Lorsque j'ai écrit
La Préfecturej'étais dans un véritable état de haine et de colère où la stupéfaction d'un système m'imposait une réponse: écris et meurs. L'obligation de dire ce qui ne devait être, sans prétention ni morale, en étant juste assez convaincante pour déjà me convaincre moi-même. Mettre les mots et les sentiments, sans filtres. Je tiens d'emblée à dire que je ne tente pas de me présenter en écrivain accompli. Je n'ai écrit qu'une nouvelle, et elle a le mérite de traiter d'un sujet important. Je ne livre pas ici une sorte de résumé de poncifs ou d'auteurs consacrés sur un livre à succès mais juste mettre en ligne un témoignage sur le moment de cette nouvelle, au cas où (au cas où quoi?!)Le moment de la haine a duré le temps de la rédaction, ce qui est perceptible à la lecture de la nouvelle. D'ailleurs, de nombreuses connaissances ont avoué ne pas m'avoir reconnue à la lecture de cette nouvelle si personnelle et donc si franche. Je n'aime pas mentir. Si je ne peux dire la vérité, je me tais. Et si je me tais, et que ce que je tais est grave, alors mon mutisme n'est que provisoire. La littérature doit toujours dire la vérité. Cependant, quelque chose a quelque peu gêné dans cette nouvelle, où plutôt surpris, quelque chose qui m'a un peu embrassé en écrivant : cette franchise, déjà déclamée. Je suis vraie en écrivant certes, mais peut-être aussi que je me révèle plus en écrivant. Je suis face à moi-même, mes parents sont loin et personne ne me lit, je peux donc tout à mon aise m'exprimer, et là j'oublie les codes que je m'applique pourtant à respecter dans la vie (Ô mon Dieu, j'essaie!).Parler de "pets", de "diarrhée"? Dire les réalités d'une jeune femme en règles? Maya Angelou sort de ce corps! Lorsque j'ai découvert cette auteure et poétesse, je n'en revenais pas de tant d'audace. J'étais subjuguée et je remerciais Dieu que je n'ai pas rencontré une femme aussi sensible et franche qui aurait aimé étaler ma vie dans ses livres, très autobiographiques. Maya Angelou dit tout, de sa sexualité à ses béatifications de militante et ses désappointements. J'étais irritée qu'elle nous dise autant juste pour écrire un livre. Je mettais ensuite cela dans une longue tradition d'écrivains afro-américains qui avaient une tendance à l'épanchement. Toi Dericotte acheva...de m'achever. Quoi ? S'autoriser à décrire les sentiments personnels et les hontes, et les larmes, et les vomis d'une vie intime? (et les fleurs, et les kiwis, et les Hello Kitty, si vous voulez).Répandre les douleurs du corps, de l'intime? Dire tout franchement, parce qu'on sait que quelque part, quelqu'un attend ce livre, cette histoire, cet article? Dire ce que tout le monde vit sans pourtant avoir le courage de le dire. Mais voilà. J'ai lu Maya Angelou et Toi Dericotte après avoir publié La Préfecture. Et pourtant, je me retrouvais dans ce que certaines personnes ont pu dire après avoir lu cette nouvelle:"mais comment peut-elle le dire?"Je les trouvais osées et en même temps je sentais que leurs écrits me donnaient une permission, un quitus. Elles me disaient mon style et ma manière. Qu'il soit bien clair que je ne me compare pas ici à ces monstres littéraires (surtout pour Maya Angelou). Je tente juste de dire le rapport que j'ai pu trouver entre leur franchise et la mienne, et comment j'ai finalement un peu cerné ma manière d'écrire (pour l'instant). En lisant certains retours sur cette nouvelle, j'ai eu peur d'Internet. J'ai eu peur de ce que parfois le livre que l'on a accouché peut devenir soudain le livre d'un lecteur, selon sa perception, proche ou éloignée. J'ai un style, dit on, et on ne sait comment le définir. Ma mère était raffinée, et elle l'est toujours; mais pour définir les choses elle était crue, et drôle. Elle avait une tendance à la dérision qui me faisait rire une fois les gronderies passées. Voilà sans doute l'incipit. Le reste est de nature, et les cartoons que j'aime encore n'ont rien amélioré. J'ai une culture de l'animation, des B.D classiques et d'un patchwork d'oeuvres américaines, allemandes, anglaises et africaines. Je n'ai qu'une culture cosmopolite et je m'en sors comme je peux. La nouvelle était donc ce mélange et cette quête de soi. La nouvelle La Préfectureest une oeuvre qui me touche, car elle ne me concerne pas uniquement. Je ne l'ai pas écrite centrée sur ma personne; j'avais à coeur la dénonciation, et me figurais un ami lecteur. Dans le livre je demande que faire, moi une jeune femme de 25 ans et d'un mètres cinquante-neuf (qui a figé le temps à cet âge), et je me suis rendue compte que publier était ma réponse. Écrire. Publier. Être lue. Finalement. Mais être aussi analysée.Pour en revenir à Maya Angelou et à Toi Dericotte, elles me disaient que l'oeuvre qui libère, guérit, est celle qui est vraie. Lorsqu'on écrit non pas pour plaire mais pour se trouver soi-même et aider quelqu'un (voilà qu'elle nous fait sa Mahatma?)J'ai donc écrit en moins d'une heure cette nouvelle de 14 pages qui est pour moi une sorte de déclaration : " Ici est ma façon d'écrire et mon style".Ou aussi une manière d'analyser les choses en fille de son temps? Je ne perçois et ne percevrais jamais les choses comme la génération de mes parents. Il y a chez les digital natives et les fils de la génération Facebook, quelque chose d'étonnement désinvolte, libre et crue. Non, je ne veux pas choquer, je ne fais pas dans ce fond de commerce. C'est juste que c'est comme ça que les lignes se sont remplies de ce râle, de cette dénonciation non préméditée. C'est juste que je m'écrivais à moi même et à une personne semblable et que j'ai envoyé le tapuscrit à la minute sans relire. Je crois au premier jet. Je crois qu'il y a quelque chose de plus vrai que toutes les retouches que l'on pourrait rajouter après, après que les lectures des proches et les peurs de 'paraître' tel qu'on se connaît n'arrivent et ne nous fassent changer le fond et la forme.Chers amis, cette nouvelle c'est bien moi. Je suis celle qui parle et qui sent et qui ironise. Ne tentez pas de trouver une erreur, où une manière d'être uniquement réservée au moment où j'écris parce que j'écris comme je suis. Si vous ne l'avez pas vu, c'est peut-être que l'on ne se connaît pas bien.Pénélope Zang Mba