Johannes ou Jan Van Der Meer, dit Vermeer, baptisé à Delft le 31 octobre 1632, et inhumé dans cette même ville le 15 décembre 1675, est un peintre baroque néerlandais (Provinces-Unies).
Vermeer n'est réellement mis en lumière que dans la deuxième moitié du XIXe siècle, à partir du moment où le critique d'art et journaliste français Théophile Thoré-Burger lui consacre une série d'articles. Dès lors, sa réputation ne cesse de s'amplifier. Ses tableaux font l'objet d'une véritable traque, rendue plus vive encore par leur rareté, et attirant la convoitise des faussaires. Vermeer est aujourd'hui placé, avec Rembrandt et Frans Hals, au rang des maîtres du Siècle d'Or néerlandais.
Vermeer reste essentiellement connu pour ses scènes de genre. Celles-ci présentent, dans un style qui conjugue mystère et familiarité, perfection formelle et profondeur poétique, des intérieurs et scènes de la vie domestique, pour figurer un monde plus parfait que celui dont il a pu être le témoin. Ces œuvres de la maturité présentent une cohérence qui les rend immédiatement reconnaissables, et qui se fonde notamment sur des associations de couleurs inimitables — avec une prédilection pour l'outremer naturel et le jaune —, une grande maîtrise du traitement de la lumière et de l'espace, et la combinaison d'éléments restreints, récurrents d'un tableau à l'autre.
On connaît peu de choses de la vie de Vermeer. Il semble avoir entièrement été dévoué à son art dans la ville de Delft. Les seules informations à son sujet proviennent de certains registres, de quelques documents officiels et de commentaires d’autres artistes ; c’est pour cette raison que Thoré-Bürger le surnomme, quand il le redécouvre en 1866, le « Sphinx de Delft ». En 1989, l'économiste de formation John Michael Montias, après avoir publié une étude socio-économique sur le marché de l'art dans la ville de Delft au XVIIe siècle, entreprend d'écrire une biographie de Vermeer à partir de ses études antérieures et d'un patient travail de recherche d'archives : Vermeer and His Milieu: A Web of Social History redonne ainsi du relief à la personne du peintre, en apportant des éclairages essentiels sur sa vie et l'histoire sociale de son temps.
L'acte de baptême de « Joannis » Vermeer est dressé à Delft le 31 octobre 1632, dans le milieu réformé protestant. Son prénom renvoie à la version latinisée, et christianisée, du prénom néerlandais Jan. Mais Vermeer n'utilisa jamais la signature de Jan, lui préférant systématiquement la version latine plus raffinée de Johannes.
Le père de Vermeer, Reynier Janszoon, a d'abord été désigné à Delft sous le patronyme de Vos (« le renard » en hollandais). Il tiendra d'ailleurs, à la fin des années 1630, l'auberge De Vliegende Vos (Le Renard volant). À partir de 1640, pour une raison qui demeure obscure, il prend, à la suite de son frère, le nom de « van der Meer » (« du Lac » en hollandais) — le Ver de Vermeer étant en fait la contraction, dans certains patronymes néerlandais, de van der.
En 1611, à l’âge de 20 ans, Reynier Janszoon est envoyé par son père à Amsterdam pour y apprendre le métier de tisserand. Il y épouse, en 1615, Digna Baltens. Le couple quitte Amsterdam pour Delft, où ils auront deux enfants : une fille, Geertruyt, née en 1620, et Johannes, né en 1632.
Reynier Jansz exerce plusieurs activités de front. Conformément à sa formation, il est maître tisserand. Son fils a dû être marqué par une enfance passée au milieu des pièces d'étoffe et des rouleaux de soie de toutes les couleurs, comme en témoignent les tapis utilisés comme nappes et les rideaux qui abondent dans les intérieurs de son œuvre.
À partir de 1625, Reynier Jansz devient également aubergiste. Il s'endette lourdement en 1641 pour acheter une deuxième auberge. Il est également marchand d'art, ce qui va sûrement de pair avec celle d'aubergiste, la taverne facilitant les rencontres et le négoce entre artistes et amateurs. Le 13 octobre 1631, il rejoint à ce titre la guilde de Saint-Luc de Delft. A sa mort en 1652, il laisse sa famille dans une situation ruineuse, avec plus de dettes que d'actifs...
