Je descends à la casamolle juste comme le ciel atteint le seuil de la noirceur. Il reste un grand troupeau de cumulus noirs à l'horizon se profilant sur une plaque grise et unie. Les couleurs ont disparu. Je l'aperçois de loin. Un drôle de type qui danse tout seul près de ma tente. Sans doute un parapentiste intoxiqué par sa journée en l'air. Je m'amène, détendu, calme. Étrangement, je n'ai aucune peur, aucune hostilité. Il virevolte sur mon terrain, comme emporté par les bourrasques qui remontent de la mer, comme chaque soir, le long de la pente abrupte. Il me voit arriver et me rend mon sourire, mais dans sa farandole légèrement grotesque, s'éloigne de moi jusqu'à se trouver de l'autre côté de la tente, tout près de Rosie. Je tente de le dévisager dans la noirceur. Il porte de longs pans de tissus froissés et agite lentement les bras, comme une choriste à Woodstock. Je hausse les épaules :
— Eh, beh…— Oui, c'est beau. C'est vrai. — Ogh. Le ciel, ou la danse ?— Tout.— Uhm…
Une seconde, j'hésite entre ajouter quelque chose, ou ouvrir la fermeture éclair de la toile pour plonger dans mon duvet chéri. Il croise les bras et les enserre de ses longs doigts noueux.
— Alors, tu l'as finalement réalisé aujourd'hui, non ?— Tu sais tout, vieux hibou ?— Oui.— Eh !… Vrai que j'ai réalisé un truc, juste avant d'aller couler mon anaconda de bronze en haut de la butte.— C'est ce que je disais. Je célèbre. — Oh. Tu fais la danse de…— La danse de la clarté.— Ça marche ?— Et donc, cette lumière, ça allège ? Enfin ?— Foutrement. — La souffrance purifie. — La souffrance purifie.— Eh.— Yep.— Vas.— Oui.© Éric McComber