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La r??forme de la Justice, un leurre ou la fin d’une esp??rance

Publié le 10 mars 2008 par Zadvocate

Ci-apr??s un article ??crit par Fr??d??ric ZAJAC (Avocat) et Didier PEYRAT (Magistrat en disponibilit??) membres de l’association Besoin de Justice ?? propos des diff??rentes r??formes intervenues depuis l’??lection pr??sidentielle de mai dernier. L’article devrait para??tre dans Le Monde prochainement.

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Malgr?? le cataclysme engendr?? par l’affaire d’Outreau, les inconv??nients d’une r??forme de la Justice ?? moindre co??t et la mise ?? n??ant des valeurs humaines se poursuivent.

Rappelons-nous les travaux parlementaires de la Commission Outreau qui avaient suscit?? un formidable espoir, tant dans l’esprit du public, que des professionnels de justice, d’une v??ritable r??forme sous l’??gide de la pr??somption d’innocence, de l’??galit?? de tous devant les Juges, du plus grand respect de la personne humaine (qu’elle soit auteur, victime, malade, majeur ou mineur…).

Ce n’??tait qu’un v??u pieux, peut-??tre m??me un leurre.

Car c’est l’inverse qui, malheureusement, se produit.

Avec l’inflation l??gislative actuelle produisant des r??formes successives, c’est une nouvelle conception de la justice qui s’avance insidieusement.

Les Magistrats sont concern??s, mais aussi les avocats et surtout les citoyens.

La politique p??nale insuffl??e et actuelle est aliment??e par des d??clarations populistes ou ??lectoralistes et n’est guid??e que dans l’unique but de r??pondre ?? l’??motion g??n??r??e par les faits divers.

Cette d??marche est dangereuse, injustifi??e, injuste et n’aboutira qu’?? l’inverse de ce qui ??tait escompt?? dans l’esprit de nos concitoyens.

Dans une premi??re ??tape, la Garde des Sceaux a souhait?? une refonte de la carte judiciaire.

Quelle belle id??e si une v??ritable analyse et une v??ritable concertation avaient ??t?? effectu??es en amont.

Le constat aujourd’hui est simple et alarmant : plut??t que de rapprocher le citoyen de son Juge, on l’??loigne. Tout d’abord g??ographiquement (pour certains il leur faudra parcourir plus de 200 kms pour pouvoir ??tre entendu par un Juge), puis attributivement en r??duisant son champ d’intervention dans de nombreux domaines, lui ??tant des pr??rogatives, des possibilit??s d’intervention et de contr??le.

Sous pr??texte d’??conomies budg??taires, on ne renforce pas les moyens de la Justice, mais on red??ploie ses faibles moyens et on se passera des juges dans bien des domaines… (peut ??tre pour que ceux-ci se concentrent sur la r??pression des violences urbaines plut??t que sur celle de la d??linquance en col blanc ?…)

De nombreux textes l??gislatifs, voire de discussions, d??montrent que l’on souhaite d??truire des pans entiers du droit (notamment en mati??re de divorce, de licenciement, de probl??mes li??s ?? la circulation routi??re et d’autres encore), privant ainsi de la possibilit?? d’??tre d??fendu et surtout entendu.

Ne parlons pas en outre du choix politique qui supplante les crit??res objectifs concernant les juridictions sauv??es ou sacrifi??es dans le cadre de cette carte, ni des Cabinets d’avocats qui ont ??t?? ferm??s et dont les cons??quences humaines et financi??res sont indescriptibles.

Puis, ce f??t l’utilisation du d??sir l??gitime de s??curit?? de nos concitoyens pour promulguer une nouvelle Loi appel??e “Loi sur la r??cidive” du 10 ao??t 2007, cr??ant ce que l’on appelle commun??ment les “peines plancher”, alors que l’on n’a pas pris le temps de mesurer les effets de la toute r??cente Loi du 12 d??cembre 2005 sur le traitement de la r??cidive.

Avec ce nouveau durcissement, le foss?? se creuse entre deux parties de la population : celle la plus d??munie et qui se verra infliger des peines particuli??rement s??v??res, inversant par l?? m??me les principes entre la d??tention et la libert??, et celle des plus favoris??e, d’un autre c??t??, des travaux engag??s au sein de la Chancellerie pour la d??p??nalisation du droit des affaires en ??tant le corollaire.

