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Le mur dans la vallée, de Noël Macé

Publié le 26 septembre 2015 par Francisrichard @francisrichard
Le mur dans la vallée, de Noël Macé

En quatrième de couverture du Mur dans la vallée, de Noël Macé, figure cette remarque de précaution, qui est souvent d'usage en de telles matières: Il ne s'agit que d'une oeuvre de fiction. Toute ressemblance avec la justice de nos pays est, bien sûr, totalement fortuite, et tout est faux, absolument, au détail près.

Ce doit donc être purement fortuit que dans la vallée en question se soit produite, comme naguère dans une autre vallée homonyme, une sombre affaire, l'histoire d'un gosse, fils de ces immigrés du sud de la vallée que personne n'aime quand il s'agit de leur rendre des comptes:

L'enfant avait été trouvé, à demi-gelé, sur l'une des places du côté le plus obscur de la vallée, la tête dans un champ de neige. Ressuscité in extremis, il s'était réveillé aveugle et lourdement handicapé pour le restant de ses jours. Il avait sept ans...

Les coupables de ce crime, comme dans l'affaire Luca, courent toujours, protégés qu'ils sont par la justice de la vallée, qui leur a substitué comme coupable le chien de la victime, venu pourtant lui porter secours: Le bras de la justice fut prompt. L'on vint s'emparer du chien qui fut euthanasié sur le champ; les morts ne parlent pas.

Dans un magasin de la gare du bourg de la vallée, Damien de Reynault, voulant porter secours à une caissière en butte à trois petites frappes, se fait tabasser par ces individus récidivistes et en garde une marque à la cuisse. Il porte plainte contre eux et se heurtent au même mur de la justice locale que les parents de l'enfant martyrisé. 

Ce mur de la justice de la vallée, c'est le mur dans la vallée, qui donne son titre au livre et contre lequel il est vain de vouloir se mesurer, à moins d'être riche, riche d'amis, de réseau ou d'argent... Car, par idéologie, la justice de la vallée voit dans le criminel en général un auxiliaire de la lutte contre l'ancien ordre moral en particulier...

Les sentences prononcées par une telle justice? Dans la plupart des cas, une peine symbolique, avec sursis, était prononcée et tout le monde devait s'estimer heureux. Dans les cas graves, l'expédiant de la psychiatrie permettait de gérer à sa guise la pression de la cocotte-minute, excluant les victimes trop demandeuses de la procédure.

Et si le fauteur de crime ou délit, même gravissime, est l'un des leurs, l'un des membres du système? Le système enlise alors la vérité dans tout ce que le mensonge a pu créer de méandres sur terre. Les parents de l'enfant martyrisé en savent quelque chose, qui n'ont toujours pas obtenu que lumière soit faite... 

Le système? Tous ceux qui profitent peu ou prou de la démocratie représentative aux dépens des autres. Les dissidents du régime n'encourent pas le goulag, mais la privation d'emploi, une méthode simple qui a pour effet immédiat de soumettre ou d'exiler sans que l'on puisse réellement deviner la main de l'Etat.

L'Etat? L'Etat est devenu hypertrophié. Il absorbe chaque année la moitié de la richesse produite. La démocratie, derrière la vitrine indigente de laquelle il se profile, n'offre que deux divisions d'une même pensée à peine distincte: contrôle par l'Etat libéral radical ou contrôle par l'Etat libéral socialiste... 

On fera humblement remarquer au narrateur que, dans les deux cas, l'expression d'Etat libéral affublé de radical ou de socialiste est un oxymore et que parler même d'Etat libéral tout court, dans le cas présent, est plus qu'hasardeux quand il vient de rappeler qu'un tel Etat absorbe par l'impôt la moitié de la richesse produite dans le pays.

Quand l'Etat prend une telle place dans la vie des gens, il n'est pas étonnant que leurs libertés soient singulièrement diminuées et qu'ils soient réduits au rôle d'esclaves d'un tel Léviathan. Le conditionnement étatique aidant, ils finissent par consentir à cette servitude et, même, par se porter volontaires pour cette soumission.

Quoi qu'il en soit, Damien de Reynault va de désillusions en désillusions. Toutes les procédures qu'il entreprend font de lui un dissident du système. Et le système bien rôdé ne lui oppose que le mur, mur de silence, mur de mépris, mur d'absence, de ces murs si injustes et si hauts que les plus hauts nuages en cèlent les sommets.

Une fois qu'il aura vu ce qui se cache derrière le mur, Damien n'aura qu'une échappatoire pour ne pas en rester là et s'avouer vaincu. C'est l'arme ultime des dissidents de tous les systèmes et c'est peut-être celle qui permet de les ébranler vraiment, le samizdat...Самиздат, en russe.

En attendant, dans un style jaculatoire, Noël Macé aura donné libre cours à ses emportements contre la tyrannie qui n'est pas propre aux dictatures et qui peut très bien se parer des habits de la démocratie pour s'exercer, la majorité se croyant alors permise de tout faire. 

Il faut reconnaître à Noël Macé qu'il a du souffle et il en faut pour s'attaquer au mur, comme il le fait. On se prend à rêver que ce souffle soit suffisant pour le mettre à bas ce mur (qui, bien sûr, n'existe pas), comme les sept trompettes abattirent ceux de Jéricho en donnant le signal à une grande clameur populaire.

Francis Richard

Le mur dans la vallée, Noël Macé, 176 pages, Éditions du Trèfle Étoilé


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