Avoir le VIH et être mère

Publié le 22 septembre 2015 par Raymond Viger

Delphine Caubet: Depuis quand as-tu le VIH et comment l’as-tu contracté?
Alexandra: Je l’ai contracté en 2006, alors que j’avais 27 ans. À cette époque, j’utilisais des drogues injectables et je faisais le travail du sexe. Mais je faisais vraiment attention pour ne pas attraper de maladies.
En même temps, je fréquentais un homme… il ne m’a pas dit être séropositif. C’est comme ça que j’ai contracté le VIH, en ayant des relations sexuelles avec mon conjoint.

DC: Qu’est-ce que cela a changé dans ta vie?
A: J’ai appris que j’avais le VIH alors que j’étais à l’urgence pour un abcès. L’infirmière me l’a dit froidement et est repartie. Je n’ai eu aucun support sur le moment. Je ne connaissais rien de la maladie, je savais juste que j’allais mourir.

Les 6 mois suivants ont été une catastrophe et je me foutais de tout. J’utilisais, entre autres, des seringues usagées d’autres séropositifs…

À cette époque, ma charge virale était très haute et j’étais sur le point de basculer au stade sida. J’ai été admise à l’hôpital et c’est ce qui a fait que j’allume. J’ai été déconnectée de tout et une infirmière m’a aidée à comprendre et à faire des démarches pour m’en sortir.

Depuis tout va bien! Je travaille dans 2 organismes d’intervention. Un pour les toxicomanes et un autre pour les travailleuses du sexe. Et c’est mon vécu qui fait que je suis efficace dans mon travail. Je peux les comprendre et ne pas essayer de sauver la planète entière. J’y vais par étape, comme ça a été le cas pour moi.

DC: Est-ce qu’être séropositive interfère avec ton travail?
A: Non pas vraiment. J’ai juste des rendez-vous chez le médecin, mais je préviens à l’avance et ça ne pose pas de problème. Mais je travaille dans le communautaire aussi.

Avant cela, je travaillais dans une boutique de vêtements. Mes collègues savaient que j’étais séropositive et cela ne les a pas dérangés.

DC: Comment l’annoncer à un amant?
A: Mon conjoint actuel savait que j’avais le VIH avant de me courtiser. Lui est séronégatif. Mais avant lui, cela s’est bien passé. J’ai toujours prévenu avant d’avoir des relations et en général on me répondait: «Ben y a les condoms!»

Une seule fois cela a posé problème. Un ami m’avait conseillé ne pas informer l’homme que je fréquentais et je lui ai dit que le lendemain que j’étais séropositive. Il a capoté! Il est parti direct l’urgence et quand il a vu que l’infirmière lui faisait une prise de sang sans gant, il a réalisé qu’il avait peut-être réagi de façon exagérée. Il ne connaissait pas les risques, alors qu’on s’était protégé.

Depuis je le dis dès les premières rencontres et dans toutes mes relations. Que se soit en amitié, en amour ou autres. Et il faut le faire la tête haute.

DC: Comment envisages-tu la maternité?
A: Avant je pensais ne pas vouloir d’enfant. Mais depuis que je suis avec mon chum, je pense autrement. Pour lui, c’est vraiment important!

Pour la conception, comme ma charge virale est très basse, cela va se faire normalement. Je vais juste me faire suivre par un médecin et mon accouchement devrait être par voie naturelle.

À la naissance, l’enfant aura un traitement préventif à la trithérapie pendant quelques semaines. C’est tout. La seule chose que je ne pourrai pas faire, c’est l’allaiter. Après je serai comme toutes les mères, et s’il se blesse je pourrai lui poser son pansement par exemple.

DC: Comment sont les services pour les femmes séropositives?
A: Il se fait peu de choses pour les femmes! J’ai appris que je ne pouvais pas allaiter dans un livre pour queer, alors que je ne le suis pas!

Je comprends qu’il faille cibler les populations à risque comme les HARSAH (hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes), mais les femmes aussi sont touchées.

Mais il y a de l’espoir, en 2015, les choses commencent à changer et on parle davantage des femmes.

Responsabilité légale

Le droit canadien ne donne pas une réponse claire si les personnes séropositives doivent divulguer ou non leur état de santé à leurs partenaires sexuels.

Selon un jugement de la Cour suprême du Canada, les séropositifs ont l’obligation juridique de divulguer leur état de santé à leurs partenaires avant d’avoir des rapports à «risque important».

Il est possible d’être reconnu coupable d’une infraction criminelle si ont lieu des rapports à «risque important» de transmission, sans divulguer au partenaire. Des poursuites judiciaires pourraient avoir lieu même si le partenaire sexuel n’a pas contracté le VIH, car il a été exposé à un risque sans en avoir conscience.

Le point épineux est de déterminer ce qu’est un «risque important». Des personnes séropositives avec une charge virale indétectable ont déjà été disculpées d’accusations par le passé. L’utilisation de condom en est élément essentiel.

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