Les éditions Gallimard publient dans leur collection Poésie / Gallimard Toute personne qui tombe a des ailes, (poèmes 1942-1967 ) d’Ingeborg Bachmann. Édition bilingue, introduction et traduction de l’allemand (Autriche) par Françoise Rétif.
Tombe, cœur
Tombe, cœur, de l’arbre du temps,
tombez, feuilles, des branches refroidies,
que le soleil enlaçait jadis,
tombez, comme des larmes tombent de l’œil dilaté !
Si vole encore la boucle au vent des jours entiers
autour du front hâlé du dieu des champs,
déjà le poing sous la chemise presse
la blessure béante.
ainsi sois dur, quand le dos tendre des nuages
se penche une fois encore vers toi,
ne fais nul cas des rayons de miel que l’Hymette
emplit pour toi encore une fois.
Car peu vaut au paysan un brin de chaume dans la sécheresse,
peu vaut un été au regard de la grandeur du genre humain.
t de quoi donc ton cœur témoigne-t-il ?
Entre hier et demain il oscille,
silencieux, étranger,
et sonne en battant
sa chute hors du temps.
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Fall ab, Herz
Fall ab, Herz vom Baum der Zeit,
fallt, ihr Blätter, aus den erkalteten Ästen,
die einst die Sonne umarmt',
fallt, wie Tränen fallen aus dem geweiteten Aug!
Fliegt noch die Locke taglang im Wind
um des Landgotts gebräunte Stirn,
unter dem Hemd preßt die Faust
schon die klaffende Wunde.
Drum sei hart, wenn der zarte Rücken der Wolken
sich dir einmal noch beugt,
nimm es für nichts, wenn der Hymettos die Waben
noch einmal dir füllt.
Denn wenig gilt dem Landmann ein Halm in der Dürre,
wenig ein Sommer vor unserem großen Geschlecht.
Und was bezeugt schon dein Herz?
Zwischen gestern und morgen schwingt es,
lautlos und fremd,
und was es schlägt,
ist schon sein Fall aus der Zeit.
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Tous les jours
La guerre n’est plus déclarée,
mais poursuivie. L’inouï
est devenu quotidien. Le héros
reste loin des combats. Le faible
a rejoint la zone du front.
L’uniforme des jours est la patience,
la décoration, la misérable étoile
de l’espérance au-dessus du cœur.
Elle est remise
lorsque plus rien n’arrive,
lorsque le feu roulant se tait,
lorsque l’ennemi est devenu invisible
et que l’ombre de l’éternel réarmement
couvre le ciel.
Elle est remise
pour désertion devant l’étendard,
pour témérité devant l’ami
pour trahison d’indignes secrets
et non-exécution
de tout ordre.
Alle Tage
Der Krieg wird nicht mehr erklärt,
sondern fortgesetzt. Das Unerhörte
ist alltäglich geworden. Der Held
bleibt den Kämpfen fern. Der Schwache
ist in die Feuerzonen gerückt.
Die Uniform des Tages ist die Geduld,
die Auszeichnung der armselige Stern
der Hoffnung über dem Herzen.
Er wird verliehen,
wenn nichts mehr geschieht,
wenn das Trommelfeuer verstummt,
wenn der Feind unsichtbar geworden ist
und der Schatten ewiger Rüstung
den Himmel bedeckt.
Er wird verliehen
für die Flucht von den Fahnen,
für die Tapferkeit vor dem Freund,
für den Verrat unwürdiger Geheimnisse
und die Nichtachtung
jeglichen Befehls.
Ingeborg Bachmann, Toute personne qui tombe a des ailes (Poèmes 1942-1967), édition, introduction et traduction de l’allemand (Autriche) par Françoise R2tif. Edition bilingue. Poésie / Gallimard, 2015, n° , pp. 134/135 et 168/169.
Ingeborg Bachmann dans Poezibao :
bio-bibliographie, extrait 1, extrait 2, extrait 3, extrait 4, Lettres à Felician, note de lecture, extrait 5, extrait 6 (avec renvoi à Monumenta), extrait 7 (La Bohême est…), dossier Françoise Rétif : 1. introduction et présentation , 2. Quatre poèmes , 3. « Chants en fuite » , 4. Nouvelle série de poèmes , 5. Fin du dossier et PDF téléchargeable