En présence de Iegor Klimovitch, le réalisateur et de Kristina Abramian, la scénariste, nous avons pu assister, dans le cadre du 3ème Festival de cinéma russe de Nice, à l’avant-première du documentaire Normandie-Niémen. Monologue qui se propose de retracer l’épopée du contingent aéroporté franco-soviétique de la Seconde guerre mondiale. Recueillant les témoignages exceptionnels de quelques survivants et des familles des combattants, Normandie-Niémen. Monologue tente de parler d’une seule voix au nom de ceux qui se sont battus pour la liberté. Devant ce discours de concorde, on ne pouvait, en tant que français, que ressentir une honte légitime face au comportement indigne de François Hollande qui n’a pas assisté aux commémorations des 70 ans de la Grande guerre patriotique. Le directeur du Gosfilmofond de Russie, Vladimir Dmitriev, a d’ailleurs amèrement regretter l’affront fait aux deux peuples amis.
En 1942, le Général De Gaulle décida de soutenir l’ouverture du front de l’Est par les soviétiques. Il mit en place une équipe de pilote de chasse et de mécaniciens, tous volontaires, pour aller servir aux côtés de mécaniciens russes sur le nouveau front. Les volontaires arrivèrent des quatre coins du globe, depuis le Royaume-Uni ou les colonies. De frères d’armes, les hommes de l’unité Normandie-Niémen, fraternisant et partageant des valeurs communes, devinrent frères de sang.
Normandie-Niémen. Monologue est avant tout l’histoire d’une formidable aventure humaine. Il était grand temps de faire œuvre de mémoire. Seul deux mécaniciens russes, bardés de médailles, ont pu témoigner devant la caméra. De cette époque trouble et révolue, ils sont les deux derniers témoins. Cependant, l’escadron Normandie-Niémen a laissé un héritage bien vivant que font perdurer les familles. Cet héritage est essentiel car il transcende les visées guerrières et haineuses de nos contemporains. Klimovitch a eu l’intuition qu’il ne fallait pas tant glorifié les faits d’armes de ces militaires que leur courage. Et surtout, il a compris que l’essentiel ne se trouvait pas dans les batailles menées ou leur valeur stratégique mais dans le symbole de fraternité qu’ils représentent désormais. Le réalisateur a cité Antoine de Saint-Exupéry : « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux.». L’esprit du documentaire est effectivement là. S’il retrace les périples, tel celui de Pierre Pouyade qui fuyant les autorités pétainistes de l’Indochine entama quasiment un tour du monde dans la clandestinité pour intégrer l’unité, le reportage s’attarde surtout sur les relations humaines.
Il est évoqué, en premier lieu, les interrogations des officiers Delfino, un niçois, et de Jean Tulasne qui servirent un temps le régime de Vichy avant de réaliser que le salut moral et militaire de la France se trouvait sur les ondes de Radio Londres et de gagner la résistance. Normandie-Niémen. Monologue ne fait pas fit de ces ambiguïtés et a bien raison, elle prouve que sous l’étoffe des héros se cachent avant tout des hommes parfois en proie au doute. Normandie-Niémen. Monologue explore ensuite, et surtout, l’héritage de Normandie-Niémen. Émus, les enfants et les petits-enfants des chasseurs témoignent. Beaucoup évoquent des réunions entre anciens du Normandie-Niémen où, cachées sous le vernis du protocole, se cachait de véritables et durables amitiés. Un vétéran russe explique comment un français, sachant son avion perdu et ne bénéficiant que d’un parachute décida de mourir avec le mécanicien russe qui l’accompagnait. La fille d’un pilote français se souvient que son père fut sévèrement grondé par le général Louis Delfino parce qu’il était parti seul en chasse contre un allemand. Par ce biais, elle entend rappeler à quel point, Delfino mettait la vie au-delà de la mort et insisté sur la nécessité de survivre pour construire le monde d’après-guerre. Raisonnement universel comment nous avons pu le constater avec l’excellent Kamikaze : Le dernier assaut. Tandis qu’un restaurateur de La Ciotat évoque comment ses parents se sont rencontrés, l’un fils d’un soldat français et l’autre fille d’un soldat russe, et donc comment les deux cultures cohabite à travers lui, encore de nos jours. Enfin, une femme orpheline, raconte comment sa mère évoquait un beau soldat français qui ne revint jamais.
A la fin de la guerre, Staline, par décret, remis les Yak, avion de combats dans lesquels ils avaient combattus aux officiers survivant du Normandie-Niémen. Ils rentrèrent en France à bord de leur engins où ils furent accueillis triomphalement au Bourget. Pour le maréchal russe Alexandre Novikov « Le don au régiment « Normandie-Niémen » de tous les avions sur lesquels ils avaient volé fut une manifestation de l’amitié sincère entre les peuples français et soviétiques ». Les combattants de Normandie-Niémen ont combattu pour que ne se reproduise jamais les atrocités de la guerre et pour la paix fraternelle entre les peuples dont ils furent l’incarnation. Cet horizon indépassable de tout conflit ne devrait jamais être oublié et peut-être pourrait-on alors tué les conflits dans l’œuf.
Boeringer Rémy