Une voix à la Jacques Brel, un titre jouant avec les mots, un décor de théâtre, un univers black and white, des créatures arachnéennes effrayantes, une mise en scène angoissante, voilà les ingrédients du dernier clip de la jeune star belge de la chanson Stromae, « Quand c’est » .
Comme à son habitude, la critique encense le jeune prodige, et les réseaux sociaux s’emballent partageant les images terrifiantes imaginées par Marion Motin, la réalisatrice du clip, qui illustrent les mots dérangeants du chanteur. Sa sortie a même été reprise par les sites du Nouvel Obs, RTL ou le Figaro et la vidéo sur You tube enregistre déjà plus de 4 millions de vues depuis sa mise en ligne lundi.
Extrait :
“Mais oui on se connaît bien
T’as même voulu te faire ma mère hein ?
T’as commencé par ses seins
Et puis du poumon à mon père, tu t’en souviens ?”
Le titre est empli de fatalisme et véhicule toute l’horreur et la peur que génère le cancer.
Ces sentiments sont, du reste, assez représentatifs de la vision du grand public. En effet, d’après une récente étude de la fondation ARC révélée en février dernier (1), le cancer est la maladie qui fait le plus peur aux français, loin devant le sida, les maladies cardio-vasculaires ou la maladie d’Alzheimer.
Mais, si les paroles et les images reflètent cette vision pessimiste partagée par beaucoup, cela représente-t-il la réalité ? Les institutions tentent de changer le regard sur le cancer, à grand coup de communiqués de presse relatant les études récentes. Leur crédo : expliquer encore et encore qu’un tiers des cancers peuvent être évités (2) en changeant les comportements, et qu’un malade sur deux en guérit. Voilà le vrai message !
Or dans cette chanson, Stromae donne l’impression que non seulement le cancer frappe sans distinction, sans prévenir, n’importe qui, mais aussi qu’il est à tout coup fatal.
Est-ce qu’alimenter la peur favorise l’information ?
Le rôle d’un artiste n’est probablement pas celui d’informer mais le succès n’impose-t-il pas au moins de ne pas véhiculer et augmenter la peur de son public de façon inconsidérée?
Et les malades dans tout ça ?
En regardant ce clip, j’ai évidemment pensé à tous ceux qui se battent, qui espèrent faire partie de ceux qui vaincront la bête, qui imaginent leurs organes pris dans les filets de l’araignée qui emporte le jeune homme à la fin de la vidéo. A l’écoute de ce texte, en visionnant les images, comment vont-ils réagir ?
Je pense à tous ceux qui ont guéri, pas plus héroïques que les autres, mais peut être plus chanceux. Devront-ils se battre plus encore pour ne pas être des parias, pour se réinsérer dans une société qui ne sait comment gérer ses survivants ?
Je suis donc extrêmement mal à l’aise et probablement une fois de plus en décalage avec la pensée collective, mais je n’adhère vraiment pas à cette vision fataliste et volontairement angoissante. Et savoir que des millions de gens vont fredonner en boucle la chanson me glace le sang.
Si vous l’avez raté, voici le clip :
Et vous qu’en pensez-vous ?
Catherine Cerisey
Sources :
(1)Fondation ARC : Les français face au cancer
(2)OMS