Jacopo Pontormo, Portrait d’un joueur de luth, Vers 1529 – 1530, Huile sur bois, 81,2 x 57,7 x 4 cm, Collection Particulière © Eckart Lingenauber
Le musée Jacquemart André propose du 11 septembre au 25 janvier une exposition du commissaire Carlo Falciani sur l’art du portrait à la cour des Médicis au XVIè siècle.
Organisé selon un parcours chrolonogico-thématique, l’accrochage débute par une salle consacrée à un état des lieux de Florence au tournant du XVè siècle. Si les Médicis ont été chassés par le peuple, finalement mené par le féroce Savonarole, les plus fameux peintres ne désertent pas la ville et on admire avec plaisir un portrait de jeune homme par Del Sarto, entouré de deux portraits de notables florentins de Pontormo.
Ridolfo del Ghirlandaio, Dame au voile (la «Monaca»), 1510 – 1515 env., Huile sur toile, 65 x 48,1 cm Florence, Galerie des Offices © S.S.P.S.A.E e per il Polo Museale della Città di Firenze
Le plus remarquable est peut-être le portrait de la Dame au voile de Ghirlandaio (1515). Reprenant la typologie classique du portrait à la Renaissance, il figure une femme de trois quart dans un intérieur aux larges ouvertures donnant sur une nature qui s’étend jusqu’aux limites de l’horizon. La profondeur y est suggérée par des dégradés de bleu allant jusqu’au gris, selon la technique de la perspective atmosphérique que l’on trouve dans les Flandres au milieu du XVè siècle et qui se diffuse dans toute l’Europe, jusqu’en Italie. Fait notable, ce tableau est accompagné d’un couvercle réduisant sa visibilité et limitant l’orgueil qui pourrait être suggéré par le fait de se représenter soi-même.
La suite de l’accrochage nous permet d’admirer les portraits de la famille Médicis par le peintre Bronzino, prêtés spécialement pour l’occasion. Si le portrait de Côsme de Médicis (coll. part.) semble moins intéressant que celui de sa femme, Eleonore de Tolède, venu tout droit de Prague, c’est peut-être à cause de l’alliance toute particulière des couleurs de la robe rose et du fond bleu intense qui rayonnent autour du visage hiératique de la mécène de Bronzino. Autre peinture importante de la pièce, c’est le portrait de Maria Salviati, tout récemment attribué par Carlo Falciani à Pontormo. « La peinture ne ment pas, elle dit la vérité, alors regardez-là » nous suggère le directeur du musée Nicolas Sainte Fare Garnot si vous en doutiez…
Plus tard, on apprécie le Portrait de dame en rouge de Bronzino (1532), venu du Stadel Museum de Francfort, qui allie avec audace des matières nobles aux coloris intenses. La robe rouge attire notre œil par sa massivité avant de laisser apparaître des subtils dégradés suggérant de lourds plis. Puis on hésite entre la grande plage blanche carrée du col et le bras ceint de velours émeraude qui débouche sur une main indolemment posée sur l’extrémité précieuse du dossier. L’œil circule, déséquilibré parmi les couleurs et les formes de ce tableau à l’apparence pourtant figée, puis se fixe sur le visage clairement découpé de cette femme altière.
Si l’on peut déplorer l’absence d’un propos plus construit autour du genre tout particulier du portrait (Qu’implique-t-il ? Dans quelles conditions se développe-t-il précisément ?), on apprécie cette exposition pour la qualité exceptionnelle des œuvres qu’elle réunit dans ces quelques salles. Les tableaux proviennent de musées européens, de collections particulières : louons donc cette opportunité de les admirer dans un espace aéré, aux lumières mesurées et agréables.
Agnolo Bronzino, Portrait de dame en rouge. 1532 – 1535, Huile sur bois, 89,8 x 70,5 x 2,6 cm Francfort, Stadel Museum © Städel Museum – U. Edelmann / ARTOTHEK
Enfin, n’oubliez pas de consacrer quelques temps au visionnage de l’émission d’Hector Obalk sur les mains maniéristes : sa présentation est aussi convaincante que claire. Finissez si vous le pouvez la visite par la petite bibliothèque du rez-de-chaussée : Les Pèlerins d’Emmaüs de Rembrandt s’y cachent, et ce serait dommage de ne pas les saluer.
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