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Réseaux sociaux : les nouveaux hors-la-loi ? (tribune dans Le Huffington Post)

Publié le 01 octobre 2015 par Jeanlucromero

Aujourd’hui, je suis au tribunal après ma plainte contre un enième homophobe qui avait répandu sa haine sur Twitter. Pourquoi ai-je porté plante contre cette personne en particulier ? Pour une raison précise: juste après mon mariage, je recevais une image bouleversante, celle d’un drap blanc tâché d’excréments … Cette phrase : « le mariage est consommé ! Félicitations aux époux ! ». J’ai le cuir épais après 30 ans de militantisme mais là j’avoue que je me suis senti profondément meurtri, blessé, dégradé, insulté au plus profond de mon être. J’étais dans l’euphorie d’un mariage que je ne croyais pas possible même dans mes rêves d’ado, des étoiles plein les yeux et quelqu’un que je ne connais pas,voulait tout gâcher. Ma réaction ne pouvait être que celle là : j’ai porté plainte.
Pour être franc, avec tout ce que je reçois au quotidien, j’aurais pu porter plainte presque tous les jours depuis les débats sur le mariage pour tous. « Fais tes prières de chienne, tu vas te faire trancher la gorge », « crèves sale pd c’est mérité », « reste pas seul dans la rue… le 12ème sera ton cimetière avant fin 2015 ». Voilà ce à quoi je suis confronté depuis des années sur Twitter et Facebook : des injures, des menaces de mort, des appels au meurtre … Je pourrais vous citer bien d’autres de ces proses si pathétiques, c’est un dramatique puits sans fond ! Bien d’autres militants le vivent, comme moi, au quotidien.
Pourquoi ce déchaînement de violence ? Parce que je suis homosexuel. Parce que je suis marié à un autre homme ? Parce que je suis un militant de l’égalité des droits LGBT ? Cela fait-il de moi une cible à abattre ? Manifestement oui, pour un petit nombre d’imbéciles.
Face à cette situation qui touche tant de gays, de lesbiennes et de trans, je me dois de me tourner vers la justice. Ce n’est pas par plaisir mais je me dois de porter plainte contre ces professionnels de la haine. Je le dois parce que je fais ainsi respecter mes droits, nos droits les plus élémentaires, comme n’importe quel citoyen. Je le dois aussi pour toutes ces personnes qui sont harcelées au quotidien et qui ne porteront pas plainte, qui subiront des brimades et injustices au quotidien, isolées dans le carcan du silence et de l’isolement.

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J’irai devant la justice. Je l’ai fait et je le ferai encore s’il le faut. Si cet aspect répressif pourra sûrement servir d’exemple à tous ceux qui ressentent un profond sentiment tant de puissance que d’immunité derrière leur écran, il va sans dire que, moi qui suis depuis tant d’années, et comme tant d’autres, un militant des droits humains, cet aspect répressif n’est pas forcément ma « tasse de thé » et j’aurais préféré que l’information et l’éducation soient les voies qui puissent être privilégiées. Malheureusement, j’y suis contraint. Comme d’autres compagnons de combat, comme mon ami Vincent Autin.
Après tout, cette situation, elle me peine autant qu’elle me met en colère : au lieu de se servir des réseaux sociaux comme un lieu d’échanges, de confrontation d’idées, d’information, de mobilisation, un lieu agréable et de loisirs, certains préfèrent manifestement déverser leur haine et leur bile. Cela m’attriste car ce sont sûrement des personnes très mal dans leur peau et qui, de ce fait, cherchent à déverser leur mal-être. Cela m’attriste aussi et surtout car cela veut dire qu’ils ou elles n’ont pas compris les valeurs de notre République, les mots si essentiels de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, notre contrat social, notre « vivre-ensemble » en somme. Après que cherchent-ils, ces professionnels de la haine ? A me faire renoncer à la défense des causes qui me tiennent à cœur : disons-le sans ambages, c’est peine perdue ! Aucune menace ne me fera renoncer à mes combats.
Cette situation, elle est aussi et surtout source de beaucoup de colère face à l’impuissance des réseaux sociaux et à leur absence de parole publique contre l’homophobie. Clairement, je le dis et je l’affirme : aujourd’hui, en refusant de réagir, ils se rendent coupable de complicité avec les homophobes qui polluent les réseaux sociaux ! Alors que Twitter m’a proposé, après 3 lettres de sollicitation, de me rencontrer dans quelques jours afin de parler de ce dossier, j’attends des réseaux non pas une vague discussion humaniste mais des actes, une réaction à la hauteur des enjeux, qui sont immenses !
Beaucoup d’associations travaillent à cela et je veux saluer notamment SOS Homophobie. Ca, rendez vous compte que, d’après un rapport rendu au Sénat en 2013 par l’association Le Refuge, 30% d’homosexuel(le)s de moins de 25 ans tenteraient de se suicider, chaque année en France. Cette donnée, ce sont des souffrances, des blessures, des vies brisées, des familles en deuil. Derrière ce chiffre, face au harcèlement subi par beaucoup du fait de leur orientation ou de leur identité sexuelle. D’après, le dernier rapport de SOS Homophobie, près de 2 200 témoignages d’actes homophobes ont été enregistrés en 2014. 40% des cas concernait des messages homophobes diffusés sur Internet, et une fois sur deux grâce aux réseaux sociaux…
Voilà ce à quoi les réseaux sociaux sont confrontés aujourd’hui : ne rien faire, ne rien dire, accepter d’être le complices des homophobes, cautionner ces appels au meurtre. Ou réagir - enfin - et porter une vision respectueuse des droits de toutes et tous. Je veux avoir confiance.
Aujourd’hui, en laissant se répandre ces messages de haine, les réseaux sociaux sont des hors-la-loi, des hors-la-loi qui ne reconnaissent pas leur propre responsabilité, drapés qu’ils sont dans une conception totalement imaginaire de la liberté d’expression. Comme si appeler au meurtre était digne d’être couvert par la liberté d’expression …
Les réseaux sociaux doivent réagir à l’homophobie de certains de leurs membres. Ce n’est pas une question de liberté d’expression. C’est une question de vie ou de mort. 


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