L’été est terminé, sous leurs collants, les filles ont des poils, ou continuent de s’épiler ? Chacun son business. Il faut cesser de croire que l’épilation est un procédé récent visant à soumettre la femme à une société de bonnassitude extrême. C’est faux. Enfin, c’est un peu vrai, mais l’épilation c’est pas récent, au contraire, elle a une vieille histoire. La voici :
Depuis l’Antiquité (au moins) le poil est symbole d’impureté et d’animosité. Alors on tente de le dompter. Comme une mauvaise herbe qui repousse toujours, on l’arrache, on le coupe, on le brûle.
La première pince à épiler
Déjà, à la préhistoire, il semblerait que les mecs s’épilaient. La barbe ? Les sourcils ? Le pubis ? Les orteils ? Nous n’en savons rien, mais des outils créés par l’homme ont été retrouvés dans des sépultures. Ensuite, il faut aller au deuxième millénaire avant notre ère, chez les Phéniciens pour retrouver des traces du poil. En Mésopotamie, mais aussi en Phénicie, les hommes s’épilaient la barbe à l’aide d’une pince à épiler en bronze et une crème dépilatoire à base de cire, d’eau, de sucre et de citron. La cire orientale que tu trouves à Carrefour, en somme.
Les premières traces d’outils créés par l’homme ayant pu servir à l’épilation, comme des pinces à épiler rudimentaires, ont été ainsi retrouvées dans des sépultures datant de la préhistoire. Mais c’est à partir du 3ème millénaire avant Jésus Christ que semble s’être développée une véritable culture de l’épilation, notamment sous l’influence des croyances religieuses de l’époque. L’idée c’était de ne plus avoir un poil sur le menton afin de se coller un postiche. Des faux poils quoi. Le postiche de barbe est considéré comme l’attribut des dieux…
Comme en Égypte, où les meufs de la haute société se rasent la tête et portent des perruques, et où les hommes se rasent intégralement et collent des postiches. Dans l’Égypte ancienne, hommes et femmes s’épilent intégralement. Des cheveux en passant par les aisselles, jusqu’au pubis. Avec différentes méthodes. Le poil c’est impur, le poil c’est sale, alors que l’épilation est symbole de pureté du corps.
Les soins et lieux du poil
Il faut attendre 500 ans avant Jésus Christ pour que l’épilation se démocratise à toutes les couches de la population. Riche ou pauvre, libre ou esclave, les femmes s’épilent les aisselles, le pubis et les jambes. En Grèce, il y a des barbiers. Ils ont des échoppes où quiconque peut se rendre, certains épilent à domicile. On n’a rien inventé. En revanche, il y a des choses qu’on a arrêté de faire, genre l’épilation à la lampe à huile… Faut être prudent, parce que ça peut vite faire mal. Les grecs utilisaient des produits à base de farine de fève ou de poix… mais aussi le rasoir. Classique. Conventionnel.
A Rome, il y a les thermes. Si tu veux prendre un bain, tu vas aux thermes. Tu peux aussi en profiter pour te faire masser, coiffer, ou épiler. C’est pratique. Tous les soins du corps y sont pratiqués.
Ce sont les hommes qui en profitent le plus. Ils s’épilent intégralement et il ne doit pas y avoir un poil qui dépasse. Faut dire qu’ils portent la tunique courte. Poppée, la femme de Néron n’hésite pas à raconter qu’elle s’épile la poitrine, les aisselles, les jambes, les bras, la moustache mais aussi l’intérieur du nez. L’empereur Auguste, lui aussi, s’épilent intégralement.
Pour s’épiler, les Romains sont vachement moins funky que les Phéniciens. J’veux dire, la pince à épiler, ça fait un peu mal, mais ça passe quoi. Rien de sauvage et cruel. En revanche, les Romains utilisent la technique du brûlage des poils. L’idée c’est de prendre des coquilles de noix et de les faire chauffer. Vraiment chauffer. Une fois incandescentes, on les fout sur les jambes, et ça brûle tout. Les poils, les grains de beauté, l’épiderme. Tout.
Les Romains utilisent aussi la technique de l’arrachage avec une préparation à base résine de pin. Tu te mets ça sur la cuisse, et tu tires. Enfin, pour l’épilation des sourcils, les romains utilisent… du sang de chauve-souris pour éviter une repousse trop rapide.
Au début de notre ère, l’épilation se répand, un peu partout en occident, pas seulement dans l’Empire romain. Par exemple, les Gaulois, on les imagine super bourrus, les yeux cachés par leurs sourcils, la bouche couverte de moustache avec de grosses cuisses poilues. Bin oui, mais en fait non. Les femmes, mais aussi les hommes, faisaient une consommation excessive de pinces à épiler. On en retrouve partout, tout le temps, datant de leur époque. J’en parle ici.
Au début du Moyen-Age, toutes ces recettes seront conservées.
L’épilation fluctuante après Jésus-Christ
En 476, la chute de l’Empire romain va faire cesser la mode de l’épilation. Sur le territoire, tout va s’inverser. S’épiler c’est mal, le poil, c’est bien. Et ceci grâce à… La religion catholique. Eh oui. Si dieu il t’a donner des poils, tu dois les garder. S’il t’a donner des cheveux, tu dois les garder. S’épiler, se coiffer ou encore se maquiller c’est signe du diable, alors autant éviter. Pendant cinq siècles, tout le monde porte le poil libre et fier. Les jambes sont en jachère et c’est très bien.
