"Le temps des illusions - Chronique de la Cour et de la Ville 1715-1756" d'Evelyne Lever

Par Lesalondeslettres @Salon_Lettres


À Paris, les courtisans se reçoivent et se montrent beaucoup plus communicatifs qu'à Versailles. Fuyant l'ennui, ils vont de salon en salon où la société est beaucoup plus variée qu'à la Cour. Ils cultivent leur esprit, forment leur goût et acquièrent de nouveaux plaisirs par la fréquentation des hommes de lettres, qu'ils ne considèrent plus comme des amuseurs mais comme des penseurs qui font passer leurs idées sur la science, la morale ou la philosophie dans une conversation enjouée.

Versailles, Paris : deux mondes opposés qui ne peuvent vivre l'un sans l'autre. Versailles, résidence du roi, séjour de la cour, est le lieu du pouvoir, de l'intrigue, de l'élégance et de toutes les convoitises, mais Paris, centre de l'Europe, rayonne d'une vie intellectuelle et artistique brillante.

Dans cette chronique détaillée au jour le jour, et parfois heure par heure, qui commence à la mort de Louis XIV (1715) et prend fin au milieu du siècle, Evelyne Lever nous entraîne dans un va-et-vient riche d'anecdotes du château à la capitale : de la galerie des Glaces et des petits appartements de Louis XV jusqu'aux ateliers des artisans en passant par les hôtels aristocratiques, les églises, les salons littéraires, les jardins, les théâtres. On participe ainsi aux fêtes, on voit les curieux s'amasser pour assister à l'exécution de Cartouche ou pour acclamer le roi surnommé le Bien-Aimé ; on se promène dans les quartiers de la capitale, mais on découvre aussi secrets d'alcôve et de famille, complots et scandales. L'auteur brosse avec talent des portraits du souverain, de sa famille, des courtisans, des philosophes, des artistes et aussi du petit peuple parisien. Elle dénoue les intrigues de la cour où le sexe se mêle à la politique, elle raconte les crises financières, expose les grandes orientations politiques du règne, écoute les revendications populaires.

C'est tout un monde qui s'anime et découvre, sous l'influence des philosophes, qu'il a droit au bonheur.

Historienne, chercheur au CNRS, Evelyne Lever a publié chez Fayard Louis XVI (1985), Louis XVIII (1988), Marie-Antoinette (1991), Philippe-Égalité (1996), L'Affaire du collier (2004), C'était Marie-Antoinette (2006).

Je savais d'avance que cette lecture me plairait car étant passionnée par le XVIIIème siècle, c'est tout naturellement que je me suis tournée vers cet ouvrage. Je connais l'auteure, Evelyne Lever, pour l'avoir vu participer à des émissions historiques télévisées. J'aimais déjà beaucoup la manière qu'elle avait de parler oralement de l'histoire, alors sa plume ne m'a pas été indifférente non plus. Evelyne Lever est considérée comme une grande historienne et c'est avec hâte et joie que je me suis lancée dans son ouvrage.

La chronique est sans la doute la forme la plus adaptée pour parler d'un siècle en profondeur et surtout pour le comprendre. Comme l'indique le résumé, tout est relaté : la vie politique (les événements autant que les alliances), la vie culturelle (comprenant le théâtre, les fameux salons littéraires, les écrivains, les peintres...) et la religion. À mesure que l'on avance dans l'ouvrage, on a l'impression de regarder par la serrure d'une porte tellement le récit est vivant. Il faut dire que raconter les faits au présent ajoute du cachet.

Le récit commence en 1715, à la mort de Louis XIV. Le livre est divisé en chapitres, eux-mêmes subdivisés en paragraphes titrés, ce qui permet d'être face à un récit organisé selon le thème (politique, famille royale...). Didactique, l'ouvrage contient aussi une carte de 1715 et une généalogie pour que le lecteur puisse se retrouver aisément dans les affaires de famille. On suit donc le règne de Louis XV, qui doit beaucoup à la régence de Philippe d'Orléans, jusqu'en 1756. Ce livre m'a donc permis d'avoir un aperçu riche et intéressant du début du XVIIIème siècle en seulement 400 pages. Je commence à connaître pas mal l'histoire de ce siècle mais cette lecture m'a apporté de nouvelles connaissances dessus et a fait le point en terme de chronologie sur pas mal d'événements. Mes connaissances ont aussi été confirmé, telle que la mélancolie habituelle de Louis XV. En fait, j'ai davantage compris ce roi. On le suit de son enfance jusqu'à l'âge adulte. À vingt ans, il est déjà père de cinq enfants, ce qui fait que j'ai commencé à le comprendre et j'ai encore davantage réfléchi sur les moeurs de l'époque où l'on se mariait adolescents et où l'on avait des enfants très tôt. Pour les reines, leur "fonction principale" était de donner un héritier (les filles sont souvent vues comme des déceptions), ce qui me frappe toujours.

=> Cet ouvrage conviendra parfaitement aux passionné(e)s du XVIIIème siècle mais aussi à ceux et celles qui voudraient s'attarder un peu sur le début de ce siècle foisonnant, tout comme l'est ce livre. Pour sûr, ce ne sera pas le dernier ouvrage que je lirais d'Evelyne Lever !

Suite : Le crépuscule des rois, Chronique 1757-1789