En 1986, on doit à un journaliste belge, Pierre Maury, Les 30 meilleures nouvelles de la littérature française (Liège, Marabout): une édition augmentée et remaniée des Vingt meilleures nouvelles françaises (1956, éd. Alain Bosquet); en 1987, le même Pierre Maury et Michel Dupuis imaginent – la gageure! – une anthologie des 20 meilleures nouvelles de la littérature mondiale (sans Belge!).A priori, il est plaisant de constater que cet ouvrage déjà ancien et celui qui, en collaboration, lui a succédé dans la foulée ne sont pas totalement oubliés. Mais je suis interloqué par la remarque: "une édition augmentée et remaniée" d'une précédente anthologie d'Alain Bosquet. Car, même si ces travaux sont déjà lointains, il me semble bien me souvenir des longues recherches que j'avais effectuées en dehors, précisément, de toutes les autres anthologies, avec la prétention, certes naïve, de proposer mon choix et non de reproduire celui de quelques autres. Travaux lointains, donc, et dont j'ai oublié un certain nombre de détails, à commencer par la liste des nouvelles élues pour figurer dans cet ouvrage impérissable - 29 ans après, en tout cas, il respire encore dans les marges, même s'il est épuisé depuis longtemps et ne se rencontre plus que chez les libraires de deuxième (ou de troisième, etc.) main. Après m'être brièvement croisé, je suis donc reparti en quête de moi-même, ou plus exactement du sommaire de ces 30 meilleures nouvelles de la littérature française. Car j'ai égaré depuis longtemps mon dernier exemplaire d'auteur. Voici donc la table des matières.
- Estula, ou des deux frères pauvres
- Cortebarbe. Les trois aveugles de Compiègne
- Garin. Du curé qui mangea des mûres
- Le vilain mire
- Jean Bodel. Brunain la vache au prêtre
- Rutebeuf. Le testament de l’âne
- Monseigneur de la Roche. La VIIIe nouvelle
- Jean de la Fontaine. Comment l’esprit vient aux filles
- Charles Perrault. Le petit chaperon rouge
- Mme de la Fayette. La comtesse de Tende
- Voltaire. Micromégas
- Denis Diderot. Les deux amis de Bourbonne
- Sade. L’heureuse feinte
- Charles Nodier. La nonne sanglante
- Stendhal. San Francesco à Ripa
- Honoré de Balzac. Étude de femme
- Prosper Mérimée. Matéo Falcone
- Jules Barbey d’Aurevilly. Léa
- Gérard de Nerval. Octavie
- Théophile Gautier. Omphale
- Charles Baudelaire. Le joujou du pauvre
- Gustave Flaubert. La légende de St Julien l’Hospitalier
- Villiers de l’Isle-Adam. Le tueur de cygnes
- Alphonse Daudet. La chèvre de Mr Seguin
- Émile Zola. La fée amoureuse
- Joris-Karl Huysmans. Sac au dos
- Guy de Maupassant. La ficelle
- Jules Renard. La mort de Brunette
- Marcel Proust. Un dîner en ville
- Guillaume Apollinaire. La disparition d’Honoré Subrac
Qu'aurais-je pu aller puiser chez Alain Bosquet, dans les 20 meilleures nouvelles françaises qu'il avait élues trente ans avant que j'arrive avec mes choix? Pour le savoir, il fallait retrouver les siens. Ce sont ceux-ci:
- Marguerite de Navarre. Continence d’une jeune fille
- Madame de la Fayette. La princesse de Montpensier
- Voltaire. Le monde comme il va
- Diderot. Ceci n’est pas un conte
- Restif de la Bretonne. Louise et Thérèse
- Marquis de Sade. Augustine de Villeblanche
- Vigny. Laurette ou le cachet rouge
- Balzac. El Verdugo
- Mérimée. Mateo Falcone
- Gérard de Nerval. Octavie
- Xavier Forneret. Le crétin et sa harpe
- Théophile Gautier. Le petit chien de la Marquise
- Gustave Flaubert. Hérodias
- Villiers d’ l’Isle-Adam. Le désir d’être un homme
- Léon Bloy. La fève
- J.-K. Huysmans. Sac au dos
- Guy de Maupassant. Boule de Suif
- Colette. Belles de jour
- C.-F. Ramuz. Amour
- Georges Bernanos. Madame Dargent
Je compare. Nous avons, Alain Bosquet et moi, si je n'oublie personne, douze auteurs en commun, c'est-à-dire que dix-huit des miens ne se trouvaient pas dans son ouvrage. Et trois nouvelles sont présentes à la fois chez l'un et chez l'autre: celles de Prosper Mérimée, Gérard de Nerval et Joris-Karl Huysmans. Pour les deux derniers cités, j'ignore pourquoi j'ai intégré le même texte qu'Alain Bosquet - peut-être par simple convergence de goûts? Pour le premier, Mateo Falcone, je sais: la lecture de cette nouvelle, proposée par un enseignant, n'avait cessé de me poursuivre et il m'aurait semblé sacrilège de ne pas l'intégrer. Conclusion: deux cas que je ne m'explique pas, mes motivations d'alors s'étant dissoutes dans les années qui ont passé depuis, cela ne me semble pas correspondre à "une édition augmentée et remaniée", mais plutôt à un travail original. Désolé, René Godenne, cette fois, vous vous êtes trompé... Mais cela n'enlève rien à la valeur de votre anthologie.