Ou comment le portrait devient propagande.
On nous parle peu souvent de la Florence d’après Laurent le Magnifique, mort en 1492 … Ici, nous voici donc plongés au cœur du XVIème siècle, dans cette contrée disputée où les Médicis sont souvent contestés, voire chassés par les Florentins, envahis par les troupes de Charles VIII, évincés par le moine Savonarole puis réinstallés par un pape issu de leur riche famille ou remis en selle par Charles Quint.
Le portrait de cour exprime la puissance et la richesse. Après Léonard de Vinci, Michel-Ange et Raphaël, un nouveau style s’impose, celui de la « grande manière » avec des corps plus allongés. On dira plus tard « maniérisme » avec une nuance péjorative, mais c’est une lourde erreur. Voilà les peintures d’Andréa des Sarto (un peu charbonneuses mais par là-même tellement modernes !), Pontormo, Salviati, Cellini, Vasari et surtout Bronzino.
Avant de visiter l’exposition, il ne faut surtout pas manquer le film réalisé par Hector Obalk (dont j’adore les chroniques de décryptage dans ELLE) qui montre avec brio la façon dont les mains de Bronzino s’efforcent de ne jamais vraiment tenir l’objet qu’elles « caressent » : un instrument de musique, un livre, un casque …
Comment ne pas tomber en arrêt devant le portrait d’Eléonore de Tolède, épouse de Cosme 1er, qui marque de son influence espagnole le raffinement et la splendeur de la cour florentine.
Comme pour les portraits des courtisans, chaque accessoire, chaque détail compte, marque l’appartenance et le rang social au sein d’une cour strictement hiérarchisée : un ordre de chevalerie, un mouchoir brodé, un chien de chasse, une paire de gants. Il s’agit d’un code que nous avons bien du mal à percer.
Quand ils ne sont pas représentés en armure pour bien montrer que la force leur appartient – comme ce portrait d’Alexandre de Médicis devant Florence, drapé dans un manteau rouge sang (par Vasari) ou les portraits de Jean des Bandes noires par Salviati et celui de Cosme de Médicis (son fils) par Bronzino (dont le visage me rapelle celui de Gary Sinise, le lieutenant Mac Taylor) - les hommes et les femmes tiennent des livres car ils s’adonnent à la poésie, à la culture devenue une des valeurs fondatrices de la Toscane.
Pour moi, la plus émouvante des œuvres est ce portrait de jeune femme en flamboyante robe rouge et au petit chien, par ce même Bronzino, qui fait contraste dans sa grâce infinie à celui de Marie de Médicis, raidissime en sa grande robe d’apparat semée de broderies d’or, alourdie d’un sautoir de perles et de dentelles amidonnées, l’année de son mariage avec Henri IV en 1600.
Exposition au musée Jacquemart-André, 158 boulevard Haussmann – ouvert tous les jours de 10h à 18 h. et le lundi jusqu’à 20h30 - 12€ - jusqu’au 25 janvier.