Les 8 et 9 septembre derniers, sous la voûte étoilée de la grande salle du Grand Rex, se produisait le génial roi de l’indie : Sufjan Stevens. Il était de retour dans l’Hexagone après la tournée d’Age of Adz en 2011 et celle du side-project Planetarium avec Nico Mulhy et Bryce Dessner (The National) l’année suivante. Le public français l’attendait donc avec impatience. Une impatience accrue par la sortie de la pépite Carrie & Lowell, septième et bouleversant album, en mars dernier.
Nous étions au Grand Rex et nous voudrions vous le raconter. Toutefois, il est difficile de rendre compte de l’événement sans utiliser de superlatifs car il semble que la large majorité des spectateurs ait été frappée par le talent et la sensibilité de l’Américain. On a laissé l’enchantement s’évanouir, puis on a essayé de mettre des mots dessus et voilà ce que ça a donné…
L’auteur-compositeur-interprète-magicien n’est pas seul en scène et il faut saluer d’abord les musiciens dont il s’entoure et qui participent amplement à la magie du concert. Parmi ceux qui ont joué au côté de Sufjan Stevens, on peut citer Annie Clark (St Vincent), Shara Worden (My Brightest Diamond) ou encore David Michael Stith (DM Stith). Cette fois-ci, c’est Dawn Landes et un excellent guitariste-choriste dont on n’a pas trouvé le nom qui amènent leurs pierres à l’édifice. Nico Mulhy a également fait quelques apparitions en special guest sur la scène parisienne.
Nous nous sommes donc pressés, le premier soir, parmi une foule de connaisseurs dont l’excitation était à son comble, sous les travées du cinéma parisien. Vissés sur nos sièges et très impatients, nous avons écouté Madisen Ward & Mama Bear, la première partie « Americana » qui flirtait avec le folk et la country délivrées par la sincérité cumulée d’une mère et de son fils.
Devant les écrans hexagonaux qui diffuseront des archives personnelles du chanteur et des images de sa chère Amérique, et sous les lumières travaillées, Sufjan Stevens, vêtu d’un t-shirt The National, entre en scène pour dérouler entièrement son intime et touchant nouvel album, piqué par des incontournables de sa discographie.
C’est avec « Redford (For Yia-Yia & Pappou) », extrait de Michigan, que Sufjan Stevens a ouvert son set qui fut tout en délicatesse et en émotion. S’en sont suivies les très belles « Death With Dignity » et « Should Have Known Better ». Si le chanteur a commis quelques erreurs et a utilisé un vocodeur (nous on aime bien), l’alchimie de ces morceaux n’en a en rien pâti, au contraire. On a continué à frissonner, suspendus aux lèvres de Sufjan pendant les émouvantes « Dawn to the Blood », « All of Me Wants All of You » et « Eugene ». Nous étions, entre silence attentif et vacarme enthousiaste, entrés dans l’intimité du songwriter qui nous racontait son enfance, ses souvenirs de vacances dans l’Oregon, la disparition de sa mère et la difficulté du deuil.
« John My Beloved », « The Only Thing » et « Fourth of July » nous ont tiré des soupirs et des larmes. L’enchainement live des morceaux du nouvel album, quasiment dans leur ordre originaire, souligne l’unité et l’harmonie du disque qui pourrait bien être le meilleur qu’ait sorti notre génie chéri. L’apogée fut atteinte avec « No Shade in the Shadow of the Cross » et « Carrie & Lowell », titre éponyme qui rassemble le prénom de la mère de Sufjan Stevens et celui de son beau-père. Emotion.
S’immiscèrent ensuite les morceaux « The Owl and the Tanager », extrait de l’EP All Delighted People, et « Vesuvius » tiré de Age of Adz, accompagné de petits dance moves dont Sufjan a le secret. On est alors sorti de ce cocon tissé par le dernier album pour terminer sur le final ambient assez incroyable de « Blue Bucket of Gold » au milieu d’un déluge de son et de lumière que la version enregistrée ne laissait pas vraiment présager. Enfin, tonnerre d’applaudissements.
Après un long et tonitruant rappel du Grand Rex unanimement debout et battant des mains, le groupe remonte sur scène pour jouer une sélection des plus jolis et sensibles morceaux de la discographie du songwriter.
Pour la première fois depuis le début du concert, Sufjan Stevens adressa quelques mots pleins d’amour au public. Notre petit cœur était tout gonflé de mignonicités, prêt à exploser avec les premières notes de « Concerning the UFO Sighting Near Highland, Illinois ». Nous n’avons pas boudé notre plaisir lorsque le groupe a enchainé « Heirloom », « Futile Devices », « John Wayne Gacy, Jr. » et « To Be Alone With You », livrant ainsi un formidable panorama des précédents albums de l’artiste.
Le concert s’est clôt sur l’incontournable « Chicago » que le public a repris en cœur ; pas de confettis cette fois-ci mais une réelle communion dans l’émotion. On en est sortis bouleversés, abasourdis et rêveurs.
Le second soir s’est déroulé sans nous mais avec Mina Tindle qui assurait la première partie. Les chanceux qui y étaient ont pu entendre « Sister », « In the Devil’s Territory », « Casimir Pulaski Day » et vivre ou revivre les deux heures d’un set désarmant et captivant. La rareté des apparitions européennes de Sufjan Stevens a fait de ces deux soirs, des concerts événements et qui pour beaucoup seront leur concert de l’année (oui, oui, rien que ça). On en garde précieusement tous les souvenirs puisqu’on n’est pas certain de revoir le magicien de l’indie de sitôt. D’ici là, on s’écoute encore et encore et encore et encore Carrie & Lowell…
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