« J’écris cette histoire pour une petite araignée que je connais bien et pour laquelle j’ai beaucoup de tendresse et de compassion.
Vous savez certainement que les araignées tissent leurs toiles. Sauf que personne bien souvent ne leur a appris comment faire. Alors, beaucoup d’entre elles courent partout dans une course effrénée, sans jamais pouvoir s’arrêter. Et plus elles courent, moins elles sont productives.
Katarina, la petite araignée dont je vous parlais au début, fait partie de celles-ci. Il faut dire que sa vie n’avait pas toujours été très facile. Au pays des araignées, souvent les parents n’ont pas appris non plus à tisser leurs toiles, alors lorsqu’ils en ont une, parfois elle est toute tordue, ou bien il y a des trous et il faut sans cesse veiller à ne pas tomber dedans pour ne pas risquer la mort. D’autres parents encore, trouvent des subterfuges et demandent même à leurs enfants araignées de tisser leurs toiles à leur place !
Nina, la maman de Katarina courait, elle, toujours après les meilleures écoles pour apprendre à tisser des toiles. Oui, cela commençait à exister depuis quelques années, lorsqu’un grand araignée (je dis un, car c’est un mâle) avait fait des découvertes. Depuis, d’autres araignées lui avaient succédé et avaient ouvert toutes sortes d’écoles.
Le paradoxe c’était que plus Nina voulait apprendre, et plus elle délaissait sa fille et son mari qui ne pouvaient se reposer sur une belle toile. Évidemment, elle n’avait pas le temps de se poser pour tisser une toile… Ainsi, rien n’avançait concrètement.
Dans sa tête oui, mais dans la tête des araignées, c’est facile d’imaginer que tout est simple à faire ! Mais lorsqu’est venu le moment de passer à l’action, là, c’est autrement plus complexe ! Et Nina s’en est bien rendue compte.
Elle avait besoin de concentration pour ne pas que tous les fils s’emmêlent, d’une certaine luminosité pour y voir suffisamment clair mais pas trop pour ne pas être éblouie, et d’un tas d’autres choses, comme du savoir-être, de la patience, du courage, etc.
Et en plus, parfois, elle n’avait pas observé que le lieu qu’elle avait choisi n’était pas opportun pour s’installer. Non, tisser sa toile par exemple sur une voiture était un gros risque de voir sa maison détruite en une fraction de seconde. Et oui, c’est un dur labeur que de tisser sa toile…
D’autant plus qu’elle se modifie et bouge au gré du vent, des tempêtes ou des aléas de la vie, alors souvent il y a besoin de la reconstruire. Retrouver son courage, mettre toutes son énergie dans ses pattes et recommencer, ne pas désespérer.
C’est ce que Nina s’évertuait à faire. Oui, car à un moment donné, elle avait arrêté de passer d’une école à l’autre, et s’était posée dans l’une d’entre elles. Oh ne croyez pas que cela avait été facile. On l’avait remise en question, on lui avait expliqué comment bouger ses pattes pour pouvoir y parvenir, et puis surtout elle avait pu dire que son abdomen ne secrétait pas suffisamment de fils pour y parvenir. Elle avait toujours caché cela aux autres araignées et ne parvenait à apprécier son abdomen. Elle en voulait toujours un autre… Et là, enfin, elle avait appris à l’aimer tel qu’il était, acceptant que celui-ci fabrique le fil comme il pouvait.
On lui avait appris que toute araignée, quelle qu’elle soit, a le droit de tisser sa toile, avec la qualité de fils qu’elle peut fabriquer, et à sa vitesse, et que s’il faut recommencer, c’est tout à fait normal pour les araignées. De toute façon, ainsi est faite leur vie, elles tissent à longueur de temps.
Et au pays des araignées, on ne peut pas tisser la toile à la place d’une autre araignée, même si l’on en est très proche, ou qu’on voudrait lui rendre service. Ainsi, Nina pouvait montrer à Katarina des choses, témoigner de ses apprentissages, lui tendre parfois une patte, observer sa façon de faire mais, non, pas faire à sa place !
Alors pendant ce temps, Katarina courait elle, non pas après les meilleures écoles pour apprendre comme sa mère l’avait fait autrefois, mais après les boutiques. Cela peut paraître absurde car normalement, les araignées tissent leurs toiles sans rien acheter. Car tout se trouve dans la nature.
Mais depuis quelques années et surtout depuis que les humains prenaient de plus en plus de place, c’était devenu pour les araignées de plus en plus difficile de vivre en paix, en sécurité et en harmonie avec la nature.
Alors des araignées peu scrupuleuses (enfin pas toutes) faisaient croire à des araignées naïves qu’en achetant toutes sortes de fils, de matières, des gants pour protéger leurs pattes, d’aiguilles à tricoter, et même de parcelles de terre, qu’elles pourraient ainsi plus aisément construire leurs toiles.
Et Katarina faisait partie de ces petites araignées qui croyaient les commerçants qui vendaient plus d’illusions que de réalité, en leur faisant croire qu’elles seraient plus heureuses avec d’autres choses. Comme par exemple en ayant d’autres fils que les siens, avec des appareils pour passer des messages à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit aux autres araignées, qui croyaient alors qu’elles avaient plus d’importance selon le nombre reçu !
Aussi, Katarina restait branchée dans l’attente désespérée d’un nouveau message… qui lui donnerait l’illusion (encore une !) qu’elle est plus aimée ou qu’elle a plus de valeur.
Mais personne ne lui avait dit que sa vraie valeur, elle serait la seule à la trouver, elle-même, à l’intérieur de son ventre, de son cœur et de sa tête, dans le silence de la nuit, dans la douceur de l’ennui, au gré de ses péripéties, en regardant les nuages, en observant les étoiles, en caressant ses rêves, en chatouillant ses désirs, en effleurant ses larmes.
Non, personne ne lui avait appris cela. Alors moi, je lui dis, je lui chuchote à l’oreille, pour qu’un jour, elle puisse se rappeler. Et le jour où tu seras prête, ma douce et tendre Katarina, tu pourras lire et relire autant de fois ce conte qu’il te plaira, autant de fois que tu en auras besoin.
Et j’écris ce conte pour toutes les autres araignées qui vivent sur cette planète, qui courent après quelque chose, en ne sachant pas toujours quoi, ni comment faire.
J’ai moi aussi été une araignée autrefois. Je le suis encore à certains moments. Mais je me transforme parfois les soirs de pleine lune en hirondelle, en ange ou en démon, en loup, en singe ou bien d’autres choses encore, au gré de mes envies, au gré de mes péripéties…
Je vous souhaite d’en faire tout autant. Car il est si bon de se transformer… »
Si ce conte vous a plu, je vous invite à en lire un autre sur mon blog : le conte de la petite castorette rondelette.
Geneviève vend son livre par internet et je le recommande chaleureusement :
http://www.thebookedition.com/contes-pour-etre-soi-m-aime-genevieve-abraham-p-129774.html
Vous pouvez également consulter son site internet :