L'ukiyo-e, terme japonais signifiant " image du monde flottant ", est un mouvement artistique japonais de l'époque d'Edo (1603-1868) comprenant non seulement une peinture populaire et narrative originale, mais aussi et surtout les estampes japonaises gravées sur bois.
Après des siècles de déliquescence du pouvoir central suivie de guerres civiles, le Japon connaît à cette époque, avec l'autorité désormais incontestée du shogunat Tokugawa, une ère de paix et de prospérité qui se traduit par la perte d'influence de l'aristocratie militaire des daimyos, et l'émergence d'une bourgeoisie urbaine et marchande. Cette évolution sociale et économique s'accompagne d'un changement des formes artistiques, avec la naissance de l'ukiyo-e et les techniques d'estampe permettant une reproduction sur papier peu coûteuse, bien loin des peintures telles que celles de l'aristocratique Kano.
Les thèmes de l'ukiyo-e sont également tout à fait nouveaux, car ils correspondent aux centres d'intérêt de la bourgeoisie : les jolies femmes et les oiran (courtisanes) célèbres, les shunga (scènes érotiques), le théâtre kabuki et les lutteurs de sumo, le Yokai (créatures fantastique), les egoyomi (calendriers) et les surimono (cartes de vœux), le spectacle de la nature et des meisho-e (lieux célèbres).
Alors qu'il passe au Japon pour vulgaire de par sa valorisation de sujets issus du quotidien et de sa publication de masse liée à la technique d'imprssion de l'estampe, ce genre connaît à la fin du XIXe siècle un grand succès auprès des Occidentaux. Après l'ouverture forcée par l'attaque des Américains et la signature du traité de la Convention de Kanagawa, le pays est obligé d'accepter le commerce avec monde occidental à partir de 1858. L'arrivée en grande quantité de ces estampes japonaises en Europe et la naissance du japonisme influencent alors fortement la peinture européenne et, en particulier, l'école de Pont-Aven avec Camille Pissaro, Paul Cézanne, Emile Bernard puis Paul Gauguin et les impressionnistes. Différents peintres de ces mouvances, notamment, Vincent Van Gogh, réinterpréterons certaines de ces estampes, ou s'en inspirerons.
Ukiyo, dans son sens ancien, est lourdement chargé de notions bouddhiques, avec des connotations mettant l'accent sur la réalité d'un monde où la seule chose certaine, c'est l'impermanence de toutes choses. C'est là pour les Japonais un très vieux concept qu'ils connaissent depuis l'époque de Heian (794-1185).
Ce mot empreint de résignation, les habitants d'Edo (ancien nom de Tokyo, et, avec eux, ceux d'Osaka et de Kyoto) le reprennent au XVIIe siècle en le détournant de son sens à une époque où leur ville connaît une remarquable expansion due à son statut nouveau de capitale ainsi qu'à la paix qui règne désormais.
Le terme ukiyo apparaît pour la première fois dans son sens actuel dans Les Contes du monde flottant ( Ukiyo monogatari), œuvre de Asai Ryoi parue vers 1665.
L'utilisation du mot " ukiyo pour qualifier les estampes et peintures de l'époque est difficile à interpréter pour les Occidentaux qui découvrent l' ukiyo-e dans la deuxième moitié du XIXe siècle : ses connotations, son ironie latente (il est chargé de religiosité alors qu'il désigne pourtant la vie bouillonnante) suscitent quelques interrogations. Edmont de Goncourt, amateur d'art japonais, s'efforce de les lever en posant la question à Hayashi, l'interprète japonais de l'Exposition universelle de 1878, qui deviendra l'un des grands pourvoyeurs de l'Occident en estampes. Celui-ci lui répond : votre traduction de ukiyo-e par l'école du monde vivant [...] ou de la vie telle qu'elle se passe sous nos yeux [...] rend exactement le sens ".
La transposition qui figure dans certains ouvrages français, Image de ce monde éphémère, paraît pertinente car rendant compte tout à la fois de la notion d'impermanence bouddhique et de l'insouciance d'une société en pleine mutation, attachée à décrire les plaisirs de la vie quotidienne telle qu'elle est.