On suppose que le jeune Johannes entame vers la fin des années 1640 un apprentissage de peintre, puisqu'il est admis comme maître à la guilde le 29 décembre 1653 et qu’il faut pour cela avoir suivi une formation de quatre à six ans chez un maître reconnu. Plusieurs hypothèses ont donc été avancées, aucune n'étant confirmée.
Les connaissances familiales plaident en faveur de Leonard Bramer (1596-1674), un des peintres les plus en vue à Delft à cette époque, dont le nom apparaît notamment sur une déposition de la mère de Vermeer, et qui jouera un rôle non négligeable en 1653 dans la conclusion de son mariage avec Catharina Bolnes. Autres artistes delftois figurant dans l'entourage de la famille : le peintre de natures mortes Evert Van Aelst ou encore Gerard Ter Borch, qui signe avec Vermeer un acte notarié en 1653. Cependant, les différences stylistiques importantes entre le premier Vermeer et ces peintres rendent la parenté hasardeuse.
La manière de ses premières œuvres, des peintures d’Histoire de grands formats, fait plutôt penser à celle de peintres d'Amsterdam comme Jacob Van Loo (1614-1670), ou Erasme Quellin (1607-1678). Mais ces résurgences ne prouvent rien, et peuvent s'expliquer simplement par un voyage de Vermeer à Amsterdam pour s'inspirer des meilleurs peintres du moment.
On a également évoqué avec insistance, surtout au XIXe siècle, le nom de l'un des élèves les plus doués de Rembrandt, Carel Fabritius(1622-1654), arrivé à Delft en 1650. En effet, les tableaux de celui-ci ne sont pas sans parenté avec certaines œuvres de jeunesse de Vermeer. De plus, après sa mort en 1654, une oraison funèbre fait de Vermeer son seul digne successeur. Toutefois, cette filiation artistique ne vaut pas pour preuve, d'autant plus que Fabritius n'est enregistré à la guilde de Saint-Luc — condition sine qua non pour prendre des apprentis — qu'en octobre 1652, ce qui met largement à mal l'idée selon laquelle il aurait pu avoir Vermeer comme élève.
Ses tableaux de jeunesse sont également marqués par l'influence de l’Ecole caravagesque d'Utrecht. L'hypothèse d'un maître à Utrecht, et au premier chef d'entre eux Abraham Bloemaert (1564-1661), pourrait être étayée par des raisons étrangères à la peinture, car Bloemaert faisait partie de la future belle-famille de Johannes, et était catholique comme elle. Cela pourrait expliquer, non seulement comment Vermeer, issu d'une famille calviniste moyenne, put rencontrer et demander en mariage Catharina Bolnes, d'une famille catholique très aisée, mais aussi pourquoi il se convertit au catholicisme à l'âge de vingt ans, entre ses fiançailles et son mariage.
La fragilité de chacune de ces hypothèses, et surtout la capacité de synthèse de l'art de Vermeer, qui semble avoir rapidement assimilé les influences des autres peintres pour trouver sa manière propre, doivent donc inciter à la plus grande prudence sur la question de sa formation.
Le 5 avril 1653, Johannes fait enregistrer devant notaire son intention d’épouser Catharina Bolnes, une catholique aisée (riche famille de marchands de briques de Gouda). Cependant, que ce soit pour des raisons financières, la situation de Vermeer étant de fait plus que précaire, ou pour des raisons d'ordre religieux, puisqu'il avait reçu une éducation protestante, le mariage se heurte dans un premier temps aux réticences de la future belle-mère, qui ne sont levées qu'après l'intervention du peintre catholique, et proche de Vermeer, Leonard Bramer. On pense généralement que Johannes s'est entre-temps converti au catholicisme, pour lever les réticences de sa future belle-mère. Le 20 avril, le mariage est conclu et le couple s'installe d'abord un temps au Mechelen, l'auberge héritée du père.
Il semble que Vermeer se soit rapidement et profondément intégré au milieu catholique de sa belle-famille, à une époque où le catholicisme constitue une minorité marginalisée dans les Provinces-Unies, juste tolérée. Les offices religieux sont célébrés dans des églises clandestines et ceux qui se disent catholiques se voient notamment interdire l'accès aux postes d’administration des villes ou gouvernementaux.
