molécules existantes, car le prochain médicament anti superbactéries multirésistantes existe peut-être déjà. En effet, certains composés pourtant efficaces en situation, ont pu être exclus in vitro.
Des conséquences aussi pour le patient :
· la prescription du mauvais antibiotique peut non seulement ne pas réussir à stopper l’infection, mais aussi favoriser l’émergence de superbactéries ;
· l’antibiogramme doit être interprété avec circonspection ;
· Lorsqu’un patient ne répond pas à un antibiotique plutôt que d’augmenter la dose ou la durée du traitement, l’option thérapeutique la plus efficace sera de prescrire un autre médicament.
Source: EBioMedicine August 15 2015 DOI: 10.1016/j.ebiom.2015.08.012 Host-dependent Induction of Transient Antibiotic Resistance: A Prelude to Treatment Failure (Visuel@Peter Allen, vignette”Yersinia” Saint Louis University School of Medicine)
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