Cette forme d'art connaît une grande popularité dans la culture métropolitaine d'Edo durant la seconde moitié du XVIIe siècle, naissant dans les années 1670 avec les travaux monochromes de Monorubu qui en fut le premier chef de file.
Initialement, les estampes sont exclusivement imprimées à l'encre de Chine ; plus tard, certaines estampes sont rehaussées de couleurs apposées à la main - ce qui reste coûteux - puis par impression à partir de blocs de bois portant les couleurs à imprimer, encore très peu nombreuses. Enfin, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, Harunobu met au point la technique d'impression polychrome.
Les ukiyo-e sont abordables financièrement car ils peuvent être reproduits en grande série (de l'ordre de quelques centaines, car après trois cents exemplaires environ, le bois s'émousse et les traits deviennent moins précis). Ils sont principalement destinés aux citadins qui ne sont généralement pas assez riches pour s'offrir une peinture originale. Ce développement de l' ukiyo-e s'accompagne de celui d'une littérature populaire. Le sujet initial des ukiyo-e est la vie urbaine, en particulier les scènes du quotidien dans le quartier des divertissements. De belles courtisanes, des sumotoris massifs, ainsi que des acteurs de kabuki populaires sont ainsi dépeints se livrant à des activités plaisantes pour l'œil. Par la suite, les paysages connaissent également le succès.
La démocratisation de l'art apportée par l'estampe ne va cependant pas sans quelques contreparties : l es sujets politiques et les personnages dépassant les strates les plus humbles de la société ne sont pas tolérés et n'apparaissent que très rarement. Bien que la sexualité n'y soit pas autorisée non plus, elle n'en est pas moins présente de façon récurrente. Les artistes et les éditeurs sont parfois punis pour la création de ces shunga au caractère sexuel explicite.
De façon plus anecdotique, mais très révélatrice de l'attitude des autorités envers le monde de l' ukiyo-e, les édits de censure interdisent, à partir de 1793, de faire figurer le nom des femmes sur les estampes qui les représentent, à la seule exception des courtisanes du Yoshiwara. Ce qui donnera lieu à un nouveau jeu intellectuel pour des artistes tels qu'Utamaro, qui continue à faire figurer le nom de l'intéressée... mais sous forme de rébus. Mais la censure réagit en interdisant dès lors de tels rébus.
Les ukiyo-e appartiennent à deux époques majeures de l'histoire du Japon : la période Edo, qui comprend les ukiyo-e des origines à environ 1867, puis (de façon beaucoup moins significative) l'ère Meiji qui se poursuit jusqu'en 1912. Dans son ensemble, la période Edo est plutôt calme, offrant ainsi un environnement idéal pour le développement de l'art sous une forme commerciale. L'ère Meiji, elle, se singularise par l'ouverture du Japon à l'Occident et le déclin de l' ukiyo-e traditionnelle, dans son style, ses sujets et ses techniques (arrivée de couleurs chimiques, par exemple).
Bien avant l'estampe japonaise telle que nous la connaissons au travers de l' ukiyo-e, existaient au Japon des gravures sur bois, réalisées selon une technique importée de Chine :
- ce furent d'abord des gravures sur bois d'origine bouddhiste, comportant des images sacrées et des textes. La toute première estampe imprimée au Japon est le Sutra du Lotus, réalisé par Koei et daté de 1225, pour le temple Kofuku-ji à Nara, l'ancienne capitale du Japon ;
- puis l'impression d'estampes, toujours de nature religieuse, se développe à Kyoto, la nouvelle capitale, du XIIIe siècle au XIVe siècle.
Les racines de l' ukiyo-e, elles, remontent à l'urbanisation de la fin du XVIe siècle qui favorise le développement d'une classe de marchands et d'artisans. Ces derniers commencent à écrire des fictions et à peindre des images rassemblées dans des ehon, " livres d'images " présentant des récits illustrés) ou des romans.
