Jack '70

Publié le 16 septembre 2015 par Hunterjones
Jack Nicholson est multi-récipiendaire d'Oscars. Dans son métier, d'acteur (et réalisateur/scénariste/producteur) il est une sommité. Dans le milieu depuis plus de 60 ans, il a incarné une série de personnages fort diversifiés, dans des premiers rôles comme dans des seconds (et fût récompensé dans les deux catégories),  allant de la comédie satirique en passant par la romance, jouant de sombres méchants ou des agités psychotiques, mais incarnant presque toujours l'éternel marginal, le sardonique rebelle, bref le personnage en opposition avec une large partie de la société.
En privé. on le dit extrêmement allumé, curieux et avenant.
Ceux qui me connaissent comprennent très facilement en quoi je me reconnais et ce qui me plait chez lui.

Alors qu'un de ses agents lui avait vivement conseillé de changer de métier, Jack Nicholson a commencé son ascension vers la gloire au tout début des années 70 avec une première nomination dans la catégorie du meilleur acteur pour le film Five Easy Pieces de Bob Rafleson.
4 ans plus tard, il avait déjà deux nominations supplémentaires dans la catégorie du meilleur acteur et son nom apparaissait au sommet de plusieurs listes "d'acteurs payants" pour les compagnies de production de films.

Il demandait alors à son nouvel agent de lui dénicher au possible les rôles les plus diversifiés. Ce que son agent a brillamment livré. Grand admirateur de films internationaux et dans la position de l'acteur pouvant travailler avec qui bon lui inspire quelque chose, Jack, à 37 ans, se cherchait un projet en commun avec celui qui deviendrait un proche ami: Roman Polanski.
Robert Towne, brillant scénariste, avait été approché par le producteur Bob Evans pour scénariser une adaptation de The Great Gatsby de F.S.Fitzgerald (C'est Coppola qui héritera de la tâche). Intimidé par le classique de l'auteur de New York, Towne avait plutôt négocié une avance de 25 000$ pour qu'il développe un de ses propres scénarios à lui. Une histoire de magouille autour de la gestion de l'eau dans le Los Angeles des années 30. Evans voulait la vision européenne de Polanski des États-Unis, Polanski voulait travailler avec Nicholson, et Towne avait écrit son personnage de J.J.Gittes avec Nicholson en tête, Nicholson avec qui il avait déjà travaillé (valant à Jack sa 3ème nomination aux Oscars).

Les astres étaient enlignés. Chinatown allait faire sensation et lui mériter une 4ème nomination aux Oscars en 4 ans. De quoi faire envier bien des agents d'artistes.
La même année, Mike Nichols, avec lequel Jack a déja aussi travaillé (se méritant sa seconde nomination aux Oscars) venait d'enligner deux échecs critiques et publics et se devait de retrouver un brin de gloire. Il a donc accepté le projet que Warren Beatty avait présenté à Bob Evans: The Fortune. Un film racontant l'histoire de deux filous tentant de mettre le grappin sur l'argent d'une riche héritière. Beatty & Nicholson joueraient les deux filous. Le scénario de Carole Eastman ne se voulait pas une simple comédie, mais Nichols a insisté pour en faire un film de type slapstick, presque Chaplinesque. Créant du même coup une friction absolue avec sa scénariste. Le résultat fût une catastrophe publique et critique, mais tout le monde a eu de bons mots pour les comédiens, attaquant plutôt les décisions de réalisation et de mise-en-scène. Nichols ne tournerait plus pendant 7 ans.
Nicholson ne lésinerait pas. Dans les années 70, il tournerait dans pas moins de 17 films en 10 ans.

Nicholson avait eu le temps, entre Chinatown et The Fortune de tourner The Passenger avec un réalisateur qu'il avait en très haute estime: Michelangelo Antonioni. Ce brillant film sur la perception de l'identité, l'aliénation et le désir humain de s'échapper à soi-même est stupéfiant de travail de caméra. Nicholson a tant aimé son expérience avec le génie italien qu'il a acheté les droits de distribution du film par la suite afin de s'assurer personnellement qu'il soit vu.
Quand le tournage de One Flew Over the Cukoo's Nest s'est terminé, vers mars 1975, Nicholson sortait de moments assez noirs. Il avait perdu une amie proche en Cass Eliott, décédée beaucoup trop jeune, et dont les rumeurs autour de sa mort étaient grossières, et il venait de découvrir que celle qu'on lui avait présentée comme sa soeur toute sa vie durant, était en fait sa mère.
De plus, sa relation avec Milos Forman était si mauvaise que Jack ne communiquait qu'avec le directeur photo, Bill Butler.
C'est soulagé, mais aussi un brin à bout de nerfs un an plus tard, qu'il mettra finalement mis la main sur la statuette du meilleur acteur aux Oscars pour ce film qu'il tient à bout de bras en compagnie d'une formidable Louise Fletcher et de malades joués fameusement. Des rumeurs l'envoyaient peut-être dans les Philippines pour jouer dans Apocalypse Now, mais Brando finira par se (pseudo) discipliner.
Pendant l'été 1975, Nicholson accepte l'invitation de sa bonne amie Ann-Margret et joint le casting du tournage de Tommy de Ken Russell (et The Who), dans un rôle (chanté) minuscule. "Si il fût un seul moment dans ma carrière où on m'a simplement dit "Ne fais qu'être beau", ce fût ce moment" dira-t-il de sa participation.
Le film suivant allait être décevant. Réunissant Nicholson (dernier Oscar du meilleur acteur) et Marlon Brando (Oscar du meilleur acteur 1972), les studios anticipaient de gros sous. Les acteurs aussi. Arthur Penn à la réalisation, on souhaitait ne pas se tromper. Mais cette histoire de cowboys et de rebelles de l'Ouest mord la poussière et Nicholson, qui avait acheté des parts dans les recettes du films, se voit obliger de poursuivre la production, incapable de lui payer ce qu'elle lui doit.
L'adaptation du dernier roman (inachevé) de F.S.Fitzgerald par Harold Pinter pour Elia Kazan sera le film suivant de Jack Nicholson. Dans le rôle du fouteur de merde syndical, Nicholson est parfait. Le film n'est pas tellement bien reçu, malgré DeNiro, Curtis, Mitchum, Moreau, Ray Milland et Dana Andrews au générique. Nicholson y trouve l'amour en l'actrice Anjelica Huston avec qui il se rendra à la cérémonie des Oscars

C'est avec elle qu'il se paie un congé bien mérité de presqu'un an, s'installant à Londres avec Anjelica et où le prêt de sa maison à un ami en Californie tournera au drame. Il veut préparer son second film comme réalisateur (le premier fût tourné en 1971) une comédie western qu'il lancera dans une certaine indifférence en octobre 1978.
En 1979, il tourne avec le Grand Stan, mais l'expérience est très difficile car Kubrick change le script tous les jours et est d'un soin maladif pour chaque prise. Nicholson ne prend pas la peine de mémoriser ses lignes car il sait qu'elles changeront de toute façon. Il les lit tout juste avant de tourner la scène. Sa coéquipière Shelley Duvall en perd ses cheveux tellement le niveau de stress est intense sur le tournage.
Le résultat final sera quand même fantastique pour le spectateur.
Les années 70 n'étaient que le prélude à ce que Jack pouvait offrir à son art...