"Car enfin, de quoi s’agit-il dans cette lutte à mort,
sinon précisément du pouvoir ? "
Pour une première au théâtre, c'est un coup de maître ! A la Comédie-Française, salle Richelieu, le cinéaste Arnaud Desplechin met en scène Père d'August Srindberg.Un face à face magistral entre Michel Vuillermoz et Anne Kessler.
Le dramaturge suédois nous fait pénétrer dans l'intimité d'un couple qui se déchire. Le "père" dont il est question est capitaine dans l'armée. Scientifique et rationnel, il veut soustraire sa fille à la nuée de femmes bigotes qui peuplent son logis - nourrice, domestiques, mère et grand-mère - et, pour cela, souhaite l'envoyer étudier à la ville. Laura, la mère de l'adolescente, s'y refuse et veut la garder auprès d'elle. Cette divergence va virer à l'affrontement. Duel à fleuret mouché au départ, l'opposition va rapidement prendre un tour dramatique. Pour parvenir à ses fins, Laura tisse autour de son époux un piège inextricable, instillant en lui le doute sur sa paternité et le faisant passer pour fou.
Au fond l'éducation de l'enfant n'est qu'un prétexte dans cette lutte à mort. Il y a dans le combat de Laura une part de féminisme, à une époque où les maris donnent à leur femme de l'argent de poche et où le "pater familias" est omnipotent. Dans son combat, Laura va aller loin, trop loin, déployant un machiavélisme qui semble la dépasser au final. Anne Kessler est, une fois de plus, remarquable de justesse. Le ton posé mais ferme dans les premières scènes, elle laisse éclater fureur, rage et sanglots par la suite. Face à elle, Michel Vuillermoz est tout aussi excellent.
La mise en scène d'Arnaud Desplechin nous séduit. Il parvient à créer une atmosphère étouffante. Un huis-clos, dans une bibliothèque aux rayonnages chargés, où tout semble n'être que souffrance. On ressent physiquement un sentiment d'oppression, renforcé par une bande son très travaillée, avec en permanence une musique en sourdine permanente. On aura tout de même eu du mal, les premières minutes, à supporter un bourdonnement discret mais continu. Qu'importe ce détail, ce Père ouvre superbement la saison salle Richelieu.
Père d'August Strindberg, texte français Arthur Adamov, mise en scène Arnaud Desplechin. Avec la troupe de la Comédie-Française : Martine Chevallier, Thierry Hancisse, Anne Kessler, Alexandre Pavloff, Michel Vuillermoz, Pierre Louis-Calixte, Claire de La Rüe du Can et Laurent Robert (élève-comédien). A la Comédie-Française, salle Richelieu, jusqu'au 4 janvier 2016 (en alternance).
Réservations au 01 44 58 15 15 Durée : 1h55.