Pour réduire de moitié les émissions de CO2 mondiales d'ici 2050, l'AIE (Agence internationale de l'énergie) a dressé vendredi un ambitieux plan d'attaque: elle préconise que de 2010 à 2050 le monde installe chaque année en moyenne:
- 32 centrales nucléaires
- 215 millions de m2 de panneaux solaires
- 17.500 éoliennes (dont un quart en mer)
- 55 centrales thermiques équipées de système de capture du CO2 (CCS).
En tout, 1.400 centrales nucléaires et 700.000 éoliennes à construire d'ici 2050.
Un choix pro-nucléaire aussitôt rejeté par le ministre allemand de l'Energie Sigmar Gabriel et de Greenpeace, qui condamne aussi le choix de la technologie de capture du carbone, une technologie controversée.
Autre recommandation de l'AIE: les biocarburants tirés de la biomasse (notamment les résidus de bois) devront représenter un quart des carburants utilisés, et devront circuler un milliard de voitures avec des batteries électriques ou des piles à combustibles.
Il faudra aussi doubler l'efficacité énergétique de nos appareils et qu'une bonne partie des bâtiments construits soient à émissions zéro.
Donc, sur de nombreux points, aller beaucoup plus loin que les projets actuellement sur les rails.
Coût de ce scénario "bleu": 45.000 milliards de dollars sur 40 ans, soit 1,1% di PIB mondial/an. Mais cela économisera l'équivalent de 51 milliards de dollars de carburant.
Si ce scénario est suivi, la biomasse deviendra la principale source d'énergie renouvelable, apportant 23% de l'énergie primaire. Il faudrait pour cela que 15.000 millions de tonnes de biomasse soient apportées chaque année des usines, moitié venant des résidus de bois et forêts, moitié de cultures spécifiquement produites, qui nécessiteront une surface cultivée équivalente au quart de la surface agricole américaine.
Un bon signe, 2007 a vu s'accélérer le déploiement d'énergies renouvelables, souligne l'AIE, avec 20 GW supplémentaires d'éoliennes et 2 GW de solaire. Environ 30% des capacités énergétiques supplémentaires étaient des énergies renouvelables en 2007.
Les biocarburants tirés du maïs et autres productions vivrières ont été critiqués, comme peu bénéfiques pour l'environnement et réduisant les productions alimentaires. Mais vont apparaître dans les 5-10 prochaines années des biocarburants de seconde génération, tirés de l'herbe, des arbres et des déchets de biomasse, qui pourront surmonter ces critiques, selon l'AIE.
Dans le scénario le plus optimiste, ces biocarburants représenteront 700 millions de tonnes d'équivalent pétrole, soit 26% du carburant consommé en 2050.
La part des énergies renouvelables passera dans ce scénario de 18% actuellement (en incluant l'hydro-électricité) à 46% en 2050, avec 19.000 TWh (térawatt-heure): 5. 000 TWh chacun pour l'hydro-électricité, le solaire et l'éolien, et 4.000 d'autres sources.
En résumé "une révolution énergétique". Et si rien n'est fait que les politiques actuelles, les émissions augmenteront de 130% d'ici 2050 et la demande en pétrole de 70%. "Il faut un virage majeur des politiques gouvernementales et une coopération sans précédents entre les plus grandes économies mondiales", résume l'AIE.
Ceci pour atteindre l'objectif le plus ambitieux de l'IPCC: réduire de moitié les émissions, c'est-à-dire contenir à moins de 2,4 degrés le réchauffement de la planète, et évites que d'immenses régions de la terres ne se retrouvent immergées.
Les dirigeants du G8 ont accepté d'envisager ce scénario "Bleu", par rapport au scénario "Act", plus modeste, consistant seulement à stabiliser les émissions au niveau actuel. "Bleu ne pourra être réalisé que si le monde entier participe pleinement", selon l'AIE
Stabiliser les émissions pourra être réalisé par des économies d'énergie et une production énergétique sans émissions, ceci pour un coût de 50 dollars par tonnes de CO2 émis -- soit l'équivalent 20 dollars supplémentaires par baril de pétrole.
Pour réduire les émissions des moitié il faudra en outre accroître les énergies renouvelables (21% de réduction), capter et stocker le CO2 (19%) et développer le nucléaire et l'efficacité énergétique 24%, ce qui coûtera nettement plus cher -- jusqu'à 200 dollars par tonnes de CO2 (+80 dollars par baril de pétrole) voire au pire , sans progrès technologiques -- 500 dollars/tonne de CO2 soit +200 dollars par baril de pétrole.
Notamment, l'AIE réclame 7.000 milliards pour l'innovation, soit plus de 100 milliards par an de recherche et développement.
Si aucune mesure nouvelle n'était prise, la température mondiale pourrait montrer de 6 degrés en 2100, avec des conséquences dramatiques pour tous les pays.
Actuellement les énergies renouvelables représentent 13% de l'énergie primaire (dont 90% est du bois de chauffage ou autre élément de biomasse pour cuisiner et se chauffer), les biocarburants ne représentent que 2% des carburants mondiaux, l'hydro-électricité 16% de la production électrique mondiale, et l'éolien, le solaire et la biomasse ensemble seulement 2% de la production électrique.
Pour l'AIE les avions, camions et bateaux peuvent sans grandes dépenses consommer 20% d'énergie en moins. Et l'agence compte sur le fait que l'une ou l'autre des deux options d'avenir pour l'automobile, les voitures électriques que l'on charge en branchant sur un réseau ou celles avec des piles à combustibles deviendront très largement majoritaire en 2050.
Il faudrait enfin que 30% des centrales thermiques soient équipés de système de capture et stockage du CO2, une solution indispensable, selon l'AIE.
En millions de tonnes de CO2 dégagées dans l'atmosphère, alors que le monde dégage environ 28 milliards de tonnes par an actuellement, le scénario d'inertie aboutit à 62 milliatds de tonnes en 2050, quand le scénario "Bleu" est de 14 milliards de tonnes.