OGM. Oh Gehenne ?

Par Afust

Bien sur je sais bien que je suis là dans un piège classique : c'est que je me sens bien plus proche d'un agneau ou même d'une vigne que d'un bête Penicillium. Car la proximité peut-être aussi bien physsiqe qu'affective.
Oui, un Penicillium on peut bien le modifier à loisir, qui plus si c'est pour soigner mes semblables ... car au delà du piège de la proximité physique ou affective, il y a aussi cet autre piège (en est ce vraiment un ?) de l'utilitarisme, du but premier (du but qui me semble premier).
Bref : du fait de l'affect, le ressenti est radicalement changé, alors que sur le fond il s'agit exactement de la même chose.

Bref :  va pour le Penicillium mais pas touche à mon chat, ni à ma vigne !

Mais sans doute les anti OGM souffrent il d'un phénomène du même ordre !?
Le Grand Satan, le mal absolu, c'est Monsanto. Et dans les média (et les communiqués des anti OGM) les OGM sont classiquement (et quasi uniquement) associés à Monsanto, et inversement.

Or Monsanto c'est le Mal, et les OGM c'est Monsanto, donc les OGM c'est le Mal.

Ite missa est
.

Et on oublie l'hormone de croissance et l'insuline.
Les yaourts aussi.
Oui : depuis un bail ce sont des microorganismes génétiquement modifiés qui crachent insuline et hormone de croissance dans des conditions de pureté et de cout qui permettent au plus grand nombre de se soigner dans de très bonnes conditions.
Sur ce coup là il me semble difficile de redire quoi que ce soit aux OGM et à leur utilisation !

Bien sur les OGM ne sont pas que çà : un enjeu de santé publique. Et un enjeu positif !
Mais c'est aussi çà.
Pour autant, les micro organismes génétiquement modifiés ne produisent pas que ce genre d'enzymes, ils crachent aussi de la présure. Par exemple.

Classiquement, historiquement, la présure était obtenue à partir de l'estomac de veaux qui viennent d'être abattus. Après hachage et purification on récupère chymosine et pepsine qui sont indispensables à l'industrie fromagère.
Ouais, quand tu sais çà tu regarde ton yaourt ou ton Babybel d'un autre œil ...
C'est l'explosion du marché du fromage et la moindre production de viande de veau qui a mené au développement de sources alternatives ... façon polie de dire faire produire ces enzymes par des micro organismes.
Ainsi, la chymosine
peut être produite par Escherichia coli, Aspergillus Niger ou Kluyveromices lactis .... toutes trois génétiquement modifiées dans ce but.
Nota : à ce jour et à ma connaissance si l'utilisation de ces enzymes est autorisée dans de nombreux pays - dont européens - ce n'est pas (encore ?) le cas en France. En revanche les fromages américains et britanniques sont très majoritairement obtenus à l'ide de ces enzymes issues d'OGM. Car ces enzymes ne sont pas des OGM : elles sont produites par des OGM.
D'autres enzymes produites par des organismes génétiquement modifiées sont utilisées pour la production de bière ou de pain.

