Comme promis elle nous l’avait promis, notre amie FAT OWL m’a envoyé son commentaire sur le roman “LES CLANDESTINS” de Youssouf Amine Elalamy.
L’intérêt de sa contribution est double :
> elle prouve que la littérature marocaine a un certain écho, là où on ne l’attend pas.
> elle est d’une cruelle actuelle avec la médiatisation effrénée de la situation des “réfugiés” venus à travers l’Europe et qui plonge dans l’oubli les “clandestins” qui risquent leurs vie chaque jour en Méditerranée.
Je vous livres donc la contribution de Fat Olw en la remerciant très amicalement de son intérêt pour le Maroc et sa culture.
“J’ai trouve ce livre, l’un des rares auteurs marocains traduit en italien, cité sur un hebdomadaire: l’original français, Les Clandestins, est de 2000, la traduction italienne chez un petit éditeur génois est de cette année. Le choix de l’utilisation pour le titre italien “I migranti” d’un terme politiquement correct, je pense que correspond à la vague, d’une actualité brûlante, de la surprenante surprise avec laquelle l’Europe a découvert (ou feint de découvrir) ce qui se passe depuis des années de l’autre côté de la Méditerranée.
C’est un petit livre de 100 pages, qui j’ai lu d’un seul trait. Une écriture qui m’a rappelé le mouvement des vagues avec leur se briser sur le rivage. Parfois répétitive et lente, tantôt rapide et presque syncopée.
Sur la plage, dans un village au nord du Maroc, Bnidar (y a-t-il vraiment un Bnidar ?), on retrouve 13 corps de noyés: fils du village, leurs histoires se mêlent, mais pourquoi sont-ils partis, si même le bateau qui devait les mener au-delà de la mer semblait vouloir s’agripper au sable et refuser d’entrer dans l’eau? Ils ont payé le trafiquant tangérois 21.500 dirhams chacun et sont partis le 22 Avril, une nuit de dimanche. Le propriétaire du bateau, qui était d’abord un pêcheur, ne se sent pas responsable de leur mort, il ne fait que son travail.
Luafi dit La Ragazza parce qu’il avait les cheveux longs se brûlait pour être sûr d’exister, Momo Il Grosso espèrait que les vagues le rendaient léger, Jaafar dit Hollihud ne pouvait plus vivre derrière le mur construit pour cacher son bidonville, Abdù dit Mezzanotte envoyé enseigner dans une école qu’ils ont oublié de construire, Moulay Abslam Il Cantastorie doit chercher un endroit qui lui parle à nouveau, Anuar Il Cameriere au bec de lièvre, Sliman Il Disgraziato a perdu son emploi et Lbatul le trahit, Sharaf dit N’joum vendait l’herbe qui montre les étoiles, Salah dit Sbania voulait boire la mer pour arriver “au-delà”, Abid Il Corridore ne pouvait pas courir sur la mer, Ridwan Testa-al contrario compensait sa calvitie avec la barbe, Zouheir dit Il Muto n’a jamais parlé après la mort de son père, Shama fuit l’amour d’Omar pour l’amour de son fils qu’elle portait dans son ventre.
Le photographe espagnol Alvaro qui fixe des images froidement professionnelles et surtout Omar aux yeux bleus, fils de Zaynab rentrée au pays pour lui donner naissance et mourir, sont les témoins de toute l’affaire, qui se révèle en fait un livre ou peut-être un film, que ira continuer “E ancora per molto tempo. Fino a quando ci sarà un qui e un altrove. E il mare tra i due. Fino a che ci sarà un laggiù. Dall’altro lato del mare.”(Et pour longtemps. Tant qu’il y aura ici et d’ailleurs. Et la mer entre les deux. Tant qu’il y aura un là-bas. De l’autre côté de la mer). La mer est en fait l’un des protagonistes de cette histoire, l’ennemi et l’ami, la frontière et l’horizon, la mort et l’espoir.
Je ne l’ai pas lu l’original, mais il me semble que le traducteur a au moins rendu rythme et poésie. De l’auteur je connais ce que j’ai lu sur Wikipedia, je pense que je vais essayer de chercher ses autres livres.
Certains critiques ont comparé cette oeuvre aux Cannibales de Mahi Binebine: une autre raison de curiosité et de quête d’un autre livre … boulimie de lecture!”