#Syrie #Israel #Russie
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Benjamin Netanyahu a été le premier à réaliser que le conflit syrien était entré dans une nouvelle phase. Dés l’arrivée d’intercepteurs Sukhoï 27 sur l’aéroport de Lataquieh dans l’enclave alaouite, il s’est empressé, accompagné de son chef d’état major et du général commandant les renseignements militaires, d’aller rencontrer Vladimir Poutine près de Moscou. Un déplacement urgent, effectué la veille du jeune de Kippour. Il fallait tout d’abord établir une coordination opérationnelle éviter un accrochage dans l’espace aérien syrien. En principe cela signifie échanger des codes transpondeurs permettant aux radars israéliens et russes d’identifier les appareils en vol, ou établir une ligne directe entre les état-major à Tel Aviv et à Moscou. Une fois ces questions réglée, les deux hommes ont, pendant deux heures et demi, évoqué l’ensemble de la situation en Syrie et en particulier les deux lignes rouges qui systématiquement entrainent des réactions israéliennes. Toute attaque venue du territoire syrien sur le Golan entrainera une riposte. Là, Poutine a dit, en recevant Netanyahu, qu’il condamnait ces bombardements. Et puis, Israël entend empêcher les transferts de d’armement sophistiqué syrien au Hezbollah libanais. A plusieurs reprises, ces dernières années, des convois transportant des missiles et des entrepôts ont été détruits par des raids aériens près de Damas. Le président russe a t-il obtenu des assurances que le nouveau matériel militaire qu’il livre à l’armée d’Assad ne sera pas transféré à la milice libanaise ? Étant désormais le patron il en a certainement la possibilité.Le cheval de PoutinePoutin a répété a son interlocuteur que son principal l’objectif était le maintien au pouvoir de Bashar Assad et ensuite de combattre Daesh et, dans ce cas, il ne faudrait pas que l’aviation israélienne intervienne à Damas. La liberté de manœuvre de Tsahal dans le ciel Syrie est donc désormais limitée. Pour les analystes au ministère de la défense à Tel Aviv, comme dans les think-tanks à Moscou, une défaite du président syrien serait interprétée dans le monde comme un échec russe. Georgy Mirsky, un expert de la Haute école économique de Moscou, explique : « Poutine a parié sur Assad il y a quatre ans et n’a pas bougé depuis. Il est prisonnier de ce pari. Si vous pariez sur un cheval et qu’il arrive dernier .. Cela vous fait passer pour un perdant ». D’autres commentateurs ajoutent, qu’en l’occurrence, la Russie est tout simplement entrée dans le vide créé par les hésitations américaines au Proche-Orient. http://foreignpolicy.com/2015/09/25/russias-game-plan-in-syria-is-simple-putin-assad/Sur le fond, Israël n’a pas pris position publiquement sur l’avenir d’Assad et son régime se contentant de suivre la situation de près, tout en accordant un soutien limité à l’opposition démocratique, et sa milice non djihadiste l’Armée syrienne libre. Près de deux mille civils et combattants, certains venant même de secteurs proches de Damas, ont été soignés dans les grands hôpitaux du nord d’Israël. Cette aide humanitaire se poursuit à Safed et à Nahariyya, où se trouve un grand service de neurochirurgie. A ce propos, voir le sujet que j’avais réalisé début janvier 2014 et, qui France 2 n’y trouvant d’intérêt, a été diffusé sur mon blog : (http://geopolis.francetvinfo.fr/charles-enderlin/2014/01/08/les-blesses-syriens-soignes-en-israel.html)Pour mémoire :Le conflit syrien a débuté en mars 2011 par des manifestations pacifiques contre le régime baasiste, rassemblant, au fil des mois, des centaines de milliers de personnes. Assad a réagi en donnant l’ordre à son armée et à sa police d’ouvrir le feu sur les civils. Une trentaine de mouvements d’opposition se sont regroupés au sein d’un « Conseil national syrien », où les Frères musulmans