Au début, les ukiyo-e sont souvent utilisés pour illustrer ces livres, mais progressivement, ils s'en affranchissent grâce aux épreuves réalisées sur une feuille volante ichimai-e ou aux affiches gravées pour le théâtre kabuki. Les sources d'inspiration sont à l'origine les contes et les œuvres d'art chinois. Mais les plaisirs offerts par la capitale sont de plus en plus présents, et les guides touristiques, ceux du Yoshiwara par exemple, sont eux aussi populaires et largement répandus, puisque Moronobu édite son Guide de l'amour au Yoshiwara dès 1678 ; on voit même apparaître à la fin du XVIIIe siècle une véritable encyclopédie du monde des plaisirs, Le Grand Miroir de la voie de l'amour de Kizan Fujimoto.
L' ukiyo-e se développe peu à peu, au fur et à mesure que se révèlent de grands artistes. Le " découper " en périodes serait arbitraire ; en revanche, il est possible de regrouper les principaux artistes ayant permis les grandes étapes, chacune correspondant à un tournant : la création des " estampes de brocart " par Harunobu, par exemple, ou encore, l'apparition, dans un laps de temps finalement très bref, des trois artistes phares que furent Kiyonaga, Utamaro et Sharaku .
De même, isoler l'œuvre de Hiroshige, Hokusai, et leurs successeurs permet de mieux comprendre l'apparition de nouveaux sujets (les paysages), en relation avec l'influence de l'Occident.
Ces regroupements, cependant, doivent être considérés comme des courants, pouvant se chevaucher à un moment donné.
Viennent ensuite d'autres grands artistes, parmi lesquels on doit citer Kiyonobu (1664-1729), qui réalise de nombreux portraits d'acteurs de kabuki (son père était lui-même acteur). Si le genre de l' ukiyo-e s'est alors déjà bien imposé, subsistent encore quelques artistes en dehors de ce style. Le plus important, le plus intéressant surtout, est sans doute Hanabusa Itcho, par sa touche vivante, brillante et originale.
Masanobu (1686-1764), autre grand artiste de cette période, va introduire de nombreuses innovations techniques qui permettront à l' ukiyo-e d'évoluer, telles que la perspective à l'occidentale, le fond micacé (pailleté avec du mica), ou les estampes " laquées " pour leur donner du brillant. On le crédite même de l'idée fondamentale de ne plus apposer les couleurs à la main, mais de les imprimer au moyen de blocs de bois spécifiques, en faisant appel en particulier à deux couleurs complémentaires, le rose et le vert. Il aurait aussi, le premier, utilisé de nouveaux formats. Sur le plan stylistique, il fait d'autre part de nombreux portraits en pied de courtisanes, d'un style malgré tout différent de ceux que font les Kaigetsudo sur le même sujet.
Sukenobu, peintre de jolies femmes vêtues de somptueux kimonos, amorce une évolution vers des femmes moins majestueuses, plus menues. Ainsi s'amorce un changement important de l' ukiyo-e, puisque Sukenobu est probablement l'artiste qui a eu la plus grosse influence sur Harunobu. Dès cette époque, les " portraits de jolies femmes " ( bijin-ga) sont le sujet majeur de l'estampe ukiyo-e, qu'il s'agisse ou non de courtisanes.
Koryusai, ancien samouraï d'abord formé au style de l'école Kano, continue dans la veine de Harunobu, avant d'évoluer peu à peu vers un style plus personnel. De son côté, Buncho réalise lui aussi de fort belles estampes, mais dans un style encore trop proche de celui de Harunobu pour pouvoir être considéré comme novateur. Il est cependant l'un des plus talentueux parmi les héritiers directs de Harunobu.
Shunsho (1726-1793), lui, sait à la fois prolonger l'œuvre de Harunobu, tout en faisant rapidement évoluer l' ukiyo-e grâce à ses scènes de kabuki et à ses portraits d'acteurs, dans un style bien différent de celui de Kiyonobu, qui avait ouvert la voie au début du XVIIIe siècle. Ce style annonce celui de Shun'ei, et par conséquent, préfigure celui de Sharaku lui-même.
