Arthur & George est une minisérie de trois épisodes qui a été diffusée du 2 au 16 mars sur les ondes d’ITV en Angleterre et du 6 au 20 septembre la même année sur PBS aux États-Unis et au Canada. On y raconte l’histoire de George Edalji (Arsher Ali), un jeune avocat d’origine perse qui a passé trois ans en prison pour le meurtre et la décomposition de plusieurs animaux de ferme. Après ce délai, la justice l’a relâché, mais sans pour autant l’absoudre de ces crimes. Le doute étant pire qu’une conviction, c’est le célèbre écrivain Arthur Conan Doyle (Martin Clunes) qui après avoir entendu sa version des faits, se fait un point d’honneur de l’innocenter à l’aide de son majordome Alfred (Charles Edward). Adaptation du roman éponyme de Julian Barnes, lui-même inspiré de faits vécus impliquant le véritable auteur des Sherlock Holmes, Arthur & George joue sur les multiples mises en abîme tout en nous donnant un divertissement digne du grand écran. Et quand on fait le calcul de toutes les œuvres d’Agatha Christie adaptées à toutes les sauces, il est surprenant qu’à cette date, la télévision ne se soit pas emparée outre mesure des aventures de Holmes et Watson; ce qui pourrait bien changer à court terme.
L’auteur détective
Athur Conan Doyle surfe toujours sur le succès de ses livres et a même été récemment anobli. Par contre, il est veuf depuis peu, mais trouve un certain réconfort (platonique) auprès de la jeune Jean Leckie (Hattie Morahan), ce qui fait grand bruit au sein de la haute société qui l’accuse d’adultère. Peut-être est-ce pour se changer les idées, mais Arthur est fasciné par l’histoire de George et dès qu’il le voit, il est convaincu de son innocence : c’est que l’avocat qui a une très mauvaise vision doit lire son journal de côté et que par conséquent, jamais il n’aurait pu commettre ces boucheries et écrire ces lettres de menace avec un tel handicap.
En effet, George a beau avoir été relâché depuis peu, lui et toute sa famille continuent à être ostracisés par ce qu’on pourrait appeler un psychopathe qui continue à tuer des animaux et les laisser pour morts devant leur propriété. Pourtant, le soir d’une attaque ratée, le suspect couvert d’un drap parvient à s’enfuir et comme par hasard, George rentre à la maison quelques minutes plus tard les souliers pleins de boue. Pendant que des indices de ce genre s’accumulent, deux meurtres sont commis et il semble que la clef de l’énigme se retrouve dans la tendre enfance de George et de ses camarades.
Du point de vue strictement enquête, il n’y a pas grand-chose à reprocher à Arthur & George. Le duo qu’Arthur forme avec Aflred fonctionne et à l’opposé de ces détectives amateurs, le téléspectateur est convaincu que celui que l’on veut défendre (George) est en fait le réel suspect jusqu’à la toute fin. Quant à la réalisation, tout est de grande qualité, qu’il s’agisse la trame sonore, de la recréation d’époque et contrairement aux autres whodunnit anglais se déroulant au début du siècle, la nouveauté d’ITV est hautement plus glauque et on a froid dans le dos à plus d‘un moment.
-Alfred : « Do you know him? »
-Arthur : « Only by reputation…and inspiration…..he’s Moriarty »
Pour les familiers de l’oeuvre de Doyle, le professeur Moriarty est le personnage le plus redouté de Sherlock Holmes. Si dans la réalité, il n’a certainement pas dit ces mots exacts, reste qu’ils sont crédibles sortant de sa bouche et que la production s’amuse manifestement avec le concept d’auteur /muse; pour notre plus grand plaisir.
Marple, Poirot, Holmes et maintenant… Doyle?
Dès les années 80, les aventures des deux plus célèbres détectives de la reine du crime, soit Hercule Poirot et Miss Marple, s’enfilent à la chaîne au petit écran. D’autres romans de l’auteure ont aussi été adaptés à l’écran et pas seulement en Angleterre; la France nous offre depuis quelques années les mêmes récits dans Petits Meurtres d’Agatha Christie, mais transposés à différentes époques et avec de nouveaux détectives, et ce, sans perdre l’essence de la prémisse originale.
Certes, Sherlock Holmes a paru dans une télésérie d’une quarantaine d’épisodes dans les années 60, mais les aventures du détective ces dernières années nous sont livrées au compte-goutte, ce qui ne veut pas dire qu’elles ne sont pas de qualité : qu’il s’agisse du cinéma avec pour interprète principal Robert Downey Jr. ou au petit écran grâce à Sherlock de la BBC et avec Benedict Comberbatch qui ne cesse d’être visionnée aux quatre coins de la planète. Et, depuis 2012, NBC a lancé Elementary vaguement basé sur Holmes et Watson, mais pas sur les crimes élaborés par Doyle. Pourtant, l’œuvre de l’auteur mettant en scène son célèbre détective compte quatre romans et une cinquantaine de nouvelles; de quoi offrir à des chaînes télévisées plusieurs saisons en banque.
À ce stade, c’est surtout l’écrivain qui fascine puisqu’après Arthur & George, ITV récidive avec une nouvelle série de 10 épisodes intitulée Houdini & Doyle qui sera diffusée en Angleterre en 2016 et sur les ondes de Fox aux États-Unis et Global au Canada. Comme le titre l’indique, on réunira l’écrivain et l’illusionniste qui auront à résoudre des crimes divers. D’ailleurs, ces deux hommes se sont effectivement côtoyés dans la vraie vie et on peut avoir un aperçu de leur rencontre dans la minisérie Houdini. Projet à surveiller.
Pour en revenir à Arthur & George, le premier épisode a attiré les foules avec un auditoire de 6,26 millions de téléspectateurs; se plaçant au 11e rang d’ITV durant la semaine du 2 mars. Malheureusement, la finale a perdu presque la moitié de son auditoire (3,91), mais à la même date, un match de soccer était diffusé à une autre chaîne. On ne peut pas gagner à tous les coups!