Alors oui, je ne vous le cacherai pas plus longtemps, moi qui l’ai vu de près, je peux affirmer que Nicolas Lebel est bel et bien roux ! Les photos glanées sur sa page Facebook qui tentent de faire croire le contraire ne résistent pas longtemps à un examen attentif.
Nicolas est roux, point.
Cela ne l’empêche pas, comme pourraient le penser certains, d’écrire des polars, d’enseigner l’anglais, de vouer une passion sans limite pour le Vouvray pétillant et les répliques d’Audiard. A n’en pas douter, ses cheveux de feu lui confèrent aussi un avantage souvent décisif : ils déstabilisent ses adversaires, aussi sûrement que le mot pamplemousse, lors de ces rudes joutes qu’il affectionne, étant depuis l’âge de trois ans un aficionado des sports de combat extrême : Krav-maga, capoiera, kick boxing, lutte gréco-grecque ou ultimate baston (la légende raconte qu’il participe à des fight clandestins dans des caves de banlieue sous le sobriquet comminatoire du Marteau Ecossais). Cet homme, comme me le soufflait il y a peu, un Olivier Norek apeuré, cet homme, donc, est capable de tuer un homme avec un seul doigt. Un cheval même, ajoutait l’auteur de Digicode AC93 avant de partir comme un pet sur une toile cirée.
Nicolas Lebel est roux. C’est avéré. Passons.
D’autres zones d’ombre subsistent qui rendent cet auteur plus sibyllin encore et qui ne sont pas près d’être éclaircies tant l’homme tient bien l’alcool. Quel lien de parenté l’unit à Michel Lebel, champion de bridge ? Lui a-t-il appris, quelque part dans la jungle indonésienne, les règles de ce jeu élevé au rang de sport ? Est-il son partenaire officiel dans un tripot de Macao où il fait le mort pour lui et pour quelques dollars de plus ? Et que penser du fusil Lebel ? En est-il l’inventeur ? Sait-il seulement s’en servir ? Nicolas Lebel habite-t-il Villiers le Bel ? Possède-t-il le sang bleu de Philippe le Bel ? A-t-il soufflé à Jack Lang sa célèbre réplique : « Quel Lebel homme ! »
A toutes ces questions, je n’ai pas de réponse et préfère donc vous parler de son premier polar : L’Heure des Fous aux éditions Marabout.
J’en ai fait l’acquisition au salon de Saint Cyr sur Loire où nous nous sommes retrouvés il y a une grosse semaine. Eh oui, autre facette de sa personnalité complexe, Nicolas Lebel est pingre et ne m’a pas offert son bouquin, contrairement aux coupettes de Vouvray qu’il me tendait à intervalles de temps trop réguliers car elles étaient gratos, elles (je ne veux pas sombrer dans le cliché facile mais l’équation roux = écossais = radin serait-elle ici vérifiée ?).
Pour faire court, son livre c’est du tout beau, c’est du tout bon, comme dirait Dubonnet.
Commissariat du douzième arrondissement de Paname. Le capitaine Mehrlicht, grenouille au physique de Paul Preboist, ou l’inverse, qui fume comme Brel et parle comme Audiard, mène l’enquête sur le meurtre d’un SDF, aidé de ses collègues : Dossantos, mastodonte bodybuildé qui connaît son CPP par cœur, Latour, la jolie (on le suppose du moins) lieutenant qui planque un sans-papier et Ménard, l’inspecteur stagiaire qui en prend plein la tronche.
L’enquête est pour le moins originale et étayée par, excusez du peu, l’oeuvre de Victor Hugo. Attention, l’ensemble n’est pas pour autant pétri de nostalgie pour le XIXème siècle.
C’est moderne, très moderne. Le texte est émaillé de références très contemporaines : pub, jingle, série télé… Et puis c’est amusant parce que Mehrlicht abuse de l’argot d’Audiard, rendu célèbre par les fameux tontons flingueurs. Nicolas nous gratifie de quelques répliques cultes (« Les cons ça ose tout ! C’est même à ça qu’on les reconnaît« ) et nous en fait découvrir d’autres par un astucieux procédé (la sonnerie du portable de Mehrlicht est une phrase, toujours différente, tirée d’un dialogue écrit par Audiard) qui prend tout son sens dans les derniers chapitres.
Ça se lit vite, ça se lit bien. C’est léger mais pas tant que ça. L’humour ne cherche pas à cacher les préoccupations plus sérieuses qui semblent tracasser l’auteur : l’exclusion, le grand capital, notre société égoïste et broyeuse d’homme. Et puis, last but not least, on apprend des choses dans ce bon polar et moi j’adore. Peut-être le côté prof de Monsieur Lebel… On ne se refait pas !
A lire d’urgence donc, même si vous n’êtes pas roux.