Très vite, dès 1780 environ, l'arrivée de Kiyonaga marque le début de " l'âge d'or " de l' ukiyo-e, qui se poursuit avec Utamaro et Sharaku, dont la maturité éclatante, presque baroque parfois, constitue un apogée, déjà peut-être aussi porteur des premiers signes d'une décadence.
L'entrée en scène de Kiyonaga ouvre une période de classicisme épanoui, d'équilibre, qui voit se multiplier des scènes très vivantes, que peignent aussi Utamaro, ou encore Shuncho. Elles montrent l'arrivée d'une civilisation des loisirs pour les Japonais les plus fortunés :
- promenades en bateau sur la Sumida ;
- embarquement pour une croisière nocturne, avec emport d'un panier-repas préparé par un restaurant ;
- excursions champêtres ;
- groupes de courtisanes avec leurs clients sur la terrasse des maisons vertes, surplombant d'admirables paysages ;
- chasse nocturne aux lucioles.
Kiyonaga innove de plusieurs points de vue : tout d'abord, il délaisse le petit format, favori de Harunobu, au profit du grand format, conduisant à des estampes d'un aspect moins intimiste. Plus encore, il introduit de grandes compositions assemblant plusieurs feuilles de grand format, pour créer des diptyques et même des triptyques ; l'idée sera reprise plus tard par Utamaro ainsi que par Hiroshige. Ces formats plus importants permettent à Kiyonaga d'y faire évoluer ces grandes femmes sveltes, souvent en groupe, si caractéristiques de son style.
Utamaro, de son côté, édite des séries de portraits " en gros plan " de jolies femmes et de courtisanes. Dans sa lignée s'inscrivent de nombreux artistes doués, tels que Eishi, issu d'une famille de samouraïs, et ses disciples Eisho, Eisui ou Eiri. Formé à la peinture classique avant de s'orienter vers l' ukiyo-e, Eishi illustre le genre tant par ses peintures que par ses estampes, qui mettent en scène de minces jeunes femmes d'une grâce patricienne.
Tant Utamaro que Sharaku ont recours à des formes d'estampe élaborées et luxueuses, faisant appel à de spectaculaires fonds micacés, ou enrichis de paillettes métalliques, poudre de laiton, pour imiter l'or, ou de cuivre, ainsi qu'à des techniques de gaufrage ou encore de lustrage par frottage sans encre du papier placé à l'envers sur la planche gravée.
Hokusai et Hiroshige sont les artistes dominants de l'époque. À la suite de l'étude de l'art européen, la perspective fait son apparition, Toyoharu s'attachant dès 1750 à en comprendre les principes, avant de les appliquer à l'estampe japonaise. D'autres idées se voient également reprises et assimilées et la représentation des paysages du Japon devient un sujet majeur.
Les œuvres de Katsushika Hokusai représentent surtout la nature et des paysages. Ses Trente-six vues du mont Fuji sont publiées à partir d'environ 1831.
La représentation de la vie quotidienne, croquée sur le vif, prend aussi une grande importance, comme en témoignent ses carnets où fleurissent les petites scènes en tous genres (acrobates et contorsionnistes, scènes de bain, petits métiers, animaux divers, etc.).
De son côté, Hiroshige multiplie lui aussi les croquis pris sur le vif dans ses carnets d'esquisses, où il fige les instants et les lieux dont la contemplation l'inspire particulièrement : on voit ainsi de petits personnages s'activer dans des paysages enchanteurs, souvent le long des rives d'un fleuve.
Lui et quelques autres créent de nombreuses estampes dont les motifs sont inspirés par la nature. Hiroshige, surtout, devient véritablement le chantre des paysages japonais, avec en particulier ses différentes Routes du Tokaido, hymne aux plus belles vues de la campagne sur la route reliant Tokyo et Kyoto.
