1. Bonjour M. Jean-Luc Romero. Avant tout, comment allez-vous ?
Merci de vous inquiéter pour moi. Je vais très bien. Après un premier semestre militant très chargé, j’ai pu reprendre des forces. Je suis prêt pour la rentrée : regonflé à bloc…
Plus personnellement, je fêterai mes deux ans de mariage avec Christophe, le 27 septembre. Je suis toujours si heureux que la France ait enfin voté le mariage pour tous et si heureux d’avoir pu enfin me marier !
2. Votre nouveau livre paraît au moment où le sujet brûlant de l’euthanasie fait débat de l’opinion publique jusqu’au Sénat. C’est un combat personnel ou collectif ?
Evidemment, lorsque l’on est atteint d’une maladie incurable, on pense forcément à soi. Dans quelles conditions vais-je quitter la vie, quelles sont les dégradations intellectuelles et physiques que je suis en capacité d’accepter et de supporter, quelles sont les limites que je souhaite me fixer, à partir de quel moment la vie ne sera pour moi que de la survie… Mais comment être sourd aux appels que nous recevons de nos amis, de notre famille, lorsqu’arrivés en fin de vie, ils demandent à être soulagés du fardeau de la douleur physique mais aussi de la souffrance morale ? J’ai connu les drames de ces jeunes vies prises par le sida dans les années quatre-vingt-dix et dont, en hommage, je parle longuement dans mon nouveau livre. J’entends encore les médecins refuser de prescrire de la morphine à des mourants au motif que cela risquerait d’abréger leur vie ! Aux Pays-Bas, en Belgique, au Luxembourg – nos voisins – où l’euthanasie est légalisée et en Suisse où le suicide assisté est accepté, on meurt mieux qu’en France. Pour la simple raison que la décision des personnes en fin de vie, des citoyens donc, est respectée. Il est temps qu’en France le patient retrouve tous ses droits, y compris celui de décider de ne plus vivre parce qu’il est arrivé au bout de son chemin. Alors oui, mon combat, à l’origine personnel, - j’en explique d’ailleurs longuement l’origine dans ce livre - est devenu un combat collectif, avec les 63 000 adhérents de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité, que je préside.
3. Puisque 100% d’entre nous sont ou seront confrontés un jour à la brutalité de la mort, comment expliquez-vous que la légalisation de l’euthanasie engendre une telle polémique ?
Comme je l’explique longuement dans « Ma mort m’appartient – 100% des Français vont mourir, es politiques le savent-ils ? », notre pays reste très influencé par des courants très conservateurs, proches des milieux intégristes catholiques. Ils exercent un véritable lobbying au sein du Parlement, au sein du Gouvernement, et les associations laïques ou humanistes ne font pas assez le poids face à la puissance financière de ceux qui s’opposent aux changements de notre société. Voyez combien le débat sur le mariage pour tous a été violent, avec des arguments moyenâgeux ou pire, moralisateurs…
Ne dit-on pas que la France est la fille ainée de l’Eglise ? Elle le prouve encore sur le sujet de la fin de vie. Il est temps que notre République atteigne sa maturité, respecte sa loi de laïcité (1905, tout de même 110 ans cette année). Chacun a le droit dans notre pays d’avoir des convictions religieuses ou de ne pas en avoir. Mais personne n’a le droit d’imposer aux autres sa vision, ses craintes, ses soumissions. Et sans compter, l’influence du lobby des mandarins parlementaires…
4. De nombreux proches de victimes, souvent des personnes âgées, ainsi que des médecins, sont régulièrement traduits devant la justice pour avoir aidé des personnes gravement malades à mourir. Qu’est-ce qui ne va pas dans les lois ?
Ce qui ne va pas dans la 1ère loi Leonetti de 2005 sur la fin de vie, c’est qu’elle est une loi faite pour les médecins, pour les protéger eux. Et absolument pas une loi faite pour les patients, pour préserver leurs droits. Et cela, ce n’est pas moi qui le dit, mais le président du Comité consultatif national d’éthique, le professeur Jean-Claude Ameisen, peu suspect de soutenir notre demande d’aide active à mourir. Tant que la parole du patient, qu’il l’exprime directement, par l’intermédiaire de ses directives anticipées ou de sa personne de confiance, ne primera pas sur toute autre chose, et en particulier sur l’avis voire la conviction du médecin, on mourra mal dans notre pays car le patient ne sera pas respecté dans ses droits fondamentaux de citoyen. La loi que demande l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité et ses 63 000 adhérents actifs est une loi qui légalise l’euthanasie et le suicide assisté et qui organise l’accès universel aux soins palliatifs, quasiment inexistants dans notre pays. Cette loi ouvrira un droit nouveau qui, comme tous les droits dans notre société française, n’enlèvera rien à quiconque et ne créera nullement d’obligation pour qui que ce soit, comme ce fut le cas pour l’IVG ou le mariage pour tous
5. Plus de 60 000 personnes adhèrent à votre l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité et 96% de l’opinion se dit favorable à une loi. Quels sont aujourd’hui les pouvoirs et les objectifs de l’ADMD ?
Très clairement, l’ADMD a pour objectif de faire voter par le Parlement cette loi que nous défendons, qui est une loi de liberté, et qui permettra à chaque Français arrivé à la fin de sa vie de décider lui-même de ce qui lui paraît être le mieux pour lui. Cette loi de liberté, plus de 90% des Françaises et des Français la réclament. Tout comme plus de 60% des médecins demandent la légalisation de l’euthanasie. Alors nos pouvoirs sont malheureusement assez limités. Nous ne pouvons que faire du lobbying, des campagnes de communication, de la propagande. Nous avons tout de même une arme qui est le bulletin de vote. Si chaque Français favorable à l’aide active à mourir choisissait ses élus aussi en fonction de sa position sur le sujet, nous ferions et déferions des élections. Dans Ma mort m’appartient, j’insiste là-dessus et nous allons travailler pour qu’en 2017, les candidats à l’élection présidentielle et aux élections législatives nous entendent, nous écoutent et nous respectent.
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