15 septembre 2015 / Barnabé Binctin (Reporterre)
« Mais quels écologistes ? »
Mais que pensent les militants et sympathisants communistes de cette idée originale. Parfois, la question est parue saugrenue. Reporterre a arpenté les allées pour le savoir. « Les écologistes sont des socio-démocrates, que proposent-ils sur l’austérité ? » demande J.-B., au stand des Jeunes Communistes 44. Entre deux verres de shooter qu’il vend 1 euro, ce partisan de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes reproche l’entêtement d’EELV sur ce dossier : « Ils ne veulent pas d’accord politique si on ne se met pas d’accord sur le sujet. Mais il n’y a pas que l’aéroport en politique. »Venue des Ardennes, Christine critique également EELV : « Ce n’est pas un parti politique. Tout le monde fait de l’écologie, dans n’importe quel parti. Par contre, eux, sur l’économie, ce n’est pas prouvé ce qu’ils proposent ! » Sa voisine Corinne, la cinquantaine fringante, acquiesce : « On a du mal à les comprendre les écologistes. Avec les histoires de De Rugy et Placé, on ne voit pas trop leur stratégie… »« Qui parle des ouvriers ? Les écolos, c’est 80 % de bobos »
Face à la grande scène, point stratégique et le plus fréquenté du site, le stand de la Marne arbore une large banderole appelant à un « Front Populaire du XXIe siècle ». A l’intérieur, les militants de la fédération 51 débattent de la possible participation des écologistes à ce projet.« C’est difficile, il y a trop de sujets sur lesquels nous ne sommes pas d’accord », dit Antoine, 26 ans, travailleur du nucléaire qu’il reconnaît comme « une énergie pas propre » - « mais que propose-t-on concrètement en remplacement aujourd’hui ? » Le « cuistot Titi » se montre plus optimiste : « Ils ont leur place avec nous, moi j’aime la nature. » Antoine conteste : « Ça ne ramènera pas de voix ! » Damien, un sympathisant normand, tranche le débat : « Non, pas pour l’instant. Les écologistes ne pensent qu’à une chose, c’est l’écologie, mais il est où l’humain là-dedans ? Qui parle des ouvriers ? Les militants d’EELV, ce sont 80 % de bobos, c’est statistique ! »Si les militants ne semblent guère séduits par l’idée d’un rapprochement avec les écologistes, la direction du Parti communiste, elle, donne quelques gages en faveur du rapprochement. De petits signes laissent penser que le parti communiste opère une mue sur la question de l’écologie, à l’image de l’affiche de cette édition qui met la planète Terre au cœur de l’iconographie.- La conférence avec Maxime Combes et Txetx Etcheverry
"Raisons politiciennes"
En public, les responsables de section du parti tiennent également un discours plus enclin vers l’alliance avec les écologistes : « C’est vital, si on ne le fait pas, on meurt », juge André de Ubeda, candidat du PCF lors des deux dernières élections municipales de Toulon. Il prône « une écologie bien comprise, qui doit s’attaquer aux causes plutôt qu’aux effets, et donc en premier lieu au capitalisme ». Mais le nucléaire est un sujet de désaccord pour celui qui ne se dit pas opposé au projet de réacteur à fusion ITER, dans sa région : « Le plus gros problème du nucléaire, ce sont les déchets ; là, avec le principe de la fusion, on les supprime. Et le problème du fossile est réglé, puisqu’il n’y a plus d’uranium dans le projet. » Cependant, assure-t-il, il y a aujourd’hui entre communistes et écologistes plus de convergences que de divergences. Pourquoi, alors, l’alliance peine-t-elle tant à se mettre en place ?Pour des raisons « politiciennes », selon André de Ubeda : « D’un côté, le PCF est un véritable paquebot, qu’on ne change pas comme ça, d’un coup. De l’autre, une organisation décentralisée et plutôt anarchique des Verts, dont l’atomisation rend compliquée les discussions à l’échelle nationale. » Dans sa région de Provence-Alpes-Côte d’Azur, les discussions quant à une alliance pour les prochaines régionales sont encore en cours, comme dans trois ou quatre autres régions de France.Seule une Région aurait aujourd’hui validé l’idée d’une candidature unie entre EELV et le PCF, aux côtés des autres composantes du Front de Gauche : Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon. Au stand de l’Aveyron, Martine Pérez, actuelle conseillère régionale, se montre volontariste : « Il faut se parler. Dans la période actuelle, on n’a pas le droit de rester chacun dans son camp et de se compter. Il y a tellement de problèmes plus importants qu’on ne peut pas se fixer sur ceux qui nous divisent, il faut voir l’essentiel de ce qui nous unit. » La recette consiste à trouver des compromis : « Sur le nucléaire, on est d’accord pour dire qu’on ne peut pas tout miser là-dessus, et les écologistes reconnaissent qu’on ne peut pas fermer toutes les centrales d’un coup. Sur le projet de LGV Paris-Toulouse, on s’est mis d’accord pour demander un débat public au niveau régional. »- Martine Pérez
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Source et photos : Barnabé Binctin pour Reporterrehttp://www.reporterre.net/Les-militants-communistes-ne-sont-pas-prets-a-l-union-avec-les-ecologistes