Pendant l'ère Kaei (1848-1854), de nombreux navires étrangers arrivent au Japon. Les ukiyo-e de l'époque reflètent les changements culturels.
À la suite de la restauration Meiji en 1868, le Japon s'ouvre aux importations de l'Occident, notamment la photographie et les techniques d'imprimerie. Les couleurs naturelles issues de plantes utilisées dans les ukiyo-e sont remplacées par des teintes chimiques importées d'Allemagne.
Au XXe siècle, durant les périodes Taisho et Showa, l' ukiyo-e connaît une renaissance sous la forme des mouvements shin-hanga et sosaku hanga qui cherchent tous deux à se distinguer de la tradition d'un art commercial de masse. Ironiquement, le courant shin-hanga, littéralement " nouvelles épreuves ", est largement encouragé par les exportations vers les États-Unis d'Amérique. S'inspirant de l'impressionnisme européen, les artistes intègrent des éléments occidentaux tels que les jeux de lumière et l'expression de l'humeur personnelle, mais se concentrent sur des thèmes strictement traditionnels. Le principal éditeur est alors Watanabe Shozaburo à qui l'on attribue la création du mouvement. Parmi les artistes principaux, on peut citer Ito Shinsui et Kawase Hasui qui sont élevés au rang de " Trésors nationaux vivants " par le gouvernement japonais.
Le mouvement sosaku hanga (littéralement " estampe créative "), moins réputé, adopte une conception occidentale de l'art : l'estampe ne doit pas être le résultat du travail de plusieurs " artisans " (le dessinateur, le graveur, l'imprimeur), mais l'œuvre d'un " artiste " unique, à la fois peintre, graveur et imprimeur, maîtrisant l'ensemble du processus. Ce mouvement s'oppose donc à l' ukiyo-e traditionnel, où les différentes étapes - le dessin, la gravure, l'impression - sont séparées et exécutées par des personnes différentes et hautement spécialisées, dont l'éditeur est souvent le chef d'orchestre. Le mouvement est établi formellement avec la formation de la Société japonaise d'épreuves créatives en 1918 mais connaît cependant un succès commercial moindre que celui du shin hanga dont les collectionneurs occidentaux préfèrent l'aspect plus traditionnellement japonais. Produisant essentiellement des estampes produites à partir de gravure sur bois (comme pour l' ukiyo-e traditionnel), le sōsaku hanga s'intéresse peu à peu de plus en plus aux procédés occidentaux que sont la lithographie, l'eau-forte ou la sérigraphie, à partir de la fin des années 1950.
Des ukiyo-e sont toujours produits au XXIe siècle et demeurent une forme d'art influente, inspirant notamment les mangas et les dessins animés.
Principaux thèmesLes (" peintures de jolies femmes ") constituent l'un des grands genres de la peinture et de l'estampe japonaise, au centre de l'intérêt des artistes est sans doute le genre qui a le plus marqué l'estampe japonaise, plus que le Tous les grands noms de l' ukiyo-e. Il s'agit bien souvent du portrait de courtisanes célèbres nommément identifiées et célébrées pour leur beauté. C' kabuki, et plus que la représentation des paysages, qui ne s'est véritablement développée qu'au XIXe siècle. À la beauté de la femme, le ukiyo-e ou à peu près ont fait des portraits de bijin, à des degrés divers. bijin-ga associe celle de son kimono, dont la splendeur et le raffinement sont indissociables de l'attrait qu'elle exerce.
Les sont des estampes japonaises érotiques, de style L'âge d'or des Les Les plus grands artistes de l' ukiyo-e. shunga se situe dans l'Époque d'Edo, entre 1600 et 1868. Si ces estampes sont clandestines, elles n'en bénéficient pas moins d'une certaine complaisance de la part du pouvoir, puisque les estampes libertines shunga constituent très tôt une catégorie majeure au sein de l' ukiyo-e s'y sont essayés, parfois en abondance, sous forme d'estampes, permettant une large diffusion, mais aussi, quoique plus rarement, sous forme de peintures. ukiyo-e, jusqu'à en représenter une part essentielle les premiers temps, puisque, aux alentours de 1680, Sugimura Jihei, contemporain de Moronobu, leur consacre près des deux tiers de son œuvre. shunga ne seront saisies qu'une seule fois, en 1841.