Peu après leur mariage, Johannes et Catharina emménagent chez Maria Thins, la mère de Catharina, qui s'est séparée de son mari violent. Ils connaissent, grâce à son aide financière, une période de relative prospérité. Le couple aura, semble-t-il, onze enfants, dont quatre sont morts en bas âge. Ce nombre d'enfants, assez exceptionnel dans la Hollande du XVIIe siècle, devait constituer une charge considérable pour la famille, et explique peut-être le prêt qu'il se voit obligé de demander en novembre 1657.
Peu d'œuvres témoignent d'un écart aussi radical avec la biographie de l'artiste, le monde représenté dans ses tableaux étant totalement étranger aux réalités de son quotidien, à tel point qu'on a pu le considérer comme une échappatoire. Alors que la maison est encombrée de lits et de berceaux, ses scènes de genre ne représentent jamais d'enfants. Et l'atmosphère paisible et sereine de ses intérieurs contraste de manière frappante avec un environnement que l'on imagine bruyant, troublé en outre par des incidents violents. Le frère de Catherine sera en effet interné pour violences envers sa soeur.
Le 29 décembre 1653, Johannes Vermeer entre dans la guilde de Saint-Luc de Delft. D’après les archives de la corporation, il y est inscrit sans s’acquitter immédiatement des droits d’admission en usage, sans doute parce que sa situation financière d'alors ne le lui permet pas. Cela lui permet néanmoins d'exercer librement son art à son compte, de poursuivre le négoce de tableaux de son père, et de prendre des élèves — même s'il semble n'en avoir eu aucun au cours de sa carrière. Cependant, il se considère avant tout comme peintre, comme en témoigne la profession qu'il choisit de mentionner systématiquement sur les documents officiels.
Signe de la reconnaissance de ses pairs, il est élu à la tête de la guilde de Saint-Luc en 1662, à l'âge de trente ans et est reconduit dans ses fonctions l'année suivante Il connaîtra le même honneur une seconde fois, en 1672.
Il semble par ailleurs avoir été apprécié en qualité d’expert. En mai 1672, il fait partie du groupe de trente-cinq peintres chargés d'authentifier à La Haye la collection de douze toiles vendues à Frédéric Guillaume, Grand Électeur de Brandenbourg
On suppose que Vermeer peint plus pour des particuliers plutôt que pour le grand public du marché libre de l’art. Deux commanditaires se détachent tout particulièrement. Outre le boulanger van Buyten, on a mis en évidence le rôle essentiel joué par Pieter Claesz Van Ruijven, un percepteur fortuné de Delft, avec qui Vermeer entretient des liens amicaux et qui lui consent, en 1657, un prêt de 200 florins. Le fait que Van Ruijven, un mécène provincial, ait acquis la plus grande part de la production de Vermeer, pourrait expliquer pourquoi la réputation de l'artiste, pourtant tout à fait flatteuse à Delft, ne s'est pas davantage propagée au-delà de sa ville de son vivant, ni même après sa disparition en 1675.
En 1672, les Provinces-Unies sont frappées par une grave crise économique, consécutive à la double attaque du pays, par l’armée française de Louis XIV (guerre de Hollande), et par la flotte anglaise, alliée aux principautés de Cologne et Münster (troisième gurre anglo-néerlandaise). Dans le but de protéger Amsterdam, les terres avoisinantes sont inondées. Maria Thins perd ainsi durablement les revenus de ses fermes et domaines situés près de Schoonhoven. Le marché de l’art subit tout naturellement un arrêt brutal. Dans ce contexte désastreux, et afin de pouvoir continuer à nourrir sa nombreuse famille, Vermeer est contraint de se rendre à Amsterdam en juillet 1675 pour emprunter la somme de 1000 florins.
Cette succession de revers financiers, accentués peut-être aussi par la mort de son mécène Van Ruijven en 1674, précipite sa mort. Affligé, déprimé par les dépenses occasionnées, il s'affaiblit et perd la santé. Il meurt en 1675, laissant sa femme et ses enfants encore à charge aux abois, criblés de dettes.
En haut à gauche : portrait supposé de l'artiste, par lui-même
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