Julien Bosc/Et toi, qui es-tu ?

Par Angèle Paoli

« Poésie d'un jour
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ET TOI, QUI ES-TU ?

Serti par des racines d’héliotropes blancs et mauves, un échange ― aux confins du désir :
― Que regardes-tu ?
― Le dais d’ombre par-dessus les pliures de la mémoire.
― Que vois-tu ?
― Rien. La nuit. Une citadelle. Un pont de pierre. Des fougères orange ou jaunes le long d’un chemin. Le ciel violet du couchant. L’erg silencieux. Une très grande tristesse. Ta solitude. La mienne. Rien. La nuit.
― Comment est la nuit ?
― Claustrée, butinée par les abeilles.
― Et la citadelle ?
― Désertée.
― Et le pont de pierre ?
― Ouvert de part en part, délié du présent par la mortelle blessure.
― Et les fougères ?
― En javelles, fauchées par des grêlons de miel.
― Et le couchant, le ciel violet ?
― Et l’erg silencieux ?
― Sans cesse mouvant quoique immuable ?
― Et la très grande tristesse ?
― Amnésique, repliée sur elle-même, en boule.
― Et ma solitude ?
― Semblable à la mienne.
― Et la tienne ?
― Sans égale.
― (Et toi, qui es-tu ?
― La question à laquelle ni toi ni moi ne pouvons répondre.)

Julien Bosc, Je n’ai pas le droit d’en parler, Atelier La Feugraie, Collection L'Allure du chemin, dirigée par Jean-Pierre Chevais et Alain Roger, 14770 Saint-Pierre-la-Vieille, 2008, pp. 26-27.


Note : merci à Muriel Bonicel de m’avoir invitée à découvrir cet ouvrage.


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