Les e-goyomi, et plus tard, les qui leur succéderont, sont de luxueuses estampes de petit format faisant l'objet d'une commande privée de la part de riches particuliers. L'aisance des commanditaires permet de mettre en œuvre les techniques les plus coûteuses, ce qui conduit Harunobu à mettre au point et à populariser les " estampes de brocart ", les nishiki-e, à partir des e-goyomi dont il est le plus grand artiste. Ces e-goyomi ("images de calendrier") sont des calendriers sous forme d'estampes. Leur raison d'être se trouve dans la complexité du calendrier lunaire japonais, qui se traduit par le fait qu'à l'époque, les mois longs et les mois courts changent chaque année, sans aucune règle logique. Ces e-goyomi contournent le monopole d'état en cachant dans de luxueuses estampes, la liste des mois longs à venir.
À leur aspect purement utilitaire se mêlent des jeux de l'esprit : l'artiste doit dissimuler avec adresse les nombres indiquant les mois longs dans la composition. On les cache fréquemment dans les motifs géométriques de l'obi, la large ceinture, ou encore du kimono d'un des personnages féminins. Ensuite, l'artiste intègre également dans la composition des références cachées à la culture classique ou à des légendes extrême-orientales, dissimulées sous des parodies de la légende d'origine. Percer le double sens de ces calendriers constituait ainsi de plaisants défis pour les cercles littéraires.
À Edo, la capitale, après le " quartier réservé " du Yoshiwara et ses courtisanes, le théâtre de est l'autre grand pôle d'attirance pour les artistes de l'Leur intérêt pour le ukiyo-e. kabuki est d'autant plus grand qu'ils contribuent à la publicité des théâtres et à la notoriété des acteurs. Ces " images d'acteurs de kabuki " jouent un peu le rôle des " programmes " de théâtre ou d'opéra que l'on rencontre aujourd'hui, et certains d'entre eux commémorent non seulement un acteur, mais parfois une représentation précise de la pièce dans laquelle il jouait.
Parallèlement aux portraits d'acteurs, les lutteurs de sont également représentés : dès le XVIIe siècle, Moronubu illustre des livres sur le sumo, puis, plus tard, Buncho et Koryuasai font les premiers portraits de lutteurs.
Les maîtres de l'estampe de la fin du XVIIIe siècle, et surtout du XIXe, trouvent souvent leur inspiration dans des sujets tirés de l'observation de la nature (). C'est le cas d'Utamaro, avec, en particulier, trois œuvres majeures : Les Insectes choisis, de 1788, le Livre des oiseaux, de 1791, ainsi que le célèbre livre intitulé Souvenirs de la marée basse, de 1790 environ, sur les coquillages et les algues abandonnés par la mer. Un grand nombre de ces sujets sont regroupés sous le terme général d'" insectes ", qui inclut non seulement les insectes proprement dits, mais aussi les coquillages, les escargots, et autres grenouilles et bestioles des champs. Après Utamaro, Hokusai et Hiroshige consacrent tous deux une part importante de leur œuvre à la représentation des fleurs et des " insectes ".
Le thème du En effet, le fantastique japonais qui apparaît dans l' fantastique est très présent dans l' ukiyo-e s'appuie sur une riche tradition, au point que, selon celle-ci, lors des chaudes journées d'été, il convient de toujours placer une image de fantôme dans le tokonoma (petite alcôve où l'on expose une estampe), de façon à éprouver malgré la chaleur ambiante un plaisant frisson glacé... ukiyo-e : on le trouve chez Utamaro, ainsi que chez Hokusai, dans plusieurs estampes, mais aussi dans ses carnets de croquis. On le rencontre également chez Hiroshige, avec par exemple une réunion nocturne de renards surnaturels, accompagnés de feux follets sous un arbre dans les Cent vues d'Edo.
