Hier, avant de se faire remonter les bretelles par pépère, Emmanuel Macron mettait en cause le statut de fonctionnaire. Avant-hier, Nicolas Sarkozy, dans une interview au Parisien, disait vouloir supprimer les RTT des cadres. Ma colère est forte contre ces deux individus. Mon billet aurait dû être consacré au dernier mais j'ai deux mots à toucher à l'autre. Commençons par lui.
Tu vois, Manu, ce n'est pas idéologie que je défends le statut en question mais parce qu'il est inscrit dans les textes que pour bosser pour les collectivités, il faut faire en concours et que ce concours te permet d'entrée dans la fonction publique jusqu'à ta retraite bien méritée. Le périmètre de la fonction publique s'est considérablement réduit au cours des trente ou quarante dernières années avec les privatisations mais aussi le changement de statut de certaines grosses entreprises comme la Poste et la SNCF. Progressivement, au fil du départ à la retraite des fonctionnaires, elles embauchent des braves gens, comme moi, avec un CDI de " droit privé ". En outre, tu sembles confondre les membres de ton cabinet, les dirigeants de Bercy mais tu ne devrais pas oublier les infirmières, les enseignants et tous les autres. Enfin, je te rappelle que si tu as été nommé à ce poste, c'est parce qu'un président et des députés ont été élus par le peuple de gauche et ils ont suffisamment chaud aux fesses comme cela pour que tu en rajoutes. Si tu veux rejoindre le camp d'en face, tu peux.
Mais occupons-nous de Nicolas Sarkozy.
Tu vois, Nicolas, ce n'est pas par idéologie que je défends ici les RTT des cadres et, d'ailleurs, ne parlons d'idéologie que quelques secondes. Tu es pour le " travailler plus ", tu es de droite. Je suis pour le partage du travail, je suis de gauche et basta.
Tu sais ce qu'ils te disent, les cadres ?
Ils te disent tout d'abord que ta manie d'opposer les gens les uns aux autres commence à bien faire. Tu crois que les employés vont voter pour toi parce que tu tapes sur les cadres. Ce n'est pas un peu fini, ces méthodes.
Ils te disent ensuite qu'ils ont un contrat avec un employeur. Le mien m'a dit, lors de mon embauche : dites, cher monsieur, au cours de séances de travail avec les représentants des salariés, il nous a paru consensuel qu'un cadre de votre niveau travaille 210 jours par an. En conséquence, je vous propose tel salaire. J'ai dit " OK " et nous avons signé un contrat de travail.
Tu vois, je rigole bien. Si tu commences à vouloir casser les contrats par la loi, tu vas te foutre les libéraux à dos et les gauchistes ne vont rien comprendre.
Quand la bonne Mme Martine a fait les 35 heures, elle a dit aux entreprises : bon, vos gugusses travailleront moins et, en compensation, vous paierez moins de cotisations. Cela a marché (et a permis la création de 350000 emplois mais j'ai dit qu'on ne parlerait pas d'idéologie). La baisse des cotisations permet la création d'emploi. C'est fou, non ? Ce n'est pas baisser les cotisations que tu voulais faire ? Et si tu augmentes le temps de travail des cadres, tu raugmentes les cotisations ?
Ils te disent aussi que ces 10 jours de congés qu'ils ont en plus leurs sont bien utiles. Pour ma part, ils me permettent de prendre des week-ends de trois jours quand je vais voir ma mère, toutes les trois semaines en Bretagne.
Ils te disent aussi que ces RTT servent également à se reposer parce que, quand tu es cadres, tu es soumis à un certain stress et la fatigue qui en découle ne peut pas se résoudre uniquement avec du sommeil.
Tiens ! S'il y avait une réforme à faire, ça serait de supprimer progressivement ce statut de cadre. Progressivement, parce qu'on ne va pas revenir sur les contrats de travail en cours mais il conviendrait de ne pas confondre la notion de manager et celle de cadre. Le manager (vous pouvez trouver un meilleur mot mais " cadre " est déjà pris et " chef " sert à autre chose...) est celui qui a du monde sous sa responsabilité dans l'entreprise : il gère l'avancement, valide les congés, les notes de frais et tout cela (le " chef " quant à lui a une responsabilité opérationnelle mais pas nécessairement hiérarchique, comme, chez nous, dans l'informatique, les " chefs de projet "). Pourquoi je te dis ça, moi ? Parce que je n'ai jamais demandé à être cadre. J'ai demandé un salaire contre un temps de travail et mon employeur a accepté parce qu'il m'a fait confiance et savait que j'avais quelques compétences.
Ils te disent aussi de leur foutre la paix. S'ils ont besoin d'un arsenal législatif, c'est pour les défendre, pour empêcher les patrons à les obliger à traiter leurs mails le soir et pendant les vacances. Et comme les cadres sont consciencieux, ils traitent leurs mails pendant leurs RTT parce que s'ils veulent conserver leur emploi, il faut que l'entreprise tourne.
Fous nous la paix. Nous autres, cadres, on sait probablement plus que toi ce qu'il faut pour que notre entreprise fonctionne. Désolé de te renvoyer cet argument à la gueule, souvent envoyé à celle des élus de gauche par les types de droite.