étaient majoritaires. C’est, très vite, la descente aux enfers que Jean-Pierre Filliu raconte dans son ouvrage « Les Arabes leur destin et le nôtre » ( Ed. la Découverte). Face aux massacres commis par le régime syrien, le CNS est impuissant. Fragilisé par l’absence de reconnaissance internationale, cette coalition fini par éclater. Jabhat al-Nusra, lié à Al Qaida, commet des attaques suicides condamnés par l’opposition démocratique. En aout 2012, Barack Obama fixe une ligne rouge à Assad : il ne doit pas utiliser les armes chimiques. Le président syrien comprend que tout le reste lui est permis. L’artillerie lourde, les missiles Scuds, l’aviation et les barils d’explosifs sont utilisés contre des quartiers entiers. Européens et américains refusent de livrer des missiles anti aériens et anti chars à l’ASL libre, de peur qu’ils ne tombent entre les mains des djihadistes. Un an plus tard, Assad fait bombarder les banlieues de Damas avec des obus chimiques. Il y a plus de 1300 morts. L’administration américaine et la présidence française prépare des frappes aériennes contre le régime Assad. A la dernière minute Obama change d’avis. Un accord est conclu avec l’aide des russes. La Syrie est désarmée de ses armes chimiques. « L’opposition crie à la trahison et rappelle que la plupart des victimes ont été tuées par des armes conventionnelles et la torture. » (J.P Filiu. P.232-233) Selon le haut commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme, le conflit a fait près de 200 000 morts, dont la moitié des civils. L’observatoire syrien des droits de l’homme estime à près de 13 000, dont 108 enfants, le nombre de détenus tués dans les prisons de régime. Environ 20 000 autres prisonniers sont portés disparus.L’axe chiiteDe quoi mener Bashar Assad devant la Cour pénale internationale de La Haye sous l’accusation de crime de guerre. Également, il faut le constater, les autres milices et organisations qui combattent en Syrie et en Iraq. Daesh devrait , sans aucun doute, répondre du crime de génocide pour les massacres de Yézidis, de chrétiens et de syriens. Dans son ouvrage « Irak, la revanche de l’Histoire, de l’occupation étrangère à l’État islamique » (Éditions Vendémiaire) Myriam Benraad en trace les origines à la marginalisation des sunnites irakiens par le pouvoir chiite mis en place à Bagdad par l’intervention américaine en 2003. Une guerre qui a transformé la carte politique du monde arabe. Il faut dire que les dirigeants européens et l’administration Obama n’ont commencé à vraiment s’inquiéter du développement de Daesh qu’avec les exécutions d’occidentaux exécutés devant les caméras en Syrie. Les derniers attentats, l’arrivée de centaines de milliers de réfugiés en Europe sont la conséquence directe de décennies d’erreurs, de fautes et des politiques coloniales menées par les grandes puissances dés les débuts du siècle dernier. Et la crise n’est qu’à ses débuts.Bombarder l’opposition démocratePar son déploiement militaire en Syrie et le renforcement de son alliance avec Bagdad et Téhéran, Vladimir Poutine se place résolument dans l’axe chiite, face au monde sunnite. Il rejette l’opposition démocratique syrienne. Et de fait, ce matin, après avoir averti les Israéliens et les Américains, son aviation a commencé à bombarder des secteurs où opère l’ASL. Le groupe armé soutenus par les Etats Unis et la France. Les russes démentent, et affirment n’avoir attaqué que des cibles de l’Etat islamique. A Paris, le ministre de la défense Yves le Drian a déclaré à l’Assemblée nationale : « Les forces russes ont frappé en Syrie, c’est désormais public, et curieusement elles n’ont pas frappé Daech » Sur le terrain aussi, le message est clair : la stratégie de Poutine est de combattre l’opposition à Bashar Assad, démocratique ou djihadiste. Pourvu qu’elle soit sunnite.https://charlesenderlin.wordpress.com/