Marc Vassart, Glace noire, 2007.
Cela
partait pourtant bien : un achat, certes compulsif, dans le
rayon « régional » d’un supermarché de Haute-Savoie ;
un antidote anticipé à la morosité des semaines d’après
retour. Deux livres sur la montagne pour les mois de plaine. Le
premier, sur l’épopée des Ravanel, célèbre famille de guides de
haute montagne, ne m’a pas déçue. Je n’en attendais pas une
révélation divine. Ce fut un joli moment dans le monde des cimes.
Le
deuxième, roman d’anticipation censé se passer à Chamonix, en
2094, allait-il tenir toutes ces promesses ? Eh bien, je ne vous
réserve aucun suspense : la réponse est non.
Le
décor : Chamonix, plus de neige sur le Mont Blanc à cause du
réchauffement de la planète. Plus l’ombre d’un touriste, la
vallée est à l’abandon. Plus aucune remontée mécanique ne
fonctionne, et pour cause : il y a belle lurette que les sports
d’hiver appartiennent au passé. Même les randonneurs ne passent
plus leurs vacances dans la vallée de Cham . A croire que, sans
leur chapeau blanc, les sommets n’ont plus le même romantisme.
Les
ordinateurs ont remplacé le dialogue entre les gens, lesquels,
d’ailleurs, se font de plus en plus rares à savoir lire et écrire.
D’où la renaissance d’un métier oublié : scribe. C’est
celui qu’exerce Anel, jeune femme qui semble être la protagoniste
du roman. Enfin, on n’en est pas très sûr. Parmi les autres
personnages : un nécrophage, nouvelle spécialité qui consiste
à voler, sur les cadavres qui ont refait surface à la fonte des
dernières glaces, les objets de valeur qui sont susceptibles d’être
revendus ; un vieux berger qui illustre, à lui tout seul, à la
fois le rajeunissement naturel et médicamenté des français, la fin
des relations de couple au profit d’une consommation charnelle sans
complexes, et le retour à la terre et à l’élevage dans la vallée
de Chamonix ; un vieux clochard amateur obsessionnel de pigeons
et un mystérieux Viktor Laszlo (excusez du peu !) dont on ne
comprend pas bien quel est le but précis dans l’histoire.
L’histoire ?
Impossible de vous l’expliquer, étant donné que je ne l’ai
absolument pas comprise. Un micmac entre des manuscrits volés, un
physicien amoureux des pigeons et les expériences scientifiques
menées par des moines. On nous fait comprendre au fil des pages que,
attention, il va y avoir une intrigue… et on l’attend. Longtemps.
Quand, enfin, aux ¾ du livre, il se passe quelque chose, ce n’est
tellement pas clair qu’on sombre dans la confusion la plus totale.
On essaie de se raccrocher à ce qu’on peut pour rester suspendu au
fil ténu qui nous relie à l’idée de l’auteur, mais, lorsqu’on
croit être au seuil d’une résolution de l’intrigue, tout finit
en eau de boudin. Du coup, l’enthousiasme qu’on a pu avoir au
début du roman et qui nous avait fait dire que, bien joué, bien
trouvé cet angle d’attaque, se transforme soudain en déception
qui nous fait refermer le livre et le ranger au rayon brouillons des
ouvrages de la bibliothèque. Il échappera à la poubelle parce
qu’il contient des pages captivantes sur ce que pourrait être
Chamonix en 2094 et parce qu’il se passe au pied du Mont Blanc,
région toujours envoûtante. Cependant, l’arrière-goût de super
idée mal exploitée nous laisse pantois.