Ceci ??quivaudrait en quelque sorte, et sans caricaturer, ?? condamner ?? une peine ferme d’un an un jeune de 18 ans qui aurait commis le d??lit de vol d’une tablette de chocolat ?? deux reprises et, dans le m??me temps, ne pas poursuivre un chef d’entreprise qui aurait d??tourner par l’interm??diaire d’un abus de bien social des sommes pouvant ??tre de plusieurs millions.

Dans les deux cas, il s’agit d’un recul grave de la place du Juge. Dans le premier cas, parce qu’il ne reste qu’une minuscule marge d’appr??ciation face ?? une peine presque automatique, dans le deuxi??me cas, on se passerait purement et simplement du Juge.
Est-ce la justice que l’on souhaite pour nos enfants ?

Puis, aujourd’hui, c’est le projet de Loi relatif ?? la r??tention de s??ret??.

L?? encore, on s’??vertue ?? stigmatiser une partie de la population contre une autre, victimes contre auteurs, personnes dites normales contre personnes dites malades mentales.

Ainsi, au m??pris de tout principe, le Gouvernement, dans une d??marche purement d??magogique et trompeuse, suscite une nouvelle Loi de circonstance, entretenant la confusion entre r??pression et pr??vention. Ce texte porte une nouvelle atteinte intol??rable au principe de la souverainet?? de la d??cision de justice en la vidant de son contenu pr??ventif, et constitue en r??alit?? un emprisonnement au nom de crime que l’on pourrait commettre et non en raison des infractions effectivement commises.
Comme si pour ??viter une seule ??ventuelle r??cidive, on se devait d’en enfermer des milliers !

Les r??formes actuelles tendent ?? la cr??ation de peines automatiques, ?? stigmatiser une partie de la population contre une autre, ?? cr??er un d??s??quilibre entre les justiciables les plus d??munis et les plus favoris??s.

Il suffit de se rappeler du cas du petit Ennis ?? l’occasion duquel a ??t?? stigmatis??e la r??cidive d’un sortant de prison, alors m??me que personne ne s’est pos?? la question de savoir si les soins qui auraient dus ??tre prodigu??s l’avaient ??t?? dans le cadre de l’incarc??ration de l’auteur.

Bien ??videmment que non, enfermer est plus facile et moins co??teux que de soigner.

Au surplus, sous couvert d’??conomies budg??taires, le budget de la Justice (ainsi que celui du minist??re de l’Int??rieur) n’est principalement affect?? qu’?? la r??pression, oubliant toute pr??vention et n??gligeant les moyens n??cessaires ?? la pr??vention de la r??cidive.

C’est ainsi par exemple que l’affectation des ??ducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse se fait prioritairement au sein des ??tablissements p??nitentiaires pour mineurs, tandis qu’en raison des postes vacants ou insuffisants, un mineur, dans de nombreuses zones sinistr??es, attend 4 ?? 6 mois avant d’??tre effectivement suivi par un ??ducateur, quand bien m??me il est pass?? devant son Juge tr??s peu de temps apr??s le d??lit (et de plus en plus souvent aussit??t apr??s la garde ?? vue).

C’est ainsi ??galement que la Loi de mars 2007, improprement nomm??e comme ??tant relative ?? la pr??vention de la d??linquance, concentre maintenant entre les mains du minist??re de l’Int??rieur le budget qui devrait ??tre consacr?? ?? la pr??vention de la d??linquance, lequel, vu du terrain, semble se r??duire ?? une peau de chagrin.

Cette r??forme de la Justice oublie volontairement les grands principes qui ont fait la force de notre ??tat, que le Juge doit toujours ??tre au dessus des parties (qu’elles soient victime ou auteur), et ne jamais d??s??quilibrer la balance en faveur d’une partie plus que d’une autre.

L’homme politique devrait lui aussi ??tre au dessus de l’??motion et de l’??motivit?? d’une partie de la population contre une autre et faire en sorte que la Loi s’applique que l’on soit riche ou mis??rable, que l’on soit de gauche ou de droite, que l’on soit un homme ou une femme, fran??aise ou non et quelle que soit sa religion.

Les r??formes qui se succ??dent sans r??pit depuis cet ??t??, sans concertation pr??alable avec les professionnels de la Justice ni d??bat sur leurs cons??quences et leurs enjeux pour la soci??t?? et l’??quilibre de ses pouvoirs, de tels assauts port??s aux principes fondateurs de notre Etat de droit, nous font craindre que l’??difice judiciaire, de plus en plus fragilis??, ne s’effondre.

BESOIN DE JUSTICE, association interprofessionnelle, entend s’??lever contre cette entreprise de destruction de notre institution judiciaire, la seule garante de l’??galit?? des individus devant la Loi.


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