[Idées à lire] Vice caché, La Cigale du huitième jour: Rentrée solaire

Par Neodandy @Mr_Esthete

Ils n’attendent que d’être lus pour être appréciés. Déjà en rayons ou prêts à se dévoiler, le Blog LaMaisonMusee.com partage avec vous ses dernières envies littéraires. Les ouvrages en question ne donneront pas toujours sens ou raison aux dernières parutions, une preuve supplémentaire à la volonté de lire sans limites et sans restrictions.

Aucun hasard donc à débuter ces divagations littéraires par un clin d’oeil non médiatique. La rentrée littéraire singularise le rythme des publications françaises. Le problème sincère et profond s’impose au lecteur : lire, oui, mais quoi ? Le plus cité des quelques 200 à 300 romans grâce à l’appui d’un éditeur gourmand ? L’écrit annuel d’un romancier ayant déjà pris date pour Septembre 2016 ? Laissons les libraires mettre en rayons et les critiques un peu trop enthousiastes dans un processus de décantation. Hors des appellations d’origine contrôlée, le soleil brille aussi ailleurs : il va jusqu’à mettre en lumière  des compositions taillées pour le cinéma. Le même astre inspire bien différemmentInherent Vice (Vice caché en Français.) de Thomas Pynchon et le Japon contemporain de Mitsuyo Kakuta dans La Cigale du huitième jour. Sous le soleil exactement s’exprime deux folies : respectivement en plein psychédélisme pour l’une, au précipice émotionnel pour l’autre.

 Des flots de sentiments à la dérive.

Inherent Vice a été promu en deux affiches différentes. Celle-ci aurait très bien pu décorer fidèlement le roman.

Vice caché de Thomas Pynchon ressemble à une face dissimulée de la Californie. « Ôte-toi de mon soleil ! » : ces mots pourraient définir l’attitude cynique de notre détective Sportello, happé par une affaire louche et des descentes d’acides héritées des années 1960.  En croquant les années 1970, Thomas Pynchon provoque un craquement de l’expression bénie et bien commode du « Rêve américain ». Le héros en malaise dans une période souvent chérie pour l’émotion vintage qu’elle suscite aujourd’hui, c’était le coup de pied dans la fourmilière rêvé dans des époques trop souvent idéalisées.

(c) Actes Sud. L’auteure Mitsuyo Kakuta.

La Cigale du huitième jour invite à s’imprégner de la culture nippone autrement. Le calme et la volupté soudainement prêtes à voler en éclats est un schéma si cher au genre du manga tant et si bien qu’il est difficile d’entrevoir d’autres sentes du Japon fictif. L’auteure Mitsuyo Kakuta propose un autre mécanisme même si elle ne cache pas son amour à créer des oeuvres de littérature de jeunesse : l’action s’installe par un voyage forcé à travers le Pays du Soleil Levant avec, en toile de fond et objet d’attention, l’enlèvement d’une enfant. Entre la femme responsable de ce rapt et la petite-fille, toute la complexité des liens et les fonctionnements des sentiments d’individus qui ne semblent pas se connaitre se décrivent dans une douceur réconfortante.

Ces soubresauts du for intérieur ont été forts adaptés. Dans les deux cas, les deux livres ont laissé leur nom au cinéma. Une preuve supplémentaire de la fluidité d’un langage fort d’images et d’une écriture séquencée pour coïncider au cadre d’une scène …

Objets d’un cinéma littéraire.

En 2015, Joaquin Phoenix se glissait dans la peau du détective Sportello avec, vraisemblablement, une efficacité troublante dans le jeu d’une personnalité « bouleversée ».

Inherent Vice a servi de support à un film éponyme réalisé par le cinéaste Paul Thomas Anderson. (Réalisateur de There will be blood et The Master entre autres.) Faute de succès critique, la séance cinéma du Blog La Maison Musée consacrée au film paru en Mars-Avril 2015 est passée à la trappe. L’influence des opinions lues ici et là avec attention annonçait une conclusion ruminée : les spectateurs, froissés, livraient leur insensibilité, leur incompréhension, le constat d’un dégoût ou … d’une déception. Inherent Vice se plaçait parmi les films à voir, le livre se positionne en tant qu’incontournable. Son mérite sera d’être un exhausteur d’images, de situations, un imaginaire à comparer avant de jeter tout un dévolu personnel sur l’adaptation cinéma. Une démarche qui, espérons-le, apportera plusieurs éléments de réponse à une narration jugée insensée, déstabilisante et parfois maladroite de Paul Thomas Anderson.

(c) Actes Sud. La 4e de couverture parle d’une adaptation au cinéma sans aller plus loin. Le réalisateur en question se prénomme Akimitsu Sasaki à l’origine d’un téléfilm nommé … The Eighth Day.

En Mai 2015 a paru la traduction française de La Cigale du huitième jour, une version fidèle poétiquement aux idées de l’auteure. L’oeuvre, qui date de 2007, s’est déclinée sur grand écran, ou plutôt sous la forme d’un téléfilm peu connu, témoignant alors de l’intérêt pour un type d’écriture adaptable. Une sorte de scénario préparé où les cadres et grandes lignes sont tracées dans un synthétisme éclatant. La Cigale du huitième jour crée l’alchimie au sein d’attentes plus personnelles : sur les recommandations élogieuses de Poing Critique, il y a cette sensation d’être témoin d’une création cinématographique focalisée sur la pensée, la réflexion, l’intimité d’une personne, elle-même en proie aux paradoxes de sa société. Une audace à même d’évoquer les malaises et réjouissances d’une société diamétrale à la nôtre. Les références rassurent : dans la littérature japonaise, Mitsuyo Kakuta parait de plus en plus compter dans cette catégorie.

Deux univers distants si attirants, des transports littéraires à point nommé pour la semaine prochaine. Ils accompagneront parfaitement une nouvelle semaine d’hospitalisation prévue pour « mieux » maitriser le diabète. (5 jours de formation à l’Insulino Thérapie Fonctionnelle.) En somme, des escapades dépaysantes qui auront l’intérêt de combler des heures souvent un peu longues !