Les histoires de femmes bafouées qui reviennent hanter leur mari après leur mort, leur longue chevelure noire serpentant comme animée d'une vie propre, se retrouvent dans de nombreuses estampes. Kuniyoshi peuple les siennes de créatures et de thèmes fantastiques. Enfin, son élève Yoshitoshi, le dernier grand artiste ukiyo-e, multiplie les séries sur des thèmes fantastiques, avec ses Cent Histoires de Fantôme du Japon et de la Chine (1865-1866), et surtout avec son œuvre la plus connue, Cent Aspects de la Lune (1885-1892).
Avec l'assimilation progressive de la perspective de la peinture occidentale par les artistes japonais, à la fin du XVIIIe siècle d'abord, puis surtout au XIXe siècle, avec Hokusai et Hiroshige, l' ukiyo-e se dote de la technique nécessaire à la représentation des vues célèbres du Japon, le . L 'un et l'autre se lancent alors dans la réalisation de longues séries décrivant les plus beaux sites japonais.
Pour éviter toute confusion :
- il existe des œuvres ukiyo-e qui ne sont pas des estampes : c'est le cas des peintures telles que celles des Kaigetsudo et de la plupart des artistes ukiyo-e ;
- en sens inverse, il existe des estampes sur bois qui ne sont pas de l'ukiyo-e : c'est le cas par exemple des estampes bouddhistes.
Les épreuves d'estampes ukiyo-e sont produites de la manière suivante :
- l'artiste réalise un dessin-maître à l'encre, le shita-e ;
- l'artisan graveur colle ce dessin contre une planche de bois, puis évide à l'aide de gouges les zones où le papier est blanc, créant ainsi le dessin en relief sur la planche, mais détruisant l'œuvre originale au cours de ce processus ;
- la planche ainsi gravée (" planche de trait ") est encrée et imprimée de manière à produire des copies quasiment parfaites du dessin original ;
- ces épreuves sont à leur tour collées à de nouvelles planches de bois, et les zones du dessin à colorer d'une couleur particulière sont laissées en relief. Chacune des planches imprimera au moins une couleur dans l'image finale. Ce sont les " planches de couleurs " ;
- le jeu de planches de bois résultant est encré dans les différentes couleurs et appliqué successivement sur le papier. Le parfait ajustement de chaque planche par rapport au reste de l'image est obtenu par des marques de calage. L'encrage est obtenu en frottant le papier contre la planche encrée à l'aide d'un tampon baren en corde de bambou.
L'impression finale porte les motifs de chacune des planches, certaines pouvant être appliquées plus d'une fois afin d'obtenir la profondeur de teinte souhaitée.
La fabrication d'une estampe japonaise ne fait pas seulement intervenir l'artiste ; le dessin qu'il a réalisé n'est que la première étape d'un processus complexe, faisant appel à plusieurs intervenants (l'artiste, l'éditeur, le(s) graveur(s), le ou les imprimeurs).
