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[Direct-to-Vidéo] Danbé, la tête haute : Indignez-vous, mais avec dignité !

Par Rémy Boeringer @eltcherillo

[Direct-to-Vidéo] Danbé, la tête haute : Indignez-vous, mais avec dignité !

Danbé, la tête haute est une de ces petites perles dont on s’étonne vraiment que le marché de la distribution ne lui ai promis qu’une sortie en vidéo (chez Zilo, le 2 juin 2015). Le cinquième long-métrage de Bourlem Guerdjou, diffusé sur le petit écran par Arté, passe très largement au-dessus de la masse informe de téléfilm poussifs, souvent réactionnaires sans en avoir l’air et identiques, avec lesquels on nous viole régulièrement les pupilles (comme le désastreux Jusqu’au dernier). Les acteurs sont formidables de sincérité et d’émotion. En ce sens, Danbé la tête haute mérite amplement la récompense de meilleur téléfilm de 2014 qu’il a reçu au Festival de la Rochelle.

Danbé, la tête haute, retrace le parcours d’Aya Cissoko (Médina Diarra/Assa Sylla/Annabelle Lengronne) qui d’un foyer pour émigré de Ménilmontant à Science-Po Paris va trouver sa voie malgré l’adversité à travers sa passion pour la boxe.

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Danbé, la tête haute est un film biographique, inspiré par l’autobiographie co-écrite par Aya Cissoko et Marie Desplechin, scénariste de Le voyage en Arménie de Robert Guédiguian. Avec juste ce qu’il faut de sérieux et de traitement dramatique, Guerdjou offre surtout le portrait plein d’humanité et d’espoir, très digne, d’une enfant de l’immigration malienne qui fait de sa rage légitime un atout pour l’avenir. Danbé qui signifie Dignité est la valeur conductrice de sa vie, inculquée par se mère. Il s’agit, non pas de renoncer mais de ne pas donner à l’adversité le plaisir de constater nos faiblesses. C’est une posture, certes, mais une posture de combat. Élevée par sa mère mais éduquée dans le système français, Aya va devoir trouver sa place entre les traditions maliennes et son pays d’adoption. Il n’est guère question ici d’assimilation mais bel et bien de métissage culturel. Le choc des cultures n’est qu’un fantasme permettant d’établir et de lâcher aux chiens des boucs émissaires. Là où il y a volonté de vivre ensemble, les cultures s’enrichissent. C’est ainsi qu’Aya, championne de France de savate amateur en 1999 et 2003 puis championne d’Europe et du monde de boxe anglaise en 2006, mettra le « danbé » à l’honneur au sein de son sport.

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Danbé, la tête haute est empreint de cette dignité. L’essentiel de l’émotion, qui nous submerge souvent, n’est pas fondée sur les injustices que va subir sa famille mais essentiellement sur les rapports à la fois conflictuelles et remplis d’amour d’une mère et de sa fille. Les trois actrices jouant Aya Cissoko (Médina Diarra/Assa Sylla/Annabelle Lengronne) à trois époques de sa vie sont impressionnantes de cohésion avec la comédiennes incarnant sa mère Massiré Cissoko (Tatiana Rojo). Le jeu des regards qui en disent plus long que les plus beaux discours arrivent à nous tirer des larmes. Tandis que sa mère se bat pour la justice après l’incendie criminel raciste qui a provoqué la mort de son mari et de sa plus jeune fille, malgré l’avis de sa communauté, Aya canalise sa haine par le sport sans comprendre l’entêtement de sa mère. A travers celui-ci, le long-métrage éclaire sans pathos mais avec une lucidité acerbe le cynisme des marchands de sommeil, le racisme ordinaire, la justice à deux vitesses et le parcours exemplaire d’une mère courage loin des clichés éhontés que véhicule une extrème-droite malsaine et manipulatrice sur les immigrés venus voler le pain des français.

[Direct-to-Vidéo] Danbé, la tête haute : Indignez-vous, mais avec dignité !

Danbé, la tête haute, c’est l’histoire d’une héroïne ordinaire. Si l’on ne connaissait pas le parcours d’Aya Cissoko, on pourrait croire à une simple fiction. Le récit organisé autour du combat, du courage et de la dignité ne place pas pour autant le personnage sur un piédestal. Le long-métrage de Bourlem Guerdjou sonne avant tout comme un hommage à l’humilité. Parce que le combat simple, primordial, essentiel dans lequel résonne des problématiques plus profondes, sociales et politiques, d’Aya Cissoko, vu à travers ses yeux d’enfants puis d’adolescente, devrait être le combat de chacun. Surement parmi les meilleurs films de l’année, on le placera volontiers dans le top cinéma 2015.

Boeringer Rémy

Pour voir la bande-annonce :


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