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Marguerite de Xavier Giannoli

Publié le 23 septembre 2015 par Picotcamille @PicotCamille

Ma Mamie ne sort pas souvent, elle est reine en sa demeure et rarement s'intéresse à ce qu'il y a dehors. Mais ma Mamie aime le cinéma et de temps en temps, elle sort de sa tanière pour voir un film avec ma mère. En de but de semaine, j'étais là-bas, alors nous sommes allées voir Marguerite à trois.

La Baronne Marguerite Dumont a une passion, l'opéra. Elle dépense son argent en partitions, costumes et accessoires issus des plus grands spectacles. Le très dévoué majordome Madelbos lui sert de photographe. Et de temps en temps, Marguerite pousse la chansonnette pour ses amis du Cercle Amadeus, du chant lyrique qu'elle massacre de sa voix de casserole. Car Marguerite chante faux, mais personne ne lui a jamais dit.

Marguerite© Larry Horricks

Tout d'abord, Marguerite est conçu comme un opéra pour Diva. Le réalisateur souligne lui-même que les seconds rôles sont comme un orchestre autour de Catherine Frot. De même que le chemin de l'héroïne reprend (jusqu'au chapitrage) celui des grands rôles de l'Opéra. Rien que l'entrée en scène de Marguerite, puis de sa voix est orchestrée. Cela m'a fait penser à la Carmen avec Dorothy Dandridge. Je ne sais pas s'il en est de même dans l'opéra, mais je sais que c'est un ressort souvent utilisé (pas que dans l'opéra d'ailleurs) que de retarder l'arrivée du personnage ou événement principal. Avant que n'entre en scène tout l'intérêt du film (l'affreux chant de Marguerite), on nous présente les diverses personnages, leurs milieux et leurs liens. 

Tout le film est centré sur le personnage de Marguerite, largement inspirée de Florence Foster Jenkins. Chaque personnage n'interagit que par rapport à elle, cependant elle reste quand même très seule, comme enfermée dans une cage de verre. J'ai beaucoup aimé la sensibilité qui se dégage de se portrait de femme. Dans un premier temps, je pensais vraiment voir un film drôle, Marguerite est plus que ça. Loin de se satisfaire du côté "blague" d'une inconsciente qui chante faux en y mettant tout son cœur, le film nous renvoie aussi à l'hypocrisie et à la place de chacun.

Xavier Giannoli a d'abord voulu faire un film sur une femme et un homme "qui cherchent comment continuer à s'aimer". L'ambition de Marguerite est une sorte de révélateur, comme un caillou dans l'engrenage. Face à ce phénomène, les objectifs de chacun apparaissent. Et dès le premier chapitre, nous voyons tous les thèmes que cela entraîne. Parce que si Marguerite chante faux, c'est aussi avant tout une Baronne en 1920, sans enfant, qui se prend en photo en costume de Walkyrie et se donne en spectacle. Ce qui selon moi, est une sorte de déclaration féministe. Car le film est aussi l'histoire d'une femme qui refuse de subir pour agir.

"La vie, soit on la rêve, soit on l'accomplit."

  

Marguerite-2 © Larry Horricks

 J'ai adoré la première partie de ce film. Je trouve que le choix des acteurs est fabuleux. Catherine Frot est parfaitement à son aise. Et le fait de prendre des acteurs peu connu est une vrai bonne idée. J'avais déjà vu Sylvain Dieuaide et Michel Fau au théâtre, ils sont excellents dans ce film. Comme tous les autres acteurs. Mais, car il y a un "mais", je les trouve peu exploité. Car si tout tourne autour de Marguerite, les histoires des autres personnages sont peu approfondies. On a un début de quelque chose par-ci par-là et ça n'est pas creuser, et puis on repart sur autre chose. Ca aurait pu passer si la narration avait été uniquement du point de vue de Marguerite mais ce n'est pas le cas. A mon avis, ce sont des décisions au montage qui ont préféré se centrer sur Marguerite et du coup "cutter" les histoires annexes, ce qui donne ce coté "pas fini" aux autres personnages. Parce que les acteurs sont très bons. Notamment Sylvain Dieuaide, dont le spleen, je pense, naturel convient parfaitement à son personnage (mieux qu'au Roméo de Rabeux).

Et si j'ai adoré la première partie, j'ai beaucoup moins aimé la fin, à partir de l'hôpital, que j'ai trouvé "trop". C'est une maladie des films français de pousser le curseur trop loin en fin de film et de devenir absurde et malsain. On évite encore le pire d'un Tanguy avec Marguerite. Comme si toute la subtilité et l'intelligence du film c'était évanouit au dernier chapitre (mention spécial au plan putassier du sexe sur une table qu'on ne sait pas d'où il sort). Un peu comme si le film s'excusait de son héroïne, comme on s'excuse des propos racistes d'un oncle bourré en pleins repas de Noël à un nouveau copain qu'on ramène pour la première fois. C'est pas sa faute, il est gentil, il est juste saoul. C'est pas sa faute, elle est gentille, elle est juste folle.

Je me suis intéressée du coup à la page Wikipédia de Florence Foster Jenkins, pour savoir si c'était lié. Ce qui n'excuse pas cette affreuse fin mais au moins limiterait la casse. Et bien non. Même pas. Et c'est dommage, parce que le film côtoie souvent le remarquable et tombe dans les affres de la faute de goût sur la fin.

Par exemple, revenons au sujet qui intéressait Giannoli; celui d'une homme et d'une femme qui cherchent comment continuer à s'aimer. Au début du film, c'est subtilement suggéré par le fait que Marguerite chante pour son mari, qu'elle s'inquiète de savoir où il est, etc. Puis viens ce moment grossier digne d'un mauvais téléfilm de l'après-midi où c'est au moment où il la regarde qu'elle sera "sauvée". C'est complètement idiot.

En conclusion, Marguerite est comme un délicieux plat avec quelques cheveux laissé dedans et qui finit par vous donner envie de vomir. Mais à la base c'est un délicieux plat. Il aurait juste fallu s'arrêter avant...

Voici d'autres critiques: Le blog Slate, Abus de ciné, La Plume et L'image, Critikat avec un avis plutôt complètement négatif et Le Temps plutôt équitable. 


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