Quatrième de couverture :
Oconee, comté rural des Appalaches du Sud, années cinquante.
Une terre jadis arrachée aux Indiens Cherokee et qui bientôt sera définitivement enlevée à ses habitants: la compagnie d’électricité Carolina Power rachète peu à peu tous les terrains de la vallée pour construire une retenue d’eau, un immense lac qui va recouvrir les fermes et les champs. Ironie du sort: une sécheresse terrible règne cet été-là, maïs et tabac grillent sur pied dans les champs arides.
Le shérif Will Alexander est le seul gars du coin à avoir fréquenté l’université, mais à quoi bon, quand il s’agit de retrouver un corps astucieusement dissimulé?
Car Holland Winchester a disparu. Il est mort, sa mère en est sûre, qui a entendu le coup de feu chez leur voisin. L’évidence et la conviction n’y font rien: pas de cadavre, pas de meurtre.
Sur fond de pays voué à la disparition, une histoire de jalousie et de vengeance, très noire et intense, sous forme d’un récit à cinq voix : le shérif, le voisin, la voisine, le fils et l’adjoint.
Il faut lire jusqu’au bout ce premier roman (encore un cette semaine, quel délice) construit sans faille pour goûter la richesse de son titre : Un pied au paradis recouvre plusieurs significations, concerne deux personnages du livre et est chargé du paradoxe entre le paradis et la vie infernale que mènent ses protagonistes, qui nous révèlent tour à tour les différentes facettes du drame qui se joue sous nos yeux.
Tout est affaire de coïncidences, d’un enchaînement de faits et de circonstances qui mènent au drame, à commencer par la grande Dépression de 1929 qui a marqué les personnages et les influence encore malgré le « grand nettoyage » de la deuxième guerre mondiale. Ensuite la guerre elle-même et l’épidémie de polio qui a touché tant de corps et estropié celui de Billy. Et il y a cette société rurale si religieuse, où tout le monde se connaît, se surveille, voire s’épie et cette obligation pour les femmes d’avoir des enfants pour être pleinement accomplie. On est dans les années 50 et le féminisme n’a manifestement pas encore atteint le comté d’Oconee, Caroline du Sud : difficile pour Amy et Billy de résister à la pression dans ce contexte, difficile pour le shérif Alexander de protéger son couple.
La nature elle-même s’y met, l’attachement à la terre, omniprésent, se fait lourd à vivre, passant d’un mois d’août caniculaire et d’une sécheresse mortelle à des pluies diluviennes.
Et puis ce roman est traversé d’échos, de ressemblances et de différences subtiles entre les personnages, écrasés par le poids des traditions, par la force des non-dits mais aussi par la toute-puissance de la Carolina Power qui les engloutira tous, qu’ils le veuillent ou on.
Un pied au paradis est un roman noir, âpre, dont la lecture m’a enfin permis de découvrir la voix de Ron Rash, un auteur que je retrouverai avec grand plaisir, c’est certain !
« Plutôt que le shérif Alexander, j’ai regardé la maison brûler. Je ne voulais pas regarder dans ses yeux, des yeux qui en avaient beaucoup trop vu. C’est ainsi qu’on doit devenir quand on on a pour boulot de s’occuper des trucs épouvantables qui arrivent aux autres, ai-je pensé. Un fermier attrape des cals aux mains. Un shérif les attrape au coeur. » (p. 221)
Ron RASH, Un pied au paradis, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Isabelle Reinharez, Editions du Masque, 2009
Plein d’avis (dont celui de Marilyne et Clarabel) sur Libfly
Et encore merci, ma bibli !
(Caroline du Sud)
Classé dans:Des Mots nord-américains Tagged: Caroline du Sud, Editions du Masque, Premier Roman, Ron Rash, Un pied au paradis