Simon Hureau : des Egratignures certes, mais avec poésie.

Par Hectorvadair @hectorvadair
Egratignures
Simon Hureau
Jarjille éditions
Juin 2015
Simon Hureau est un auteur rare. Rare dans le sens où ce qu'il nous propose à la lecture donne le sentiment de vivre des moments privilégiés. Ses histoires se déroulent comme des contes, et son dessin noir et blanc, au trait mais aussi au lavis d'encre noire nous invite à revivre au temps passé; lorsque des maîtres illustraient avec talent de belles histoires romanesques.
Après diverses publications chez divers éditeurs de plus ou moins grande taille, dans des formats fanzines, petits albums agrafés ou brochés, ou cartonnés (Futuropolis) cette magnifique édition des éditions Jarjille, cartonnée et au dos toilé semble mettre enfin en valeur comme il le mérite le travail sensible et précis de l'auteur.*
"Egratignures" présente sept récits mettant en scène des enfants, et certaines histoires sont scindées en chapitres, parsemés au sein de l'album. On passe d'une histoire différente à l'autre, comme si un fil les reliait entre elles. 
Ce qui est vrai avec "Volubis palace", 3 chapitres quasi documentaires, traitant d'une bande d'enfants esclaves dans un pays comme la Turquie rurale, et qui vont s'échapper grâce à la culture…  l'est aussi avec "Kaiser et l'albatros, Bouzi : joujou pour dames, et le manège de Noé", abordant l'aspect début du siècle dernier, les jeux dans les parcs, et une certaine cruauté.
Tandis que "Sous le bitume de la nuit" aborde en fin d'album la science-fiction de "survivance".

Au trait... ©Simon Hureau/Jarijlle


Ce qui caractérise ces différents fils, et le style de l'auteur, c'est entre autre un Charme suranné.
Celui-ci nous saute au yeux dés la couverture, où trois jeunes enfants, habillés tels de petits bourgeois du XIXeme siècle, se tiennent la main. En fond, une tapisserie que certain d'entre nous ont pu connaître, (en reproduction), faite de scènes bucoliques stylées XIIIIeme.

...ou au lavis. ©Simon Hureau/Jarijlle

Le style graphique souple de Simon Hureau, rappellera par moment celui d'un François Ayroles. Il est ceci-dit un peu l'apanage de ceux de certains carnets de voyages, ou du style d'un Nylso : dessins un peu jetés sur la page, non entourés de cases. L'ajout de textes très poétiques autour rajoute à ce sentiment, et lorsque l'on sait que l'auteur a beaucoup voyagé et continue à le faire, cela ne nous surprend pas.
On est donc face à une bande dessinée /carnet de voyage, mais d'un voyage dans l'espace et le temps, car ce que Simon nous raconte, on le sent, vient de souvenirs de choses vécues ou vues, dans un temps qui pourrait être hier, comme avant hier, avec, parsemé ci et là son regard d'homme humaniste, qui n'hésite pas à dénoncer à sa manière certaines injustices.
C'est sans doute cette façon de faire, ajoutée aux textes particulièrement poétiques, qui font de ces "Egratignures" un livre au charme si particulier.
Un déjà (futur) classique. Tous publics.
(*) N'oublions pas, précédemment, le beau: "Tout doit disparaître" (Futuropolis, 2006)