à la mémoire de Lisette Corbeil,
mon épouse.
1931-2014
Parcours
Visage déserté
Qui soudain parle
Dans un silence de cire et d'or.
S'approchait de l'âme
La sérénité entière
De la mer au levant.
La mort avait ciselé sa beauté
En condensant les âges,
L'immortalisant sans défaillance
Ni restriction.
Tout l'être était prêt
Pour l'accueil de l'Amour
Qui lui ouvrait son parcours,
Prévoyait le mien dans son sillage,
Annonçait notre moment de retrouvailles.
Déni
Son absence m'emmure.
Ce qui est demeuré en désaccord m'oppresse,
De même que la douleur de ne pas découvrir
Les pensées les plus espérées.
Il faut tant d'innocence
Pour que l'affection nous unisse
Jusqu'au seuil de la séparation…
Je ne suis plus de force
à noter certains souvenirs,
Ni les quelques mots qui ne sont pas apaisés
Ou se sont jetés hier à bouche perdue
Dans de vains défis.
Comme on manque de lucidité
Dans les parages de la fin !
Comme la pensée s'avance aveugle,
Mais sans imposture, dans le déni
De ce qui est proche, et bouscule
Ce qui se voudrait de la pure tendresse !
La Vie
J'envoie à tâtons une pensée
à la plus chère,
à celle qui dorénavant est devenue
à jamais radieuse
Par la seule puissance de l'appel.
Des mots parfaitement ailés
Se forment peu à peu.
Et dans dans un silence rougi, à peine replié
Dans l'ombre,
J'accepte le lumineux qui m'allège l'esprit,
Effleure le faîte des grands cyprès.
Or la mort n'a point ravagé l'unique :
C'est une force secrète, intérieure,
Qui a d'abord chassé la vie
De son cœur, de son cerveau,
Abandonné dehors sa dépouille.
Puis la mort l'a conduite fidèlement
Par son désir le plus caché
Jusqu'au seuil où la Vie l'attendait
Et la mer, notre mer,
Largement s'est mise à bruire,
Semblable à la brise silencieuse
Du prophète Élie.
à l'unique
à l'unique, à son corps, je revenais
Avec une mémoire nourrie
Depuis le premier éblouissement.
Toute caresse était imprégnée
D'images incrustées dans l'intemporel,
De frémissements qui avaient escorté
L'union de deux êtres qui se soudent.
Les tonalités de jadis en moi continuaient
D'irradier, de sonner le matin
Dans chaque étreinte.
Ainsi l'éternité esquissait
Et gravait en nous son enracinement.
Maintenant, dans la détresse,
à l'infini de l'aimée,
Je perds de vue les saisons.
Ne reste que le mot lui-même en berne,
Comme un signal d'adieu.
Fernand Ouellette, 4 poèmes extraits de « Avec l'unique », in Avancées vers l'invisible, L'Hexagone, 2015, p. 337-340
Jean-Paul Louis-Lambert
Fernand Ouellette dans Poezibao :
bio-bibliographie, Présence du large (parution), ext. 1, "A l'extrême du temps", par Jean-Paul Louis-Lambert