Mais pour le moment je voudrais vous parler d'une autre pâte, celle dont on fait le papier, ce qui est assez "raccord" avec le billet du début du mois expliquant comment on fabrique les crayons.
La région d'Ambert était l'une des toutes premières à produire du papier en France dès le début du XIV° siècle. Dans un un hameau enfoui dans la verdure et dont certains bâtiments remontent au XV° siècle, j'ai eu l'occasion de visiter cet été le dernier témoin de ce que fut le berceau de la papeterie française.
Nous sommes dans la verdoyante vallée de Laga, fraiche en soirée même par temps de canicule. Le moulin Richard de Bas est le dernier moulin à papier d'Auvergne. C'est ce qu'on appelle un "musée vivant" parce qu'il est encore en pleine activité. Il emploie une dizaine de personnes à l'année, sans compter els saisonniers. On peut voir la feuille de papier naitre sous nos yeux, comme au premier temps de cette industrie, en 1326. On y produit encore aujourd'hui 200 feuilles par jour, destinées aux éditeurs, artistes et amoureux du beau papier.
Cette roue actionne "l’arbre à cames", dont la finalité est de produire un mouvement de va-et-vient à une, ou plusieurs masses. Cet arbre est un tronc de sapin d'une dizaine de mètres de longueur avec des cames rapportées, elles aussi en bois, qui sont régulièrement arrosées pour qu'elles ne se détachent pas. Ces morceaux de bois, en tournant, actionnent chacun une pile qui fonctionne comme un marteau et écrase le chiffon mélangé à l’eau.
Avec l'été et la récolte des fleurs dans les jardins, c'est le papier à inclusions florales qui s'impose, haut en couleurs et en diversité. Le papier à fleurs permet l'impression de poèmes, de faire-part, de menus à l'occasion de fêtes, mais aussi la réalisation d'abat-jour.
Pendant les mois de juillet et août, si vous avez de la chance, les bouquetières disposeront devant vous les compositions florales sur les feuilles. La production n'excède alors pas une dizaine de feuilles par jour tant les créations requièrent minutie et délicatesse. Les compositions florales sont des oeuvres uniques destinées à l'encadrement telles quelles pour le plaisir des yeux. Marque-pages et cartes de correspondance sont également réalisées. Il peut y avoir parfois des ateliers de composition florale proposés aux visiteurs.
On peut acheter des feuilles vierges ou des reproductions à la fin de la visite, comme ce poème de Paul verlaine ou le Serment d'Hippocrate.
Dans le passé la centaine de moulins de la région a contribué à fournir en papier l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert pendant plusieurs années au XVIII° pour le tirage des gravures.
Le papier du moulin Richard de Bas a également servie à l'exemplaire unique de la Constitution de la V° République Française de 19658, ou encore des diplômes de Prix Nobel, ainsi que bien d'autres éditions prestigieuses.
L'ancienne demeure du dernier maitre papetier ayant vécu au Moulin est également une visite intéressante, à laquelle je vous convierai dans quelques jours. A cette occasion vous voyagerez à travers les siècles et les continents pour connaitre l'histoire du papier inventé il y a pratiquement 2000 ans ... en Chine, ce qui en fait une invention récente en quelque sorte.
Moulin Richard de Bas, Musée historique du papier
63600 Ambert d'Auvergne04 73 82 03 11