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Frank Bascombe n'est pas Richard Ford

Par Pmalgachie @pmalgachie

Frank Bascombe n'est Richard Ford

J'ai publié hier, dans Le Soir, un article à propos d'En toute franchise, le nouveau livre de Richard Ford, où le personnage de Frank Bascombe est de retour. C'est la quatrième fois que l'écrivain américain fait de lui le centre d'une fiction - celle-ci n'est pas tout à fait un roman, plutôt quatre longues nouvelles articulées les unes aux autres.

Comme chaque fois, on peut avoir manqué la lecture des livres précédents et débarquer sans préparation dans la vie de cet homme à qui il est, forcément, arrivé un tas de choses auparavant. Car celles-ci sont rappelées discrètement par Richard Ford et, en un sens, on n'a pas besoin d'en savoir plus.

Il n'empêche: une certaine familiarité avec Frank Bascombe peut être agréable. A défaut de vous obliger, séance tenante, à lire Un week-end dans le Michigan, Indépendance et L'état des lieux, les trois romans précédents, je vous propose un saut dans le temps à travers la rencontre que j'avais faite de leur auteur en 1996. Indépendance venait de paraître en français et Richard Ford m'expliquait son travail d'écriture, en fournissant des détails sur ses rapports avec Frank Bascombe.

Frank Bascombe n'est Richard Ford

Frank Bascombe est devenu, sans autres qualités particulières qu'une grande patience et le don d'écouter les clients potentiels, agent immobilier. Il a en charge, si l'on veut, un couple de clients particulièrement exigeants, Phyllis et Joe. Ceux-ci semblent ne pas très bien savoir ce qu'ils veulent, mais ils savent exactement ce qu'ils ne veulent pas : toutes les maisons que Frank leur propose. Frank a une maîtresse, Sally, qu'il doit retrouver avant de passer une journée avec son fils Paul, quinze ans, en pleine crise d'adolescence. Frank compte profiter de la visite de deux musées, l'un consacré au basket, l'autre au base-ball, pour rompre le malaise qui s'est installé entre son fils et lui.

En trois jours, Frank mène donc de front ces trois histoires qui se recoupent et qui, racontées dans le détail, donnent un livre épais où le temps paraît s'écouler à la fois très lentement, parce que presque chaque moment est rapporté, et très vite parce qu'il se passe beaucoup de choses.

En parlant avec Richard Ford, on a le sentiment qu'il est de ces écrivains qui réfléchissent beaucoup à leur travail et ne se contentent pas de se laisser aller à l'écriture sans savoir quelle direction ils prennent. Dans un motel, Frank trouve son vieux recueil de nouvelles, poussiéreux, sans doute jamais ouvert. C'est, pour un écrivain, une curieuse sensation. Richard Ford ne sait pas très bien, cependant, ce que cela représente, bien qu'il soit écrivain lui-même : " Je pense à chaque phrase à la manière dont cela fonctionne, reconnaît-il. En effet, je n'écris pas un livre à ma propre intention. C'est principalement pour les lecteurs. Et, sans cesse, je me demande ce que les lecteurs vont en penser. Parfois, vous écrivez une phrase que vous aimez. Cela veut presque toujours dire qu'il va falloir la retirer... Il faut mesurer l'importance réelle qu'elle aura pour le lecteur. Quand on écrit une phrase, on essaie d'être aussi proche d'elle que possible. Immédiatement alors, on recule pour se mettre à la place du lecteur. On s'approche, on recule, on fait cela tout le temps, comme un peintre. Je ne peins pas, mais c'est magique, de voir comment travaille un peintre : il fait de petites touches, très près de sa toile, et, en s'éloignant, on s'aperçoit que ça donne un nuage, un arbre... "
" Ma relation avec le personnage est basée sur le fait qu'il n'est pas moi. Je pense être moins gentil que lui. Nous avons une intelligence différente des choses, puisque je suis le véritable écrivain et qu'il est un personnage de roman. Je l'aime beaucoup et, d'une certaine façon, je l'admire parce qu'il arrive à vivre avec ses ambiguïtés. Il possède la capacité de pardonner et il aime le langage. Ce sont des qualités que j'apprécie. De manière générale, je ne pourrais pas écrire sur un personnage qui ne m'est pas sympathique. "


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