Et puis, il y a les croisades. En Orient, les mecs n’ont pas cessé de s’épiler parce que le Jésus Christ n’est que très peu influent. Les chevaliers se cassent en croisades, arrivés en Afrique ou en Orient, ils rencontrent des femmes aux jambes lisses. Les pubis sont doux et pas un poil ne dépasse des aisselles. Les hommes rentrent en Europe, et ils ne veulent plus que des femmes intégralement épilées.
Ils ramènent des recettes pour leurs femmes, filles, mères. C’est pas compliqué, de la cire d’abeilles chaude. La cire, pas les abeilles. Du sucre, et des gommes végétales naturelles. Genre le pin et autres sèves qui collent bien. Aussi, entre le XIème et le XIIIème siècle, l’épilation s’installent à nouveau en Europe. On pratique principalement l’épilation du front, des aisselles mais aussi du pubis. Les jambes, non, ou quasiment pas. Elles sont cachées, on ne les voit pas. Rapidement, l’épilation va être assimilée à la propreté, à la pureté. Les hommes et les femmes couverts de poils, c’est mal. Aussi, on utilise différentes techniques.
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La pince à épiler
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Le rasoir
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La cire : Un mélange de colophane et de cire d’abeille qu’on fait fondre dans un pot de terre. Ensuite, il faut le mettre sur un morceau de toile en lin. On fout sur les poils, et on tire.
- Le silotre : Une recette à la chaux qui permet de faire disparaître les poils et les cheveux. Une aubaine ! Bon, par contre, c’est dangereux le bordel. Mais, ça ils, ne le savent pas. La durée de pose correspond à un ou deux Pater Noster. En ce sens, Dieu est un peu présent pendant l’épilation. La recette : Les meufs prennent une demi-écuelle de chaux vive. Il faut qu’elles soit bien sèche, bien propre et tamisée. Ensuite, elles mettent la chaux dans de l’eau bouillante et remuent. Pour savoir si la préparation est prête, il suffit d’y plonger une aile d’oiseau. Si les plumes tombent de l’aide, c’est bon. C’est prêt. Il reste seulement maintenant à déposer la préparation sur les endroits qu’on veut épiler, et on essuie.
Pas de doute, c’est efficace. Dangereux, mais efficace.
D’autres techniques cheloues sont employées. Le sang de grenouille, de chauve-souris, un mélange de cidre et de vinaigre, mais aussi, de l’arsenic jaune (rusma turcorum). L’arsenic c’est super efficace quand on veut mourir d’empoisonnement. Mais bon, que voulez-vous, il faut bien se différencier de l’animal, l’humain est un être évolué, doté de raison…
Après la Renaissance
Petit à petit, les corps se couvrent.On cache la gorge, les bras, les robes sont longues. L’épilation perdure, mais dans les hautes classes seulement. Il faut prendre un bain avant chaque épilation, il ne doit pas être trop chaud, pour ne pas abîmer la peau. Les méthodes sont celles de chaux vive, ou encore d’orpin et de cumin. Les hommes s’épilent aussi la barbe avec un onguent de céruse, d’argent et de sang de poule… La céruse, c’est du plomb. A la longue, ça fait tomber les dents, ça rend aveugle, et puis ça file le saturnisme…
Seul le visage est épilé et puis, au fil du temps… Les vêtements raccourcissent, les poils disparaissent
Après cinq siècles à cacher leurs jambes et leurs corps, les femmes vont se dénuder. Un peu. On en est pas encore à la jupe aussi longue qu’une ceinture hein. Aussi, l’épilation va concerner d’autres parties du corps que le visage.
Le XXème siècle, c’est l’heure de l’évolution des mœurs, des congés payés et des petites vacances à la mer. Chouette. L’occasion ou jamais de porter des maillots de bain et des jupes courtes. Alors, les femmes vont retourner à l’épilation des jambes, des aisselles et du pubis. On avait pas épilé les jambes depuis l’époque romaine. Les décolletés sont de plus en plus plongeants, les robes de plus en plus courtes. Il faut quand même attendre les années 1960 pour voir une jupe au dessus du genou.
Les femmes s’émancipent. Doucement, mais sûrement. Les mariages diminuent, les divorcent augmentent, les femmes peuvent vivre seules, être indépendantes et travailler sans l’accord de personne. C’est quand même pas mal. Cependant, une autre forme de frustration apparaît. La femme doit être belle, bonne, propre pour avoir du travail. Pour être libre et indépendante.
Dans les années 1980, jusqu’à nos jour, l’épilation est presque indispensable. L’absence de poil fait partie des codes sociaux. Les canons de beautés se veulent imberbes,des corps d’adolescentes dénutries et de plus en plus à poil. Mais sans poils. Les femmes portent des strings, qui ne cachent pas grand chose, la mode est à l’épilation intégrale du pubis. C’est aussi le début des épilateurs électriques, du laser et de la lumière pulsée.
Si vous voulez savoir comment s’épile Pauline Roland, qui a illustré cet article, vous pouvez aller le lui demander sur son blog, ou sa page facebook.