Le silence et dors...

Par Pandora



La pièce était calme, trop calme pour engager une conversation ou développer une pensée et je me demandai pourquoi le silence était devenu tellement assourdissant. Nous étions en plein milieu de la nuit, bien loin de l’heure du réveil et le concentreur n’aurait donc pas dû s’arrêter. Que se passait-il encore avec cette satanée machine ? Dalya aussi avait été réveillée par le silence et me fixait d’un air contrarié. Elle devenait invivable si elle n’avait pas ses 8 heures de sommeil aussi j’allumai rapidement la radio en réglant le volume au maximum pour qu’elle puisse se rendormir bercée par la musique teknotronik. Je me levai doucement, non sans l’avoir doucement embrassée, pour gagner le poste de domopilotage de notre habitation. A la différence de mon épouse, qui pouvait s’endormir dans n’importe quelles conditions, j’étais très sensible et sélectif sur le type de bruit environnant. Je détestais ainsi le bruit de la radio que j’utilisais par contre pour me concentrer en travaillant. Je ne pourrais pas m’endormir sans le concentreur, je le savais, et il n’était que 2 heures lunaires. Je lançai l’autodiagnostic de la panne pour déclencher ainsi l’intervention du bricolodroïde qui allait, je l’espèrais, régler tout cela très vite.

Il se disait qu’il y a quelques millénaires, les gens adoraient le silence. Difficile à croire !  Histoire réelle ou légende ? On racontait qu’au fil des siècles, à mesure que le niveau de bruit avait augmenté avec le développement des industries et des moyens de transport, de subtiles mutations génétiques s’étaient opérées pour permettre à l’espèce humaine de tolérer des niveaux de bruit de plus en plus importants sans conséquence pour sa santé. Mais l’envers de la médaille, si cette histoire était bien vraie (et rien n’était moins sûr) était que nous ne supportions plus le silence qui nous empêchait de nous concentrer et de réfléchir, qui nous empêchait de communiquer entre nous, qui nous empêchait de dormir. Qui nous rendait malheureux. Une pollution insonore, source de stress et d’énervement.

Les habitations des villes, idéalement bruyantes, étaient devenues hors de prix et nous avions dû, comme beaucoup de jeunes couples, nous installer en périphérie astrolunaire où il n’y avait que des cités dortoirs et des fermes. Silencieuses. Certes, avec les navettes de téléportation, nous n’avions besoin que de 10 minutes le matin pour nous rendre à notre travail, mais les conditions de vie y étaient déplorables. Nous avions bien essayé de nous loger dans le quartier des couloirs d’atterrissage où le bruit était plus important, mais les loyers y étaient trois fois plus élevés qu’ailleurs. Beaucoup trop pour nous. Alors pour essayer de vivre dans des conditions de vie à peu près acceptables, nous nous étions offert ce concentreur d’occasion qui délivrait des niveaux de bruit de l’ordre de 130 décibels (les autres modèles plus sonores étaient inabordables). Et c’était la troisième fois qu’il tombait en panne cette semaine.

Le bricolodroïde m’annonça de sa petite voix métallique : « Fatal error. Réparation impossible. Concentreur hors service». Saleté de société de consommation dans laquelle les appareils tombaient sans cesse en panne !

Moi qui détestais prendre des médicaments pour dormir, j’étais bon pour avaler une gélule de martopikeur si je voulais espérer grappiller quelques heures de sommeil….

  [Texte avec incipit écrit pour les impromptus, j'ai essayé de m'inspirer de Philip K Dick qui avait écrit "à rebrousse temps" où les personnages vivaient dans le sens vieillesse-jeunesse d'où l'ambiance un peu SF]