Au début était le troc. Dans une opération comme cela, point n’était besoin de fixer un prix ni d’avoir de la monnaie. Dans un troc, chacun des acteurs estimait la valeur du bien qu’il voulait échanger, estimée en fonction du service rendu et, lorsque les acteurs étaient d’accord sur la valeur des biens, l’échange avait lieu. Le troc suppose la simultanéité pour les deux acteurs de l’achat et de la vente. L’apparition de la monnaie a supprimé cette simultanéité, les actes de vente et d’achat pouvant être différés dans le temps. Lorsqu’un des acteurs reçoit de la monnaie en échange de son produit, il peut différer son acte d’achat dans le temps. Ceci a été la première grande innovation dans le commerce. Mais ceci suppose que l’acteur vendeur décide du prix de vente de son produit sans avoir à rechercher un consensus direct avec un acheteur potentiel. La seconde innovation du commerce est d’avoir basé la fixation du prix sur la loi de l’offre et de la demande. Plus la demande est importante, plus le prix monte. Plus le prix descend, plus la demande augmente. Cela est du au fait que l’offre de produit est insuffisante pour satisfaire la demande de tous les acheteurs potentiels. Sans insister davantage sur ces deux principes du commerce, interrogeons nous sur ses conséquences. La désolidarisation de l’acte d’achat et de vente pose aux acteurs la question de savoir comment se procurer la monnaie d’échange. Les acteurs se partagent alors en deux catégories : ceux qui produisent et ceux qui vendent leur force de travail, c’est-à-dire les entrepreneurs et les salariés. La société, dans son ensemble, ayant une croissance démographique, doit donc produire et acheter en quantité croissante. C’est le début de la croissance économique. La création de la monnaie a eu une autre conséquence, celle d’ouvrir le choix des actes d’achats aux différents produits proposés par les fabricants. L’achat de survie est alors remplacé par l’achat de désir qui devient un étalon de mesure de la position sociale. La course à l’argent devient la source principale de la croissance. L’innovation devient, quant à elle, un facteur important de la production et de la vente. Se créé alors un cercle « bénéfique » : innovation, demande croissante, production croissante, croissance économique, enrichissement des acteurs, demande croissante. On entend aujourd’hui des voix s’élever pour prôner une société sans croissance. C’est-à-dire une société où l’enchainement vertueux ci-dessus serait arrêté. La question se pose alors de savoir ce qui doit être supprimé dans ce processus pour l’arrêter : L’innovation, c’est-à-dire la recherche et développement ? L’adéquation de l’offre et de la demande ? Faut-il trouver le moyen de supprimer l’achat de désir ? On saisit mal ce que serait une telle société. L’expérience montre à l’envi que la croissance faible ou nulle entraîne une augmentation massive du chômage. Alors, que veut-on : décroissance et chômage ?