Mais je m'éloigne de la préoccupation vin de ce blog.
Alors le vin ?
Les OGM en vinification, je les évoquais dans un billet qui commence déjà à dater et que l'on pourra consulter en suivant ce lien.
On notera d'ailleurs la comm faite autour de certains projets de levures OGM dans le vin : ici aussi on argumente sur l'avantage santé. M'enfin pour le coup c'est me semble t'il bien moins convaincant que dans le cas de l'insuline (même en tenant compte des réserves que j'évoquais en début de ce billet à propos de l'importance du ressenti personnel dans l'appréciation de ces questions).
Pourquoi ce billet ?
Comme d'habitude : divers papiers qui se téléscopent.
Pour commencer ce document de synthèse sur les débats sur la biotechnologie en vitiviniculture au sein de l'OIV
A propos de mes copines les levures, que j'évoque asse régulièrement (dont dans ce billet tout récent) on nous annonce cinq axes principaux :
- meilleure performance fermentaire ... ou moins bonne performance lorsqu'il s'agit du taux de transformation des sucres en alcool,
- clarification des vins, tolérance à l'alcool, modification de l'acidité, ...
- réduction du carbamate d'éthyle et des amines biogènes (dans un précédent billet déjà cité plus haut je donnais mon avis - très réservé - sur ces arguments),
- effet sensoriels,
- contrôle microbiologique.
Sur tous ces sujets, on pourra se référer à un papier de Dorit Schuller qui a quelques années déjà (il date de 2006) mais qui reste très actuel.
On le lira en gardant à l'esprit que, ainsi que je l'écrivais précédemment, l'utilisation de levures fermentaires génétiquement modifiées est déjà possible aux USA et au Canada (pour les amateurs du genre, je signale à toutes fins utiles que quand on parle de levure génétiquement modifiée il ne s'agit en aucun cas des
Saccharomyces cerevisiae dont l'ADN(mt) mitochondrien a été arrangé par recombinaison).Vous je sais pas, mais moi je n'ai pas les idées très claires sur le sujet ou pas toujours, pas dans tous les secteurs du jeu ...A propos de la production d''insuline et d'hormone de croissance je ne me pose pas de question métaphysique. En revanche quand il s'agit de faire la malo en même temps que l'alcoolique, ou bien de réduire la teneur en alcool ou la concentration en carbamate d'éthyle, franchement ...
Car il y a, me semble t il, une disproportion manifeste entre d'une part ce que l'on fait sur le vivant et ce que cela signifie et d'autre part les avantages que l'on en attend. Et il ne suffira pas de chanter sur tous les tons que c'est mieux pour plein de super raisons pour que cela me convainque.
Au delà de l'appropriation du vivant (on en revient à l'un des axes
d'attaque - à mon sens très justifié - contre nos "amis" de Monsanto et consorts) se pose la double question de la modification du dit vivant et du pourquoi de cette modification.
Éternelle question que l'on peut éventuellement résumer à : à partir du moment ou l'on a la capacité de "le" faire, doit on pour autant "le" faire ? (et à la lace de ces "le" il est possible de mettre tant de choses ...).
C'est à la fois passionnant et inquiétant ce petit jeu de la bio mol, ce truc du genre : waouhh l'autre eh, top délire : quand j'appuie sur ce bouton il se passe ce truc et quand j'appuie sur cet autre bouton il se passe tel autre truc.
Et encore : là je ne parle que du vin, enjeu mineur par excellence.
Alors ce qui se prépare dans les labos qui ne sont pas concernés au premier chez par l’œnologie ...
Et ce n'est pas cet autre papier paru sensiblement au même moment que celui de l'OIV qui va me rassurer.
Il est rigolo cet article, enfin pas rigolo au sens strict : juste rigolo par l'image qu'il me renvoie.
Car c'est pile poil le registre dans lequel je me situe volontiers : du factuel argumenté et référencé mis en face d'affirmations et de d'idées préconçues, le tout à grand renfort d'éléments objectifs.
Trapu le truc. Très.
Mais voilà : sans doute ais je atteint ma limite à moi, celle qui me fait passer de la confortable et rassurante tradition à l'insupportable modernité.
Alors j'ai du mal, au moins subjectivement.
Ca çà me plait bien :
"Plus vous en apprenez sur la résistance aux herbicides, plus vous comprenez combien la vérité sur les OGM est complexe. Premièrement, vous découvrez qu'ils ne sont pas le mal incarné. Ensuite, vous apprenez qu'ils ne sont pas parfaitement innocents. Et enfin, vous réalisez que rien n'est parfaitement innocent. Pesticide contre pesticide, technologie contre technologie, risque contre risque –tout est relatif. Le mieux que vous puissiez faire, c'est de jauger chaque pratique à l'aune de ses alternatives. Le minimum que vous ayez à faire, c'est d'ignorer un étiquetage à trois lettres."

Vraiment bien.
Ce n'est après que je tousse :
"nous sommes prêts, en tant qu'électeurs et consommateurs, à accueillir des aliments nutritifs et respectueux de l'environnement, qu'importe où ils ont bien pu trouver leurs gènes. Nous voulons nos OGM. Maintenant, montrez-nous ce dont vous êtes capables."

Pour moi ce sera non. Non, merci.
Sans façon.