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Pierre Chabert

Par Jperino @Jonoripe

Vive Internet !

Je cherchais depuis pas mal de temps un poème que j'avais lu jadis intitulé : Araras et Borroros. En 2008, à l’occasion de cent ans de Claude Lévi-Strauss, j’ai commis ici une note sur sa fameuse phrase « Les Bororos disent qu’ils sont des araras. »

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On a glosé pendant des années sur cette mystérieuse affirmation faite à CLS par des Bororos, une tribu d'Amazonie, qu'il étudiait. Ceci jusqu’à ce que l'on interroge à nouveau des bororos. On a alors découvert que les femmes bororos aimait avoir chez elles des araras (perroquets) et que les hommes par dérision et avec humour disaient aux ethnologues* de passage qu’ils étaient des araras.

On pourrait même dire que tous les hommes mariés sont des araras qui vivent chez leur femme.

Voici le poème en question qui est de Pierre Chabert dont le fils mathématicien a eu la bonne idée de mettre quelques œuvres de son père sur le net. Merci à lui. Texte tiré du bestiaire de Pierre Chabert intitulé « Les sales bêtes » dont on peut penser qu’il a été écrit pendant la période où les ethnologues noircissaient des tonnes de papier sur la phrase rapporté par CLS dans Tristes Tropiques.

Araras et Bororos.

Les Bororos disent qu'ils sont des araras, mais il est évident que les araras ne sont pas, ne seront jamais de Bororos. Les Bororos sontà la foisararas et Bororos, mais les araras sont seulement araras, et ne sauraienten aucun casêtre pris pour des Bororos, ce qui choquerait même et d'abord les Bororos. Qu'on se le tienne pour dit. En effet, si les araras étaient inconditionnellement des Bororos, il n'y aurait plus de différence entre Bororos et araras, et l'on ne comprendrait pas qu'il y eût deux termes : il suffirait de parler, c'est clair, d'araras ou de Bororos. Cruauté inacceptable à l'égard de l'espèce qui serait ainsi rejetée dans l'inexistence, et ne saurait où se tenir et comment se présenter. D'ailleurs, on n'a jamais trop de mots, et c'est un crime véritable que d'en proscrire quelqu'un. De plus, quand les Bororos affirment qu'ils sont des araras, ils sous-entendent qu'ils possèdent, en plus de leur nature première, une nature seconde et comme une double nationalité. Cela se voit en politique. Il est difficile de justifier une propriété telle que celle qui nous occupe, et pourtant cela est. Il faut admettre que les araras sont bloqués, au lieu que les Bororos, comme disait le père Teilhard de Chardin, ont passé le seuil de la réflexion, et se sont à la fois repliés sur eux-mêmes, et comme démultipliés. Bororos, ils sentent en eux l'arara pelotonné, et lui donnent une tendresse particulière. Mais il reste que celui-ci est bien démuni, en sa pauvre nature emplumée, en face du profond et religieux Bororo, du grand, du puissant Bororo, du Guerrier vêtu de son souffle, et qui s'accroît éternellement.

* à propos d'ethnologue on se souvient du proverbe bantou cité par Vialatte : Il n'y a pas de bas morceaux dans le gros ethnologue


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