Biennale de Venise 2015 – Pavillons Britannique, Français et Allemand

Publié le 25 septembre 2015 par Jebeurrematartine @jbmtleblog

Anaïs vous emmène déambuler parmi les divers pavillons de la Biennale de Venise 2015… Bonne visite !

PAVILLON BRITANNIQUE – Sarah Lucas


Par Cristiano Corte © British Council

Entièrement peint en jaune primaire, l’intérieur du pavillon britannique est détonnant de l’extérieur. Ce même jaune, étrangement froid et criard, a su attirer mon attention et m’inviter à pénétrer l’exposition I scream Daddio de Sarah Lucas, rattachée au groupe de sculpture des Young British Artists dont sont également membres Tony Cragg ou Damien Hirst, entre autres.

En montant les marches du pavillons, je pénètre dans un hall dans lequel m’accueille une très grande sculpture de matière plastique rigide et brillante, d’un même jaune hurlant et plutôt désagréable à la vue. Cette sculpture, aux allures de monumentaux ballons dégonflés, associe des formes phalliques à des courbes féminines vieillissantes, dont l’humour n’est pas sans générer un certain malaise. Cet accueil apparait très vite comme annonciateur de l’ambiance intérieure.

Dans les quatre pièces du pavillon, des moulages de membres inférieurs de femmes – à partir du bas dos – interagissent avec du mobilier. Jambes repliées sur une tables, chevauchant une cuvette renversée ou appuyée à une commode, elles supportent des orifices, vagins ou anus, nicotinomanes et « clope au bec ». Curieuse synthèse que ce mélange du fantasme de la femme-meuble rencontrée dans Soleil vert, de la secrétaire dans l’imaginaire collectif et de la belle fumeuse comme ont pu l’être Bardot ou Liz Taylor… La satire, éminemment féministe, emploie ici un chemin rempli d’humour et de symboles efficaces. Exhibitionnisme choquant pour certain et univers percutant pour d’autres, je n’ai pour ma part jamais vu le thème de la femme-objet traité avec autant d’impact et de simplicité, qui sont pour moi les qualités absolument nécessaires d’un travail qui se veut politique.

Jaune joyeux et malsain, moulages bruts de corps aux imperfections visibles, visiteurs en position de voyeurs dominants soumis à une nudité qu’ils n’ont pas choisie : le cocktail est parfait pour une présentation mémorable d’engagement !

PAVILLON FRANÇAIS – Céleste Boursier-Mougenot


© Laurent Lecat

Le Pavillon Français a choisi de présenter pour cette occasion une installation-évènement intitulée Révolutions, conçue par l’artiste Céleste Bousier-Mougenot, représenté sur la scène parisienne par la Galerie Xippas, mainte fois citée sur JBMT.

L’espace du pavillon est pensé selon un plan centré : nous entrons sous des colonnades dans un espace carré, sous verrière, auquel sont reliés trois espaces aménagés de gradins de mousse – non pas pour s’asseoir, mais bien s’allonger. Au centre, un arbre sur une motte de terre, posé en équilibre au sol… jusqu’au moment où cette même motte s’actionne et entame alors, dans un très léger bruit de moteur, son parcours, qui se limitera à explorer avec lenteur l’espace central. Si ce premier mouvement en soi est spectaculaire et franchement poétique, le reste de la proposition nous invite surtout à adopter une attitude contemplative devant un spectacle qui, aussi amusant soit-il, invite avant tout au repos. La rassurante immobilité de la nature troublée par cette douce balade sur moteur hypnotise, comme le mouvement de bascule du pendule ou encore le petit tour en voiture qui endort.

Dehors, devant les marches du pavillon, deux confrères conifères effectuent leur propre danse et vivent une petite vie en dehors de la galerie, et prolongent ainsi la vision d’une nature qui dépasse ses propres limites et reste encore pleine de surprises pour qui la regarde vraiment.

PAVILLON ALLEMAND – Tobias Zielony, Hito Steyerl


Par Manuel Reinartz. Courtesy Hito Steyerl

Le pavillon allemand regroupe, en son établissement à l’architecture complexe, quatre propositions. Je ne souhaite pour ma part vous présenter que celles qui, à mon sens, ont atteint un niveau d’accomplissement supérieur.

D’abord, le travail de Tobias Zielony est le premier dans lequel nous pénétrons. Le projet est celui de la création d’un journal de presse, dont la thématique porte sur l’immigration, et associe photographies, témoignages et interviews. Le sujet, d’une actualité mordante, est une préoccupation de longue date en Allemagne. Pour le traiter, l’artiste adopte alors des attitudes de journaliste, reporter, enquêteur, et archiviste pour incarner à la perfection de nouveaux outils et savoir-faire mobilisés par la création plastique contemporaine. En apparence, la limite entre création éditoriale et muséale est faible, et la dimension documentaire de ce travail n’est pas sans rappeler une démarche de photo-reporter plutôt que de plasticien, mais c’est en l’accrochage et le soin porté à l’édition de cet unique numéro (sans nom) qu’il est possible de trouver la rupture. Son tirage à de nombreux exemplaires garantit sa très large diffusion dans la masse des spectateurs.

L’autre œuvre que je souhaite vous présenter est une création de Hito Steyerl, intitulée Factory of the sun. Il s’agit d’une projection vidéo dans un espace évoquant très clairement le monde numérique dépeint notamment par Tron : l’espace est divisé en unités cubiques, dont seules les arêtes bleues brillantes permettent de se retrouver dans le noir. Les transats sont disposés devant un écran sur lequel est projetée une vidéo. Celle-ci évoque alors de multiples éléments audiovisuels liés à la culture populaire : vous êtes le joueur d’un jeu vidéo, mais s’agit-il d’un jeu de danse ou d’un jeu de guerre ?

Vous apprendrez à manipuler une arme comme à danser sur Happy de Pharell Williams, en suivant des avatars humains ou dessinés dans un style manga ou 3D. Le jeu bascule quand la danse d’initiation se transforme en clip-vidéo où le danseur démultiplié, torse nu ou en combinaison dorée, s’agite sur un fond de miroirs brisés ou de formes géométriques colorées. La musique électronique couronne cette ensemble voué au kitsch, en emmenant le spectateur dans ce qui évoque à la fois la Matrice et les années 1990. Le résultat, incertain et indéfinissable, séduit de façon quasi-unanime, sans doute par l’intérêt qu’il porte à une culture de masse, populaire, qu’il traite sans dédain mais avec cette volonté d’en proposer un usage moins normé, plus créatif et délirant.

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Biennale de Venise, jusqu’au 22 novembre 2015

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