La connaissance de quelques points de cette fabrication est indispensable pour bien comprendre ce qu'est une " estampe japonaise originale " :
- chaque estampe imprimée à partir des plaques de bois gravées originales est un original, et il n'y a pas d'autre œuvre originale : le dessin préparatoire d'origine (le shita-e, " l'image de dessous "), réalisé par l'artiste lui-même est généralement totalement détruit par le processus de gravure de la planche portant les traits de contours. Qui plus est, même lorsque le dessin original est conservé (en général parce que l'artiste a fait graver une autre version du dessin), il est fréquent qu'il ne paraisse pas " terminé ", et qu'en particulier, il ne porte aucune couleur ; on trouve aussi des dessins originaux comportant des empiècements de morceaux de papier découpés, puis collés sur les parties à corriger, qui sont les repentirs de l'artiste ;
- ce n'est pas l'artiste lui-même qui grave les plaques de bois originales, mais un graveur très expérimenté, qui peut être connu de l'artiste, qui supervise personnellement l'édition en tout état de cause. Toute regravure ultérieure de l'œuvre, effectuée sans la supervision de l'artiste, ne sera donc pas un original, quelle que soit sa qualité d'exécution. En revanche, le succès de certaines estampes a pu être tel qu'il a nécessité plusieurs regravures voulues par l'artiste, d'ailleurs pas toujours identiques ;
- ce n'est pas le graveur qui va imprimer les estampes finales, aboutissement du processus, mais des artisans spécialisés, utilisant le baren (tampon de bambou servant à frotter le papier sur la planche encrée) et le kento (pour s'assurer que chaque planche vient exactement s'imprimer à sa place, sans mordre sur les autres) ; l'impression des différentes couleurs se fait dans un ordre précis, pouvant impliquer jusqu'à une dizaine d'impressions successives, en commençant par le noir ;
- il peut exister plusieurs versions originales d'une même estampe ; l'un des exemples les plus connus est un portrait de Naniwaya Okita tenant une tasse de thé, fait par Utamaro : la première version comporte un rébus pour transcrire le nom de la belle Okita en dépit de la censure ; lorsque même les rébus furent interdits pour désigner les modèles, Utamaro le remplace par le portrait d'un poète. Sans aller jusqu'à cet exemple extrême, les variantes de l'arrière-plan d'une estampe sont fréquentes.
Le premier tirage de l'estampe se poursuit jusqu'à ce que l'usure du bois commence à donner des traits moins nets et des repères de couleurs moins exacts ; l'édition originale est alors en principe terminée, ce qui peut représenter un total de l'ordre de trois cents estampes environ.
Les artistes japonais découvrent la peinture occidentale bien avant que l'Occident lui-même ne découvre l'art japonais. En effet, dès 1739, Okumura Masanobu entreprend pour la toute première fois l'étude de la perspective utilisée dans les images venant d'Occident. Il a pour cela le soutien du shogun, du fait de l'intérêt que celui-ci porte aux sciences occidentales.
Puis, dès 1750 environ, Toyoharu s'attache à comprendre de façon approfondie les règles de la perspective utilisée dans la peinture occidentale depuis Paolo Uccello. Il s'essaie tout d'abord à copier librement certaines gravures sur cuivre, ce qui conduit à d'étonnantes estampes montrant les gondoles sur le Grand Canal à Venise... Il produit ensuite des estampes qui traitent de sujets japonais en faisant appel à une perspective " occidentale " (utilisation de lignes de fuite). Plus tard, Kuniyoshi produira aussi quelques estampes influencées fortement par la peinture italienne.
Outre la perspective, une autre découverte occidentale marque profondément l' ukiyo-e, à partir de 1829 : il s'agit du bleu de Prusse, moins fragile que le bleu d'origine naturelle utilisé jusque-là. Il est dès lors utilisé de façon intensive, notamment par Hokusai et Hiroshige.
Cette Exposition universelle, à laquelle, pour la première fois, le Japon participe de manière officielle, est suivie de la vente de quelque treize-cents objets. Dès lors, l'impulsion est donnée, de telles ventes vont se répéter, par exemple en 1878, à l'occasion d'une rétrospective qui met Hayashi en contact avec les collectionneurs français.
Alors que les ukiyo-e, largement supplantés par la photographie, passent de mode au Japon, ces images deviennent une source d'inspiration en Europe pour le cubisme ainsi que pour de nombreux peintres impressionnistes parmi lesquels Van Gogh, Monet, Degas ou encore Klimt. Cette influence est appelée le japonisme.
Dès lors, Hayashi devient l'un des tous principaux ambassadeurs de l'art japonais en France et en Occident, approvisionnant les collectionneurs en objets d'art importés.
L'un des plus grands collectionneurs d'estampes, le comte Isaac de Camondo, lègue toute sa collection au musée du Louvre où, enrichie par d'autres apports, elle constitue la base de ce qui est aujourd'hui la grande collection du musée Guimet à Paris.