À ma caisse, une caissière d'à peu près 60 ans, franchement usée par le temps. Même le regard derrière les lunettes trahissaient une lassitude que le ton de voix lancinant secondait dans un sourire forcé:
"Voulez-vous donner 2$ pour le Club des Petits Déjeuners, Madame?"
Je révisais ce que l'amoureuse m'avait texté comme commande. Puis en lisant plus haut dans la conversation, je riais tout seul, en revisitant une autre conversation, plus tôt le même jour alors que j'étais en pause au travail.
"C'est quoi tes congés cette semaine? Je suis toute mêlée avec le jour férié, tes congés habituels sont tous bouleversés"
Moi:
Congés: Jeu/Ven
Parfois
Moi:
Elle:
Coudonc! à chaque fois que j'écris Parfois il écrit parfois!
Et me voilà, fatigue extrême aidant, en train de rire presqu'aux larmes pour vrai. De gros spasmes incontrôlables.
C'est que mon fils a emprunté le téléphone de sa mère, et en gredin qu'il est, est entré dans ses réglages de conversations en texto et a fait changer le mot "ok" par le mot "parfois". Chaque fois que l'amoureuse veut dire "ok" et qu'elle le tape, c'est le mot "parfois" qui apparaît.
La veille, la situation avait été plus cocasse encore.
Après que le beau-frère ait lancé une date et que ma mère et ma soeur ont tous deux confirmé que ça irait pour eux, quelqu'un nous as relancé en disant "...et les Jones de Montréal? ça vous va cette date?". Comme j'étais sur la route, je n'ai pas lu ça tout de suite. L'amoureuse, qui avait de toute façon le calendrier devant elle à la maison, a pris la relève en répondant:
"parfois"
Faisant exploser de rire mon fils qui avait oublié sa propre ruse sur le téléphone de sa mère et qui me l'expliquait en même temps.
"Bizarre c'était pas que ce j'avais écrit, mais ça nous convient aussi" a ensuite enchaîné l'amoureuse, confuse. Nous faisant rire davantage mon fils et moi.
"Voulez-vous donner 2$ pour Opération Enf...euh...le club des petits déjeuners?" a dit la caissière fatiguée devant nous.
Ce doit être atroce de répéter la même chose toute la journée. Comme une machine. Moi qui a en horreur la sollicitation, avec tous ces migrants en mode survie dans le monde, qui sollicitent un droit à la vie en Hongrie, en Allemagne ou en Serbie, force m'est d'admettre que la sollicitation n'a jamais autant occupé autant le haut du pavé.
"Voulez-vous donner 2$ pour le club des petits déjeuners?"
Le vieil homme à qui elle s'adressait portait des bas montés très haut sur le mollet, presqu'aux genoux. Note personnelle aux hommes: Des bas montés très haut sur une jambe, c'est très joli, voir sexy, sur une femme. Sur un homme, c'est 100% le contraire. C'est en partie pourquoi le soccer m'agresse. Juste au coup d'oeil.
""Voulez-vous donner 2$ pour les...pour les enfants..."
Oh! la machine commençait à s'enrayer. La pauvre caissière ne se forçait même plus pour clarifier sa sollicitation. Quand elle a proposé de donner des sous pour les enfants, la dame devant elle l'a regardée comme si elle tentait de lui voler quelque chose.
"Pas aujourd'hui madame" a répondu la cliente.
"La promo se terminera demain" a répondu du tac-au-tac la caissière aigrie.
"...alors je reviendrai demain" a répondu la cliente, un peu abruptement.
Ça m'a fait sourire.
Le client suivant, c'était moi. Devinez ce que j'ai répondu à la même question?
Ben oui, j'étais sur la fréquence de la conversation des textos, fatigue aidant toujours, j'ai spontanément répondu:
"...parfois..."
Le visage de la caissière s'est décomposé et après un temps pour encaisser ce qui semblait être un choc elle m'a dit:
"...et en ce moment?..."
"En ce moment je vous laisse un 20$ pour le club des petits déjeuners, tiens!"
...et j'ai rougi je crois en signant mon crédit d'impôts pendant que trop de têtes se tournaient vers moi.
Je suis timide...
...parfois.