Méthode d’apprentissage ancestrale, le deep learning permet aujourd’hui aux ordinateurs de réaliser de troublantes créations artistiques.
Voici plus de deux mois qu’elles enflamment la toile : ces images issues du programme Deep Dream, développé par le géant Google, où l’on voit paysages et tableaux célèbres hérissés de formes psychédéliques, animaux hybrides et oniriques, arabesques multicolores et autres apparitions fantasmagoriques qui donneraient presque au spectateur l’impression d’avoir ingéré des psychotropes, n’en finissent plus d’intriguer les internautes. Pourtant, à l’origine, l‘outil en question n’a rien d’artistique : il s’agit d’un projet de deep learning, qui entraîne un programme à reconnaître et identifier des formes au milieu d’un décor. De cette façon, l’ordinateur est capable de procéder par association et d’extrapoler une forme à partir d’une autre : en d’autre terme, là où un motif rappelle vaguement la tête d’un hibou, le programme fera apparaître un hibou entier, créant des tableaux troublants, aux allures de rêveries robotiques. Une équipe de chercheurs allemands de l’Université de Tubingen vient tout juste de réaliser une expérience tout aussi intrigante, basée également sur le machine learning. Le résultat ? Un algorithme capable de créer des tableaux ressemblant à s’y méprendre à des oeuvres de grands maîtres (Van Gogh, Munch, Turner…) à partir de simples photos de paysage.
Interroger la création artistique
Pour ce faire, les chercheurs ont nourri la machine de nombreux tableaux des différents peintres. Celle-ci les a digérés et analysés, au point de pouvoir reconnaître le style, les couleurs, la technique et le coup de pinceau de chaque grand peintre. Ensuite, confronté à une photo de paysage quelconque, l’ordinateur est capable de conserver le contenu de l’image (les éléments présents et leur disposition) tout en y calquant le style de l’un des artistes. Tout simplement bluffant. Cette méthode peut être utilisée à de nombreux escients : Google Maps s’en sert pour déchiffrer le texte présent dans les paysages, comme le nom des rues, tandis que des chercheurs l’utilisent pour reconnaître les galaxies. Appliqué à des fins artistiques, le deep learning fait curieusement écho aux processus créatifs à l’oeuvre dans le cerveau humain, et permet une réflexion sur l’art et la manière dont nous le concevons.
Apprendre en emmagasinant
En quoi consiste exactement le deep learning, capable de rendus aussi spectaculaires ? Cette méthode repose sur l’apprentissage supervisé : pour qu’un programme apprenne à reconnaître un chat lorsqu’il en voit un sur une image, on le nourrit de (très) nombreuses images de chat, de façon à ce qu’il intègre les différentes caractéristiques de l’animal et soit capable d’en reconnaître un sur une nouvelle image jamais analysée auparavant. Particularité du deep learning : l’ordinateur procède par couches, c’est à dire qu’il décompose l’image en plusieurs étapes, en travaillant chaque fois avec des concepts de plus en plus précis. (explications plus détaillées (et techniques) par Yann Ollivier, chercheur en IA au CNRS, pour ceux qui souhaiteraient en savoir plus). Autres projets détonnants, recensés par le Monde : un programme capable de singer le style de Vivaldi pour réaliser ses propres compositions ; un autre en mesure d’improviser sur du jazz ; un troisième qui rédige de courtes histoires, un dernier qui élabore des recettes de cuisine… L’intelligence artificielle n’a jamais semblé aussi proche de la notre.